Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui vise à autoriser la ratification de l'accord relatif à la BFA signé le 10 décembre dernier entre la France et l'Allemagne. En février 2009, en marge de la 45econférence de sécurité, la Chancelière allemande et le Président de la République ont en effet souhaité donner une nouvelle impulsion à la BFA en prévoyant l'installation d'une unité de la Bundeswehr dans la banlieue de Strasbourg, à Illkirch-Graffenstaden.
L'arrivée du 291erégiment de chasseurs a toutefois fait apparaître un certain nombre d'imprécisions dans les textes relatifs à la BFA. Depuis 1989, elle est en effet régie par un arrangement technique liant les ministères de la défense allemands et français. Des ajustements sont intervenus, notamment en 2004, mais il n'avait pas été envisagé jusqu'ici de donner plus de visibilité à cette unité avec la signature d'un accord intergouvernemental. Par ailleurs, il convenait de mettre certaines stipulations fiscales en conformité avec les nouvelles directives communautaires.
L'accord de 2010 répond donc à un triple objectif : réaffirmer solennellement l'importance de l'axe franco-allemand, renforcer le caractère opérationnel de notre coopération militaire et moderniser les règles fiscales applicables à la BFA.
Créée en 1989, la BFA constitue un symbole fort de la réconciliation entre la France et l'Allemagne. Le Président François Mitterrand et le Chancelier Helmut Kohl tenaient à montrer que même le champ militaire pouvait faire l'objet d'actions communes. Ils ont donc décidé de créer une brigade binationale regroupant des unités nationales (quatre régiments allemands et deux régiments français) ainsi que quelques unités mixtes (état-major et un régiment mixte). La BFA compte aujourd'hui 5 500 hommes répartis sur quatre sites : Müllheim, Donaueschingen et Immendingen en Allemagne et Illkirch-Graffenstaden en France. La BFA est alternativement commandée par un officier général français et allemand, étant entendu que le commandant en second est toujours d'une nationalité différente de celle de son supérieur.
Sur le plan opérationnel, elle est placée sous le commandement du corps européen dès lors qu'elle intervient dans une opération de l'Union européenne ou de l'OTAN. Il faut noter que l'engagement de la BFA doit respecter les règles institutionnelles d'engagement de chaque pays. En Allemagne, par exemple, l'autorisation parlementaire préalable reste la règle alors qu'en France cet accord n'intervient qu'a posteriori.
La BFA a été déployée au Kosovo dans le cadre de la KFOR en 1996 et en 2000. Certains de ces militaires ont également été projetés en Afghanistan en 2004, mais dans leurs zones nationales respectives. De même, des militaires de la BFA participent depuis maintenant près de deux mois à des missions au sein d'équipes de liaison (OMLT) de la FIAS.
Dans tous les cas, les troupes restent sous commandement national et les militaires de la BFA relèvent bien du droit militaire de leur pays. Ainsi les règles d'ouverture du feu pour un soldat assurant la sécurité d'une garnison diffèrent : le droit allemand permet d'utiliser son arme en cas d'atteinte à un bien quand le droit français limite cette possibilité à la légitime défense. De même, il est interdit aux forces allemandes d'utiliser des lacrymogènes, y compris dans des opérations de maintien de l'ordre. Ces différences expliquent qu'il n'a pas été possible de définir un cadre d'ordre commun. La BFA a toutefois pour mission de rapprocher les doctrines et de faciliter l'intégration croisée. La question des règles d'engagement et du caractère opérationnel des forces européennes mérite en fait une réflexion à l'échelle de l'Union.
L'accord de 2010 ne revient pas sur les aspects opérationnels. Il ouvre cependant des pistes de réflexion en permettant par exemple d'intégrer au sein de l'état-major de la BFA des personnels issus d'autres pays de l'Union. La BFA constitue une réalité tangible sur laquelle l'Union européenne peut s'appuyer pour construire une véritable politique de coopération en matière de défense. C'est dans cette logique que se place l'accord de 2010 : faire de la BFA le fer de lance d'une coopération militaire de longue haleine.
Les dépenses liées à la brigade, hors rémunérations des personnels, représentent en 2010 environ 23 millions d'euros se répartissant en 12,8 millions d'euros pour la France et 10,2 millions d'euros pour l'Allemagne. La part de la France est conjoncturellement un peu plus élevée en raison des investissements que nous faisons pour remettre aux normes le site alsacien. Entre 2010 et 2012, cet effort représente 9,3 millions d'euros.
Dans ses rapports publics de 2008 et 2011, la Cour des comptes s'était inquiétée de la faible utilisation des corps militaires européens et de l'existence de contentieux financiers gênant leur déploiement opérationnel. Pour la BFA, il s'agissait de points de blocage relatifs à la répartition de certains coûts de construction et au régime de prise en charge des personnels civils. Ce contentieux a été réglé en 2004 et aucune difficulté n'est apparue depuis.
L'accord de 2010 tire les conséquences de ces problèmes et prévoit un régime financier très précis fondé sur la règle de la répartition équitable des charges. Chaque pays prend en charge les dépenses pour ses personnels ainsi que les coûts de fonctionnement des unités (matériel informatique, munitions d'instruction…). Les dépenses de garnison (chauffage, eau, électricité…) sont à la charge de l'État d'accueil. Pour les unités mixtes, les dépenses sont réparties en proportion des effectifs nationaux.
Pour les immeubles, chaque État met à la disposition de la BFA les infrastructures nécessaires, ce qui peut impliquer des travaux de mise aux normes comme en Alsace. En revanche, tout projet de construction nouvelle, d'aménagement ou d'agrandissement est à la charge de l'État qui en fait la demande. C'est le cas pour les ajustements demandés par l'Allemagne à Illkirch-Graffenstaden.
Pour régler rapidement le moindre problème, et notamment des contentieux financiers, l'accord prévoit une Commission commune : elle pourra ainsi régler des difficultés purement techniques sans être obligée de recourir à un arbitrage politique. Je gage que ce changement sera un facteur de souplesse et facilitera la gestion quotidienne de la brigade.
Il me semble que l'accord de 2010 va dans le bon sens. Il aurait certes gagné à s'intégrer à une réflexion plus globale sur la politique de défense à l'échelle de l'Union européenne. Il n'en reste pas moins qu'il consacre la BFA comme outil et symbole de la coopération militaire. Le processus est difficile et demande une volonté politique forte. Je crois qu'il nous faut encourager cette démarche et je formule donc un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi.