Le budget de 2012, comme ceux qui l'ont précédé depuis 2002, et plus particulièrement depuis 2007, vise à donner plus de moyens à la justice, afin de rattraper un retard historique. Cela dit, un amendement du Gouvernement, qui ne peut s'affranchir de la crise financière actuelle, prévoit de réduire l'augmentation de 4 % prévue pour les crédits de la justice car, si les missions de mon ministère constituent une priorité, il doit, comme les autres, lutter contre la crise.
Le ministère de la justice affichera des créations nettes d'emplois en 2012, comme c'est le cas depuis 2007. Le budget triennal pour 2011-2013 prévoyait que le ministère serait autorisé à créer 200 emplois en 2012 ; ce sont finalement 515 emplois qui seront créés, sans compter les 250 emplois transférés du ministère de l'intérieur au titre de la reprise progressive des missions d'extraction judiciaire. Ces moyens supplémentaires doivent être mis au service d'un effort de modernisation des méthodes et de l'organisation du ministère, afin d'assurer une plus grande efficacité collective au service des justiciables.
Le budget de la mission « Justice » donnera au ministère les moyens de mettre en oeuvre les réformes adoptées cette année, qu'il s'agisse de l'introduction des citoyens assesseurs dans les juridictions correctionnelles et les juridictions d'application des peines, de la réforme de l'hospitalisation sans consentement ou de celle de la garde à vue. Pour chaque réforme, le Gouvernement s'est efforcé de mobiliser les moyens nécessaires à une exécution effective et rapide des peines prononcées par les juridictions. Ainsi, les crédits relatifs au bracelet électronique augmenteront de 20 %, afin de permettre à l'administration pénitentiaire d'atteindre l'objectif de 12 000 bracelets.
Ce budget ouvre aussi des autorisations d'engagement à hauteur de plus de 1,8 milliard d'euros au titre des investissements prévus dans le cadre du nouveau programme immobilier, et pour renforcer la prise en charge des mineurs délinquants : 60 emplois d'éducateur seront ainsi créés au profit des vingt nouveaux centres éducatifs fermés. Sur ces points, le budget de 2012 annonce le projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines que le Président de la République m'a demandé de soumettre au conseil des ministres, puis au Parlement, dans les prochaines semaines.
Je remercie le rapporteur spécial, M. Alain Joyandet, pour sa présentation rapide mais exhaustive. Sa nouveauté dans la fonction lui a permis de faire litière des considérations historiques, et d'être ainsi plus bref que ses collègues, que M. le vice-président Yves Censi a laissé s'exprimer plus longtemps.
Dans son rapport, M. Joyandet pose plusieurs questions fondamentales au sujet de l'organisation du service public de la justice. La première d'entre elles concerne les différences entre les juridictions quant à la charge de travail, différences qui, selon le référé adressé à la chancellerie par le premier président de la Cour des comptes, peuvent aller du simple au double ou au triple. Si l'activité d'une juridiction n'est pas forcément quantifiable, les différences restent indéniables.
Depuis 2009 au moins, le Gouvernement s'efforce, à l'issue des dialogues de gestion avec les cours d'appel, de mieux localiser les emplois de magistrat et de fonctionnaire, en tenant compte des postes disponibles et, surtout, des règles statutaires. Mais le caractère inamovible des magistrats du siège, par exemple, gêne la mobilité des personnels. Néanmoins, 223 redéploiements – dont 190 au sein d'une même cour d'appel – ont été réalisés en 2010, et 49 – dont 32 à l'intérieur d'une même cour d'appel – en 2011. La localisation est encore loin d'être idéale. Aussi un groupe de travail, composé de magistrats et de représentants d'organisations syndicales, a-t-il été créé pour y réfléchir. Il fonctionne très bien, mais la question qu'il traite se heurtera toujours aux contraintes statutaires de la magistrature et aux effets des nominations décalées, pour les magistrats comme pour les fonctionnaires : compte tenu de la procédure de validation par le Conseil supérieur de la magistrature, une nomination proposée en février, et annoncée plusieurs mois plus tôt pour respecter la transparence, ne devient effective qu'en juillet ou septembre, si bien qu'au total elle prend pratiquement un an. De surcroît, on ne peut muter les gens contre leur gré. Néanmoins, la localisation s'améliore.
Les extractions judiciaires concernent, pour l'essentiel, le transfert des détenus devant les juges ou les tribunaux. Il a été décidé en 2010 que ces missions, nombreuses et difficiles, seraient désormais assurées par l'administration pénitentiaire, après l'avoir été par la police et la gendarmerie. À cette fin, 800 emplois seront transférés du ministère de l'intérieur à l'administration pénitentiaire d'ici à 2014. Ce chiffre me semble toutefois insuffisant, pour une raison simple : utiliser des policiers ou des gendarmes pour extraire des détenus peut désorganiser une brigade ou un commissariat, mais cela reste possible ; en revanche, on ne peut demander aux personnels qui surveillent les prisonniers de quitter leur poste. Cette difficulté s'est constatée dès la mise en oeuvre de l'expérimentation dans les deux régions concernées, d'autant que la prison d'Aurillac et le palais de justice de Riom, par exemple, sont si éloignés l'un de l'autre que toute opération d'extraction prend une journée entière. Les agents de l'administration pénitentiaire qui assureront cette tâche ne feront donc pratiquement rien d'autre : il faudra une tout autre organisation, y compris dans les méthodes de travail des magistrats. Les extractions doivent être regroupées quand c'est possible, et n'être utilisées qu'en l'absence de tout autre moyen technique ; ainsi les visioconférences, qui ont augmenté de 35 % en un an, avaient permis de réduire le nombre d'extractions de 10 % en 2008.
Les expérimentations ont vite révélé que la méthode à suivre n'était pas de proratiser les effectifs en fonction du nombre de transferts réalisés dans chaque région. L'ensemble des postes transférés ont donc été utilisés pour les deux régions concernées ; mais le problème est que les personnels correspondants ne sortiront de l'École nationale d'administration pénitentiaire, à Agen, qu'en mars prochain. Jusqu'à cette date, et à titre d'expérimentation, l'administration pénitentiaire continuera d'affecter tous les personnels disponibles – équipes régionales d'intervention et de sécurité ou réservistes – sans toucher aux effectifs des personnels pénitentiaires. C'est sur cette base, et non sur celle de l'arbitrage initial, que seront évalués les besoins réels.
Des réunions ont eu lieu, tant au niveau national qu'au niveau régional. Les préfets de région ont ainsi rappelé les principes de la nouvelle organisation aux directeurs départementaux de la sécurité publique et aux colonels commandant les groupements de gendarmerie. Je rappelle que le code de procédure pénale, qui n'a pas été modifié, permet aux tribunaux de procéder à des réquisitions en cas de besoin. En attendant la mise en place de la nouvelle organisation, les tribunaux s'efforcent d'anticiper les dates des extractions en informant la Direction de l'administration pénitentiaire (DAP), laquelle, en cas de manque d'effectifs, fait appel aux forces de police et de gendarmerie. L'expérimentation est en ce sens utile pour évaluer les besoins.
S'agissant du programme immobilier, l'objectif est de créer 80 000 places supplémentaires dans les prisons d'ici à 2017, conformément aux annonces du Président de la République et aux orientations du futur projet de loi de programmation. Ces places ne sont pas toutes identiques : les prisons destinées aux peines courtes, par exemple, seront plus simples à construire que d'autres.
L'objectif sera atteint grâce à l'achèvement de programmes antérieurs – notamment le programme « 13 200 », qui touche à son terme –, au maintien en activité d'établissements dont la fermeture était prévue et à la création de nouveaux établissements. Le ministère prendra directement en charge la transformation des anciens établissements, et les nouvelles constructions seront réalisées via des partenariats public-privé. L'avantage de ces derniers est qu'ils permettent de mener rapidement à bien plusieurs projets à la fois ; leur inconvénient est qu'ils mobilisent, pendant toute leur durée, l'essentiel des ressources publiques – il faut bien payer ceux qui ont investi. Reste que, sur le nombre de places de prison, notre pays doit combler son retard par rapport à ses voisins. À cet égard, s'ils ne constituent peut-être pas en eux-mêmes la formule idéale, les PPP permettent des réalisations plus rapides.