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Intervention de Dominique Baert

Réunion du 4 novembre 2011 à 10h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Baert, président et rapporteur spécial pour les engagements financiers de l'état :

Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation, nous sommes réunis en commission élargie pour examiner les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », dans le projet de finances pour 2012. Le président de la Commission des finances, retenu ailleurs, m'a prié de l'excuser auprès de vous et de présider la séance.

La conférence des présidents a limité le temps de parole à cinq minutes pour les questions des rapporteurs et à deux minutes pour les questions des autres députés.

Le poste budgétaire examiné qui, s'il n'est pas le plus important de la loi de finances pour 2012, s'approche dangereusement de la première place, et est à tout le moins le plus problématique. Dans les engagements financiers de l'État figurent les charges annuelles de la dette, avec toutes les questions que pose son évolution. Ces charges sont au coeur de la stratégie macroéconomique de la France d'aujourd'hui comme de demain, et leur montant hypothèque lourdement les marges de manoeuvre de l'action publique pour plusieurs années.

Avant d'aborder le fond, reconnaissons que cette mission méritait mieux qu'un débat en catimini, un vendredi matin, avec un membre du Gouvernement, certes très respectable, mais dont la principale activité n'est pas de gérer la dette de l'État.

Depuis quatre ans, la question de la dette publique a, en France, comme dans nombre de pays européens, changé profondément de nature. La dette publique française est passée de 64,2 % du PIB en 2007 à 87,4 % en 2012. Elle augmente de 6 000 euros par seconde, c'est-à-dire de 520 millions d'euros par jour. En 2007, ces chiffres étaient respectivement de 3 321 euros et de 287 millions d'euros. En quatre ans, ils ont quasiment doublé.

Je centrerai mon intervention autour de quatre thèmes.

Le premier concerne l'interaction de la dette et de la crise actuelle des dettes souveraines européennes. Le soutien à certaines économies en difficulté de la zone euro, qui pèse actuellement 27 milliards dans l'encours de la dette publique française, devrait atteindre 40 milliards en 2012-2013. L'aide à la Grèce, à travers le Fonds européen de stabilité financière (FESF), pèse 10 milliards en 2011 et pèsera 14,7 en 2012-2013. L'évolution de la situation en Grèce peut-elle modifier le versement des aides programmées ?

Le FESF ayant annoncé la semaine dernière qu'il pourrait venir en aide à l'Italie, à quelle hauteur la France serait-elle sollicitée, le cas échéant, et quelle en serait l'incidence sur notre stock de dettes ?

Deuxièmement, la charge de la dette a progressé de 6,3 milliards en 2011, pour atteindre 46,8 milliards. Elle devrait croître de 2 milliards en 2012, pour s'élever à 48,8 milliards, et augmenter encore de 5 milliards en 2013 et 2014, si l'on s'en tient à des hypothèses prudentes en termes de taux d'intérêt et d'inflation. Cette année, en loi de finances rectificative, le Gouvernement a ajouté 1,4 milliard de crédits budgétaires supplémentaires pour faire face au coût accru des titres de la dette indexée sur l'inflation. Une hausse d'un point des taux sur les marchés alourdirait mécaniquement la charge des intérêts de 2 milliards la première année, de 3,9 milliards la suivante et de 14 milliards à un horizon de dix ans. Confirmez-vous ces chiffres ? Quelle est la sensibilité de la charge de la dette à l'inflation ? La déclaration faite par Moody's, le 17 octobre, que notre dette était sous surveillance a-t-elle engendré un surcoût ? Que pensez-vous de la dégradation du spread, c'est-à-dire de l'écart entre le Bund allemand et l'obligation assimilable du Trésor française (OAT), qui atteint depuis plusieurs semaines des niveaux jamais connus depuis 1993 et qui s'est encore creusé ces jours-ci ? Comment expliquez-vous la récente poussée du coût des credit default swaps (CDS) pour la dette française, qui l'a porté à un niveau important, très supérieur à celui de bien des pays émergents ?

En troisième lieu, j'aborderai la question de la souveraineté. Je souligne dans mon rapport que notre dette publique n'est pas si souveraine qu'on le prétend, puisque près de deux tiers des bons du Trésor à intérêts annuels et des bons du Trésor à taux fixe, c'est-à-dire sur le plus court terme, sont détenus par des non-résidents installés hors zone euro. Cela dit, le recours au financement extérieur s'est fortement développé depuis dix ans, passant de 38,4 % fin 2001 à 65,2 % en mars 2011, et créant une dépendance externe qui est loin d'être neutre. Comment le Gouvernement analyse-t-il la situation ? Envisage-t-il de proposer une réorientation de l'épargne nationale en faveur de l'épargne publique ? Pourrait-il, s'inspirant de l'exemple italien, autoriser les ménages français à acquérir directement des titres de la dette française ? Que pensez-vous du comportement peu national de certains investisseurs français, assurances ou banques, qui ont revendu massivement des titres de la dette française dès le lendemain de la récente alerte de Moody's ?

Quatrièmement, les projections macroéconomiques, même si l'on prend en compte des hypothèses optimistes, pointent l'insoutenable lourdeur de notre dette. Compte tenu des mécanismes économiques en place, notre endettement public risque de s'emballer. Si les curseurs de la croissance, susceptibles de se ralentir, et ceux des taux d'intérêt, susceptibles de se relever, surtout si la confiance des marchés se dégradait, s'écartaient l'un de l'autre – le rapport envisage à cet égard deux scénarii qui n'ont rien de catastrophistes –, la part de la dette dans le PIB pourrait monter dès 2013 de 91 à 95 %. Quelles garanties le Gouvernement peut-il apporter de sa capacité à enrayer un tel étranglement ? Quelles décisions de fond envisage-t-il pour réduire le premier facteur de croissance de la dette qu'est le besoin annuel de financement, lequel a doublé entre 2001 et 2012 ? Comment compte-t-il stimuler la croissance potentielle structurelle française, compte tenu de l'inexcusable retard que prennent des opérateurs comme l'ANR ou l'ADEME dans le décaissement, donc la mise en oeuvre des fameux investissements d'avenir ?

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