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Intervention de Frédéric Mitterrand

Réunion du 27 octobre 2011 à 21h30
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires culturelles et de l'éducation, commission des affaires économiques, commission du développement durable et de l'aménagement

Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication :

J'en suis heureux, mais le rapport laisse parfois planer un doute.

Mme Delong m'a posé plusieurs questions précises et techniques. En ce qui concerne le centre Pompidou mobile, dix jours après son inauguration, les pronostics de résultats ont déjà été deux fois dépassés. Il s'agit de faire venir dans des villes moyennes, qui ne possèdent pas de grands ensembles structurants et sont assez éloignées de Paris, un ensemble de chefs d'oeuvre – entre quinze et vingt – dans une présentation très dynamique, avec une médiation extrêmement bien faite. Le succès est considérable. L'architecture nomade a été montée par Patrick Bouchain, qui collabore également à la transformation de la Belle de Mai à Marseille. C'est un projet que je soutiens depuis le début.

Vous avez également évoqué le Plan Musées, auquel je suis particulièrement attaché. Depuis mon arrivée au ministère, j'essaye de consacrer le samedi ou le dimanche à la visite de musées ou de lieux culturels de notre pays un peu délaissés. J'ai été frappé de la grande misère des musées français. À Périgueux, où se trouve une admirable reconstitution d'une villa romaine par Jean Nouvel, le musée est dans un triste état. J'ai donc souhaité, avec Philippe Bélaval et Marie-Christine Labourdette, instituer un mécanisme de soutien aux musées. Nous avons réussi à mobiliser plus de 70 millions sur trois ans. La seule condition est que les collectivités locales concernées par une opération acceptent d'y participer. Notre pays est incroyablement riche de potentialités, et si l'État peut donner l'impulsion décisive ou apporter un complément aux collectivités locales qui n'ont pas les moyens de les faire vivre seules, tant mieux !

Nous avons donc établi une première liste de près de 80 musées, qui vont tous bénéficier de cette opération. On y trouve par exemple le musée Cocteau de Menton, le MuséoParc Alésia, le musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine, le musée Soulages de Rodez, le musée Girodet de Montargis, sans oublier les musées d'outre-mer – je m'étonne toujours que si peu de questions soient posées sur l'outre-mer, où vivent 3 millions de citoyens français. Les musées de Fort-de-France et de Pointe-à-Pitre figurent parmi les 80 musées retenus, de même que celui de Cayenne, qui va devenir le grand musée des mémoires guyanaises, un peu dans l'esprit du centre Tjibaou de Nouméa. Je vous fais grâce de la liste complète des musées concernés, mais je pense que nous pourrons être fiers de ce plan musées. Il y a en France 1 500 musées qu'il faudrait aider ; les collectivités locales ont accepté de s'engager pour 80 d'entre eux ; j'espère que nous pourrons poursuivre sur cette lancée avec une deuxième tranche.

J'en viens au Centre des monuments nationaux. Je pourrais vous donner des réponses techniques sur la maîtrise d'ouvrage, la maîtrise d'oeuvre ou le fonctionnement interne de cet établissement public. Je préfère vous dire que je fais confiance à la nouvelle direction. La gestion du Centre des monuments nationaux est devenue bien plus rigoureuse. Nous en avons de multiples exemples. La qualité des publications s'est grandement améliorée, comme la qualité de l'accueil ou celle de la promotion des monuments. Tout cela ne va pas sans mal, et je connais les problèmes du Centre. Mais la réponse à vos questions relève de sa direction, à laquelle je tiens à redire ma confiance.

Je voudrais redire l'importance du soutien que nous apportons non seulement aux collectivités locales, mais aussi aux propriétaires privés. Il faut le dire, beaucoup de propriétaires privés savent maintenir le patrimoine dont ils ont hérité – souvent avec difficulté, mais aussi avec un certain savoir-faire, une utilisation habile des procédures dont ils disposent, et parfois un souci d'économie domestique supérieur à celui de l'État. La veuve du colonel qui assure l'entretien de sa belle maison et l'ouvre aux visiteurs quatre fois par semaine, en assurant elle-même la visite, mérite d'être aidée. J'en ai la ferme conviction, une grande partie de notre patrimoine est préservée grâce aux collectivités locales, à ceux qui vivent à proximité et aux propriétaires privés, souvent bien plus modestes qu'on ne le dit, qui se dépensent corps et âme pour conserver à la Nation qui un château, qui une collection qu'ils pourraient fort bien vendre à n'importe qui. Je tiens à leur rendre hommage, et j'estime légitime de les aider.

Je vous remercie d'avoir salué le passage des ZPPAUP aux AVAP. En dépit des quelques heurts auxquels tout changement donne lieu, il y a là une réforme réussie, qui préserve pour l'essentiel le périmètre d'intervention du ministère, tout en assurant la protection des paysages exposés à l'urbanisation ou aux éoliennes… Nous aurons avec les AVAP un dispositif plus efficace et proche de la réalité.

J'en viens aux effectifs des DRAC. La RGPP entraîne évidemment une certaine diminution du nombre d'emplois dans les DRAC sur le territoire métropolitain. En outre-mer, en revanche, le nombre des DRAC augmente légèrement, conformément à ce que j'ai souhaité. J'observe également que les crédits dont disposent les DRAC sont augmentés. J'ai lu ici et là que les DRAC voyaient leurs moyens rognés. Ce n'est pas vrai : ils passent de 796 millions en 2011 à 801 millions en 2012. Cette augmentation peut sembler modeste si l'on tient compte de l'inflation, monsieur Bloche ; mais dans la situation économique actuelle, mieux vaut se réjouir que le budget de la culture soit sanctuarisé.

En tout cas, je n'ai pas le sentiment de déchanter, plutôt celui de tenir les engagements que j'ai pris à l'égard de l'idée que je me fais du bien public.

S'agissant du spectacle vivant, vous connaissez la question qui se pose – et vous seriez confronté aux mêmes problèmes que moi si vous étiez à ma place. Chacun demande toujours un peu plus, et cette demande est légitime, car on assiste à une hausse du coût de l'emploi dans le domaine du spectacle vivant, en même temps qu'à une augmentation extraordinaire – surtout dans la période de crise que nous vivons – de la demande culturelle. Jamais il n'y a eu autant de monde dans les théâtres, les festivals, les cinémas. Nous avons retrouvé le niveau de fréquentation des cinémas de l'année 1967 ! La billetterie officielle du festival d'Avignon enregistre une hausse de 15% de la fréquentation ! En même temps, on nous dit qu'il faut rompre avec le « saupoudrage » et concentrer davantage les soutiens. C'est un travail de chaque instant que de parvenir à trouver un équilibre entre ces contingences, et je rends hommage à Georges-François Hirsch qui s'y efforce. Nous faisons un véritable travail de capillarisation, établissement par établissement, lieu de spectacle vivant par lieu de spectacle vivant, pour essayer de préserver leurs marges, voire d'aider tel théâtre à restaurer sa grille. Vous êtes dans votre rôle, monsieur Bloche, mais vous conviendrez qu'il est très difficile de faire rentrer une infinité de cas particuliers dans une analyse générale. 1 500 établissements sont aidés par l'État, sous 20 labels différents – centres dramatiques nationaux, scènes nationales, centres chorégraphiques… Aucune majorité ne se risquerait aujourd'hui à une réforme radicale, parce que c'est le public qui en pâtirait. Ce système a été construit avec patience, dévouement et générosité par les artistes, les créateurs, les administrateurs et les politiques de tous bords.

Vous dénoncez la diminution de la subvention du ministère à l'Orchestre national d'Île-de-France. Mais celle de la région Île-de-France diminue dans des proportions bien plus considérables – nous sommes d'ailleurs en train d'en discuter afin que l'Orchestre puisse s'en sortir le mieux possible. Je pourrais disserter sur ce sujet des heures durant, et reprendre chaque cas particulier : vous vous apercevriez que leur accumulation ne correspond pas à l'application d'une règle générale.

J'en viens au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Vous avez mis le doigt sur un sujet brûlant, celui du montant du budget et du fonctionnement du CNC. Nous avons un système exceptionnel, sans équivalent dans le monde, qui permet à la profession du cinéma d'autofinancer non seulement sa survie, mais son expansion. La numérisation des salles de cinéma, qui est en cours, montre une fois de plus que la France, dont on dénonce si souvent l'incapacité à se réformer, est capable de se moderniser très rapidement. Le passage à la TNT a été une réussite, comme l'avait été le passage à l'euro. Dans dix-huit mois, l'ensemble des salles de cinéma françaises seront numérisées, ce qui entraînera un vrai gain de productivité, et donc une économie. Il faudra certes veiller à ce que cette évolution ne se traduise pas par une perte de liberté et un accroissement du pouvoir des distributeurs, mais nous y sommes résolus. Retenons que le CNC cristallise des financements particuliers qui lui permettent de monter ce type d'opérations.

Son budget, qui s'élevait à environ 600 millions d'euros il y a deux ans, est aujourd'hui plafonné à 700 millions. Avec le financement par les taxes affectées, il s'élèvera en fait à 705 millions d'euros. Cela lui permet de faire face à toutes ses obligations, notamment celles relatives à la loi d'aide. Il est financé en grande partie par la taxe sur les services de télévision. Si le produit de celle-ci dépasse les 700 millions, on peut concevoir qu'une partie revienne au budget de l'État. Prenons cependant garde que cette disposition n'entame pas la légitimité de ce système dans lequel le cinéma s'auto-taxe et s'autofinance. Je pense que nous avons les garanties nécessaires, puisque le Parlement nous accordera des garanties, que Bruxelles nous en a déjà accordées, et que ce système ne sera pas étendu aux autres taxes affectées – c'était l'objet de la réunion que nous avons tenue avec le Président de la République et un certain nombre de cinéastes et de producteurs. Il ne faut pas toucher, ni même effleurer, le système d'autorégulation financière du CNC, car c'est la légitimité même du fonctionnement du cinéma qui serait atteinte. À cet égard, vous pouvez être pleinement rassuré.

Je pourrais évidemment engager une discussion sur les taux que vous évoquez. J'ai ici tous les chiffres qu'il faut ; je peux en citer d'autres, qui ne concordent pas nécessairement avec les vôtres. Mais je ne crois pas qu'il faille s'engager dans cette voie. La vérité, c'est que contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays d'Europe, le budget de la culture en France a été sanctuarisé. Je ne dis pas que ce soit une victoire extraordinaire, ni que cela n'aurait pas été mieux si nous avions pu avoir plus, mais compte tenu des circonstances, nous pouvons être satisfaits. Sans doute assiste-t-on à la diminution des crédits sur telle ou telle rubrique, mais elle est généralement compensée par une hausse sur une autre. Il faut bien redéployer et mutualiser les moyens en fonction de l'évolution de la société et de celle des demandes. Mais encore une fois, je ne pense pas que la bataille des chiffres présente un grand intérêt. La vérité est que le budget général de la culture a été préservé.

Je ne reviens pas sur la mutualisation ni le saupoudrage. J'ai dit à la fois la nécessité d'établir une règle générale et la difficulté de l'appliquer à chaque instant en tous domaines.

En ce qui concerne les congés spectacles, nous avons avancé de manière positive avec les organisations syndicales. Nous sommes sortis de l'ornière.

Pour ce qui est des évaluations, aucun ministre n'a jamais autant que moi mis à contribution le corps des inspecteurs du ministère, qui sont des personnels remarquables, d'une très grande compétence, et dont le regard extérieur a toujours été précieux. Jamais ils n'ont été autant sollicités pour des évaluations comptables, financières, et d'efficacité dans tous les domaines de compétences du ministère.

Allons-nous mieux évaluer le travail des FRAC ? Bien entendu. Au lieu de tout vous détailler, je dirai seulement que l'évaluation, c'est une question d'état d'esprit. Il ne se passe pas de semaine sans que je demande une inspection, et les FRAC sont concernés, au même titre que le reste. Nés des idées à la fois de Jack Lang et de Michel Guy, ces fonds avaient été créés pour constituer des collections d'art contemporain en région. Il n'était pas prévu qu'ils deviennent des musées. Mais dès lors que des collections de grande qualité, je pense par exemple à celle du FRAC de Clermont-Ferrand – avaient été constituées, des collectivités ont proposé de les exposer au public, qui dans une ancienne usine, qui dans une abbaye. C'est ainsi que des musées ont progressivement ouvert. Il était impossible de s'y opposer. Ces initiatives ont d'ailleurs été immédiatement plébiscitées. Mais vous avez raison, monsieur Diefenbacher, il faut contrôler et évaluer l'action des FRAC. Nous avons dû freiner les projets de certains d'entre eux. Quelques musées ouvriront néanmoins prochainement, dont un dans le Nord-Pas-de-Calais.

S'agissant de l'archéologie préventive, je n'entrerai pas dans les détails techniques. La France est une incroyable mine de pièces archéologiques : l'archéologie préventive y est donc du plus grand intérêt. Les aménageurs y sont pourtant réticents car elle représente un surcoût et entrave leurs projets. On ignore au départ les retards qui pourraient découler d'éventuelles découvertes. C'est à eux seuls qu'on a d'abord fait payer la redevance, tout en veillant à ne pas bloquer tous les chantiers – moins d'un sur dix exige que soient menées des fouilles préventives. Bien que le montant ainsi collecté soit insuffisant, il n'était pas possible de taxer plus lourdement les aménageurs, déjà agacés de devoir patienter jusqu'à la fin des fouilles, avec la crainte que des découvertes exceptionnelles ne les contraignent à modifier leur projet d'aménagement. La seule solution était donc d'élargir l'assiette de la redevance. Cela était d'autant plus urgent que l'Institut national de recherches en archéologie préventive vit au-dessus de ses moyens. S'il était un organisme privé, il serait depuis longtemps en faillite. Tout ne perdure que grâce au soutien du ministère. On est resté dans la norme, mais avec difficulté. L'assiette de la redevance sera donc étendue à d'autres contributeurs – participants jusqu'alors non concernés mais aussi bénéficiaires. Cette réforme permettra à l'archéologie préventive de sortir durablement la tête de l'eau.

J'en viens à la Maison de l'histoire de France. La conception d'ensemble est en cours et les travaux sont déjà bien avancés. Un comité, composé d'historiens de toutes tendances, et venant d'horizons très divers, a élaboré un premier projet, consultable sur internet et qui circule aussi dans sept régions. Il nourrit le débat. À la fin de l'année, nous disposerons de ce qui pourra servir de socle au projet, dont le concept ne sera finalement pas très éloigné du concept de départ, mais aura été largement validé. L'établissement public pourrait être créé le 1er janvier 2012, sous la forme que je souhaitais, celle d'une « confédération » ne portant pas atteinte à l'autonomie de ses éléments constitutifs, à savoir les grands musées d'histoire dépendant du ministère, comme Cluny, Saint-Germain-en-Laye, Ecouen ou La Malmaison. Dix millions d'euros ont été prévus pour 2012, qui incluent ceux auparavant alloués à chacun de ces musées. Comme tout nouvel établissement, cette Maison de l'histoire de France en gestation suscite des polémiques, mais quelle nouvelle institution n'a pas d'abord été source de controverses ? Souvenons-nous du musée des Arts premiers ou du Centre Pompidou. Ces controverses n'ont jamais empêché la réalisation des projets. Elles les ont au contraire enrichis, parfois infléchis, et elles ont contribué à leur assimilation par l'opinion.

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