On peut regretter que nous abordions ce sujet un vendredi matin, mais il est essentiel de le faire, à l'heure où une crise mondiale impacte nos finances et l'évolution de notre dette.
Depuis quatre ans, nous avons amorcé une réduction de la dépense publique. Considérant qu'il était essentiel de mettre fin aux politiques, de droite comme de gauche, qui utilisaient le déficit public comme échappatoire et profitaient des périodes de forte croissance pour créer de nouvelles dépenses au lieu de diminuer la dette, nous avons décidé en 2007 de réduire la dépense publique. À nos yeux, il aurait été irresponsable de profiter alors de la baisse des taux, qui réduisait la charge de la dette et dégageait un excédent budgétaire de 3,6 %, pour financer de nouvelles dépenses. La dette, soumise à un effet boule de neige, dépend des politiques conduites sur la durée.
Dans le virage que nous avions amorcé, notre pays, comme tous les autres, s'est heurté à la crise. Celle-ci, contrairement à ce que prétendent certains responsables politiques, a moins affecté notre dette que celle d'autres États. Son ratio dans le PIB est passé de 64 % en 2007 à 82 % en 2010, soit une augmentation de 17,9 %, contre 18,3 % en Allemagne, 19,1 % dans la zone euro, 35,5 % au Royaume-Uni, 29,5 % aux États-Unis et 30 % au Japon.
Le Gouvernement a engagé avec détermination une politique de réduction des dépenses publiques. La réforme des retraites, qui a fait débat, solidifiera le triple A, en diminuant la dépense publique de 5 milliards. La réduction des déficits publics étant un enjeu majeur, le Gouvernement prend ses responsabilités, non pour contenter tel organisme de contrôle ou apaiser les marchés, mais parce qu'il le doit aux Français.
Sous l'effet de la crise, la dette publique a augmenté de vingt points du PIB entre 2007 et 2012, dont quatorze entre 2007 et 2008. En décembre 2007, avant la crise, le programme de stabilité anticipait pour la France une baisse de la dette correspondant à 6 % du PIB. Nous étions en voie de réussir, quand, en 2008-2009, sous l'effet de la récession, et, en 2010-2011, d'une croissance plus faible, le ratio de la dette a augmenté, ce qui sera encore le cas en 2012. La diminution des recettes et l'augmentation des dépenses, notamment de chômage, creusent le déficit. En outre, le ratio de la dette augmente mécaniquement quand le PIB se réduit : c'est ce qu'on nomme l'effet dénominateur.
À partir de 2010, des mesures de consolidation ont permis de réduire le déficit et ont contribué à infléchir la dette.
Le plan de relance, qui a limité l'impact de la crise mondiale sur l'économie française, puisque la récession a été moins forte chez nous que chez nos partenaires européens, n'a été possible qu'au prix d'une augmentation de la dette.
Selon une estimation provisoire, l'aide financière à la Grèce, à l'Irlande et au Portugal, via le FESF, ferait augmenter notre dette de près deux points du PIB en 2012.
Le soutien aux secteurs financier et automobile, pendant la crise, a quasiment disparu de notre stock de dettes pour 2012, puisque les prêts au secteur automobile et les prises de participation dans les banques, via la SPPE, ont presque tous été remboursés.
En prenant les mesures qu'il prend, le Gouvernement suit une trajectoire rigoureuse, dans un souci de transparence et de réactivité. Et quand il est amené à réviser ses perspectives de croissance, il le dit publiquement et prend les décisions qui s'imposent pour respecter ses engagements.
Venons-en à la Grèce, dont on ne sait toujours pas si elle va rester dans l'euro. Le programme d'assistance financière consenti en mai 2010 s'élève à 110 milliards, financés aux deux tiers par des prêts bilatéraux des États-membres – 80 milliards – et à un tiers par des prêts du FMI – 30 milliards. Le déboursement de la sixième tranche, qui représente 5,8 milliards pour les États-membres et 1,3 milliard pour la France, est suspendu, en raison des tensions que chacun connaît. Revenant du B20 réuni à Cannes, je peux témoigner que, dans le monde entier, les chefs d'entreprise observent l'évolution de la situation, en espérant que la compréhension et la fermeté de Mme Merkel, du Président de la République et des chefs d'État de la zone euro permettront d'appliquer l'accord qui avait été trouvé, évidemment préférable au scénario du pire.
Au titre du premier programme d'aide, la France a versé 10,1 milliards sur un total de 16,8. Ces prêts impactent le déficit budgétaire, puisqu'il s'agit d'un décaissement du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », mais non le déficit public en comptabilité nationale, puisqu'il s'agit d'opérations financières. Même si, selon les critères de Maastricht, chaque décaissement creuse la dette publique, l'accord du 27 octobre s'inscrit dans une réponse globale, ambitieuse et crédible à la crise que traverse l'Europe. C'est pourquoi celle-ci ne doit pas transiger.
Le second programme d'aide, d'un montant de 130 milliards, propose une solution durable à la crise grecque en associant, à un plan d'aide de 100 milliards, une participation de 30 milliards du secteur public en contrepartie d'un renoncement de la part du secteur privé à 50 % de la dette grecque. C'est seulement quand les ministres des finances auront précisé, dans les semaines à venir, les modalités de ce nouveau programme que nous pourrons mesurer son impact sur la France. Le Gouvernement présentera alors de manière transparente l'état des finances publiques et de la dette.
Un choc de 100 points de base sur l'ensemble de la courbe se limite, la première année, aux titres de court terme, mais progresse régulièrement au fur et à mesure que les titres à moyen et long terme arrivent à échéance.
Vous m'avez interrogé sur les conséquences des déclarations de Moody's. En décidant courageusement de réformer les retraites pour sauver le système par répartition, le Gouvernement a beaucoup fait pour le maintien du triple A, enjeu majeur pour contenir la dette. L'agence Moody's a d'ailleurs rappelé qu'elle ne remettait pas en cause la stabilité de cette notation, même si elle souhaite prendre en compte les risques dérivant de la zone euro et des perspectives de croissance mondiales. Sans qu'il ait jamais été question d'émettre envers la France un jugement négatif, il est normal que la notation soit périodiquement revue, comme elle le sera dans les trois prochains mois. Voilà qui doit nous conduire à garder le cap et à témoigner des capacités d'adaptation dont nous avons fait preuve tout au long de la crise. Notre politique a consisté à maîtriser tant la dépense publique, en répartissant l'effort sur l'État et les collectivités locales, que les dépenses de santé, et à réaliser des réformes structurelles.
Celle des retraites, dont vous me direz sans doute que je l'invoque beaucoup, a été déterminante dans le jugement que portent sur notre pays non seulement les agences de notation mais aussi des institutions comme le FMI ou l'OCDE. Toutes ont salué le courage de cette réforme, qui n'a pourtant pas fait l'unanimité dans notre pays.
Il faut garder le cap et suivre la trajectoire fixée pour le redressement des finances publiques, intangible pour le Gouvernement. Chacun conviendra que, depuis quatre ans, cette trajectoire rompt – le mot rupture prend là tout son sens – avec celle suivie par de nombreux gouvernements précédents, de droite comme de gauche.
Je ne reviens pas sur la règle d'or budgétaire. Vous n'avez pu oublier, monsieur le rapporteur, que le premier amendement que j'avais déposé en 2007 alors que j'étais membre de la Commission des finances portait précisément sur cette règle d'or, ni quels débats cet amendement avait suscité, y compris au sein de la majorité. C'est une proposition que j'avais également soumise à l'ancien Premier ministre Édouard Balladur, alors chargé par le Président de la République d'une réflexion sur une révision de la Constitution, Il faut rompre avec les mauvaises habitudes du passé. Dire cela, ce n'est pas attaquer l'actuelle opposition car le mauvais pli a commencé d'être pris au milieu des années 70, même s'il a été plus marqué à certaines périodes. Cela pèse aujourd'hui lourdement sur la dette de notre pays.
En dépit de la dégradation de la conjoncture internationale, il importe de ne pas surréagir. Depuis la tour de contrôle que constitue Bercy, où l'on est en position d'apprécier en permanence la situation des acteurs économiques, des plus petits aux plus grands, on constate que certains indicateurs demeurent bien orientés. C'est le cas de la production industrielle, de l'investissement, mais aussi des exportations qui ont enregistré de bons résultats cet été. S'il faut dire ce qui ne va pas et là où des efforts sont nécessaires, il faut aussi dire ce qui va bien. Nous le devons à nos concitoyens et aux acteurs économiques car, chacun le sait, l'économie est avant tout question de confiance : la confiance tire la consommation, qui est l'un des principaux moteurs de la croissance. Lorsque nous nous comparons aux pays comparables de la zone euro et du reste du monde, les ratios ne nous sont pas défavorables. Dans ses dernières prévisions, l'INSEE table sur une croissance de 0,3% au troisième trimestre, soit davantage qu'au trimestre précédent. Alors que les marchés commençaient de s'affoler cet été, l'économie réelle continuait de fonctionner normalement.
Il est de notre devoir, quelle que soit notre appartenance politique, de ne pas nourrir les inquiétudes ni alimenter de prophéties autoréalisatrices. Sans masquer les difficultés, il faut faire valoir qu'il est aussi des points sur lesquels on a de bonnes raisons d'espérer. Le Président de la République, lors de sa récente intervention télévisée, a témoigné de son souci de dire à nos compatriotes toute la vérité, ce qui va comme ce qui ne vas pas. C'est essentiel pour les acteurs économiques de notre pays qui continuent d'investir et d'emprunter.
Pour ce qui est de la sensibilité de la charge de la dette à l'inflation, un point d'inflation représente un milliard et demi d'impact budgétaire sur les provisions pour obligations indexées.
La seule manière de désendetter notre pays est de réduire nos dépenses publiques. Puisqu'on parle d'effet boule de neige, si la neige ne cesse pas de tomber, il n'y a aucune chance que la boule s'amenuise. Réduire les déficits, c'est stopper les chutes de neige. Le cap a été fixé : nous sommes à 5,7% de déficit public en 2011, nous serons à 4,5% en 2012. Cela exige courage et détermination. Il est certes toujours plus commode d'annoncer à nos compatriotes que la route sera facile. Mais, trop longtemps, nous n'avons pas, collectivement, pris nos responsabilités dans ce pays. Cela explique la situation de notre dette, que nous regrettons tous.
Aujourd'hui, l'engagement a été pris que le déficit public serait ramené à 3% du PIB en 2013. Quelle que soit l'évolution de la situation économique, il sera tenu. L'honneur du Gouvernement est de ne pas taire la vérité et, à un moment où il faut réduire la dépense publique, de veiller aussi à la rendre plus efficace. Je ne prendrai que deux exemples dans mon champ de compétences ministérielles : en dépit de réductions d'effectifs et de moyens, le FISAC, si important pour le commerce de proximité, et la DGCCRF ont pu gagner en efficacité, notamment en améliorant leur organisation. Voilà qui est de la bonne gestion au bénéfice de nos concitoyens.
Vous vous inquiétez, monsieur le rapporteur, de la part de notre dette détenue par des non-résidents – je dois sur ce point avouer que je n'ai pas compris la réaction de certains, de gauche comme de droite d'ailleurs, fustigeant le lien de dépendance risquant de s'instaurer avec la Chine, vécu presque comme une humiliation pour la France et pour l'Europe. Telle n'est pas la réalité. Notre pays est parvenu à un équilibre satisfaisant, avec un tiers de sa dette détenu par les résidents, un tiers par des ressortissants de la zone euro et un tiers par des non-résidents hors zone euro.
Cette situation présente des avantages. Ainsi, le fait que des titres de dette française soient commercialisés dans un espace plus large réduit le coût du service de la dette par la concurrence accrue qui peut s'exercer – l'Allemagne ou les Pays-Bas mènent d'ailleurs exactement la même politique que la France en ce domaine. Cette diversification géographique est en outre gage de sécurité, limitant les fluctuations de la demande. C'est aussi un témoin de l'attractivité de notre pays et de la cote de confiance dont il bénéficie auprès des investisseurs internationaux. Il est normal que les banques centrales asiatiques, notamment celle de la Chine, contribuent au financement de l'outil mis en place au niveau européen pour venir en aide aux États endettés aujourd'hui en difficulté. Cette diversification est de l'intérêt bien compris de la France, de l'Europe et des pays asiatiques. N'a-t-on pas assez dit que la Chine ne détenait que du dollar ! Il est bon pour elle de détenir aussi de l'euro.
Ce qui ressort du G 20 de Cannes, c'est bien une prise de conscience générale que chaque pays doit, à sa manière, participer au règlement de la crise mondiale, notamment en favorisant la croissance. Peu de gouvernements ont engagé autant de réformes structurelles que l'actuel Gouvernement français. Je ne reviens pas une nouvelle fois sur la réforme des retraites qui suscite encore beaucoup de débats dans notre classe politique, bien qu'elle soit de moins en moins contestée par nos concitoyens. Je citerai la réforme des universités, ou l'incitation à la recherche-développement par le biais du crédit d'impôt recherche, qui a connu un grand succès et est un facteur essentiel d'attractivité. Par nature, ces réformes structurelles ne produisent leurs effets qu'à long terme. Il est normal que ceux-ci ne soient pas immédiatement perceptibles, surtout dans une conjoncture défavorable comme celle d'aujourd'hui. C'est l'honneur des politiques de porter le regard à un horizon plus lointain et d'entreprendre les réformes qui sont de l'intérêt du pays, même si elles pèsent lourd sur le plan financier au moment de leur mise en oeuvre et peuvent dans l'immédiat plomber leur cote de popularité.
Pour ce qui est des investissements d'avenir, il ne s'agit pas de dépenser pour dépenser. Les projets sont rigoureusement sélectionnés et le maximum de garanties est pris pour que ne retenir que les meilleurs. Le processus peut certes s'en trouver ralenti mais, là encore, cela répond au souci de bonne gestion et d'efficacité de la dépense publique. Il nous faut à la fois être réactifs, car il en va de la croissance de demain, et veiller à ne pas engager notre pays dans des dépenses que nous pourrions être amenés à regretter. Le rythme actuel me paraît bon, à la fois dynamique et raisonnable.