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Intervention de Alain Joyandet

Réunion du 26 octobre 2011 à 16:
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Joyandet, rapporteur spécial :

Pour la première année, j'ai l'honneur d'être rapporteur spécial sur la mission « Justice », laquelle constitue une prérogative régalienne et se trouve au coeur du quotidien des Français. En 2012, le budget de la justice, en hausse pour la huitième année consécutive, augmente de 4 % en crédits de paiement, les autorisations d'engagement s'élevant à 9,8 milliards, et les crédits de paiement à 7,42 milliards.

Je me félicite que le Gouvernement continue à en faire une priorité, alors que la dépense publique est plus que jamais contenue. Depuis 2002, les gouvernements successifs ont eu à coeur de rattraper le retard français de la justice, dont le budget passera de 1,6 % du PIB en 2002 à 2,6 % pour 2012, ce qui nous rapproche de la moyenne de l'OCDE.

En 2010 et 2011, les réformes ont été nombreuses : loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, du 5 juillet 2011 relative au droit et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques, et du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

Le budget proposé se caractérise par un vaste programme d'investissements pour le parc judiciaire, surtout pénitentiaire, qui fait appel au partenariat public-privé, et par une politique d'emploi ambitieuse, particulièrement saillante dans un contexte général de diminution des effectifs publics.

Pour l'immobilier judiciaire, le rythme est plus soutenu que l'an dernier. Aux investissements de 175 millions qui permettront d'achever les regroupements décidés dans le cadre de la réforme judiciaire, s'ajoute une enveloppe complémentaire de 190 millions, qui financera de nouvelles opérations de rénovation. Pour l'immobilier pénitentiaire, l'État consent un effort considérable, en vue d'accroître le nombre de places de prison – le Président de la République a fixé l'objectif de 80 000 places – et de mettre le parc carcéral aux normes prévues par la loi pénitentiaire, notamment en matière d'encellulement individuel. Ces investissements sont inscrits à hauteur de 1,85 milliard dans le nouveau programme immobilier. En trente-cinq ans, le nombre de détenus a été multiplié par deux et demi, passant de 26 300 à 64 900.

La mission « Justice » est la seule à connaître des créations de postes, qui se montent à 515 équivalents temps plein ; 285 postes de greffier sont créés, ce qui est considérable. En tout, le ministère compte 6 625 emplois de plus qu'en 2002.

Si le budget de 2012 est à la fois généreux et ambitieux, quelques questions se posent. Sur le programme « Justice » judiciaire, la gestion des ressources humaines semble complexe. La charge de travail varie fortement d'une juridiction à l'autre. Le nombre d'affaires par magistrat ou par fonctionnaire peut aller du simple au double, voire au triple. Les redéploiements d'effectifs ne sont peut-être pas assez nombreux. Le ministère profitera-t-il du grand nombre de départs à la retraite pour mener une politique volontariste ? Si l'on veut rendre des postes plus attractifs, pourquoi ne pas utiliser le levier indemnitaire ou l'attribution de bonifications d'ancienneté, comme on le fait pour l'outre-mer ?

Le 1er juin 2011, la France disposait de 56 358 places opérationnelles pour 64 971 détenus, soit un taux d'occupation moyen des établissements de 115,3. La construction de nouvelles places de prison est donc une nécessité, même si, depuis vingt-cinq ans, les plans de construction se sont enchaînés. L'administration s'est appuyée sur la gestion privée. Le nouveau programme immobilier sera réalisé uniquement via des partenariats public-privé. La Cour des comptes estime que les dépenses de loyers correspondant aux investissements passeraient en 2017 de 25 à plus de 263 millions. La question de la soutenabilité budgétaire se pose-t-elle pour les PPP ? La hausse significative des dépenses obligatoires de l'administration sous forme de loyers ne va-t-elle pas provoquer l'éviction d'autres dépenses du programme ?

L'administration pénitentiaire devra assumer, à compter de 2012, l'extraction de détenus entre les palais de justice et les centres de détention, mission coûteuse en personnel jusque-là assurée par les forces de police et de gendarmerie. L'enveloppe de 250 emplois supplémentaires prévue à cet effet est-elle suffisante ? Ne faut-il pas changer les méthodes de travail des magistrats, en recourant par exemple à la visioconférence pour limiter le nombre d'extractions judiciaires ?

Depuis 2009, la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a recentré son intervention auprès des mineurs délinquants. Dans le cadre de la RGPP, son organisation connaît une modernisation profonde, qui l'oriente davantage vers les mineurs ayant commis des actes de délinquance. Cette année, après avoir diminué pendant trois années consécutives, les crédits de paiement du programme augmentent de 4,6 %, comme le reste de la mission, mais une réforme aussi importante ne se fait pas sans quelques grincements de dents des personnels, particulièrement de ceux qui sont chargés de la fonction éducative. La création de 60 postes d'éducateur est-elle suffisante au regard de la mise en route de nouveaux centres éducatifs fermés ? Comment la PJJ initiera-t-elle la généralisation des mesures judiciaires d'investigation éducative ?

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