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Intervention de Michel Boyon

Réunion du 2 novembre 2011 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel :

M. Bloche m'a interrogé sur la TNT payante. Deux opérateurs de celle-ci ont en effet demandé à passer dans le secteur gratuit. Le CSA examine actuellement leurs dossiers. Il se préoccupe, d'une manière plus générale, de la situation de la TNT payante car celle-ci ne s'est pas développée en France aussi bien qu'on l'avait imaginé lors de son lancement. Plusieurs raisons l'expliquent : une culture dominante de la télévision gratuite dans notre pays, à la différence de nombre de nos voisins, ainsi qu'un manque de dynamisme dans la distribution commerciale des chaînes payantes, le principal opérateur du secteur ayant privilégié d'autres modes de distribution que la TNT. Le CSA croit néanmoins à l'avenir de la TNT payante. Il a ainsi organisé l'année dernière un colloque, dans les locaux de l'Assemblée nationale, afin d'examiner les moyens de la relancer. La conclusion en fut le lancement d'un appel à candidatures qui a conduit le CSA à sélectionner la chaîne CFoot proposée par la ligue de football professionnel. Ce qui traduit une certaine confiance dans le système. Mais ce n'est pas au Conseil, pas plus qu'à l'État, de décider si le public désire ou non des chaînes de télévision payantes.

M. Le Mèner a évoqué l'avenir technologique de la radio. Il suscite en effet, depuis plusieurs années déjà, un important débat : faut-il, ou non, mettre en place la radio numérique terrestre (RNT) ? Le législateur a imposé au CSA l'obligation d'en lancer le processus, ce qui a été fait. Depuis lors sont survenus, d'une part, la crise de 2008 et 2009, marquée par une forte diminution des ressources publicitaires des radios, notamment des grands réseaux commerciaux et, d'autre part, un changement radical de position des principaux acteurs.

À l'origine, la RNT était réclamée par les grands opérateurs nationaux afin de couvrir la quasi-totalité du territoire national car, aujourd'hui, la modulation de fréquence ne permet ni à Europe1, ni à RTL, ni à RMC de desservir plus de 70 ou 75 % de la population de l'Hexagone. La RNT devait faire passer ce taux à environ 95 %. Les grands opérateurs ont ensuite changé d'avis car ils ont craint un renforcement de la concurrence, ce que nous avons déjà vécu en 2003 pour le lancement de la TNT. Aujourd'hui, ce sont les radios commerciales indépendantes, et même les radios associatives, qui demandent l'avènement de la RNT. Ce « renversement du front » n'a pas facilité le règlement de la question. Le Gouvernement a donc commandé plusieurs rapports sur le sujet : à M. Emmanuel Hamelin, puis à M. Marc Tessier, enfin à M. David Kessler. Leurs conclusions ne convergeant pas vraiment, le Gouvernement a demandé au CSA d'établir une sorte d'observatoire destiné à favoriser le lancement de la RNT. Nous continuons d'y croire et entendons appliquer la loi.

Si, par des adaptations, ou même par un changement, de la norme de diffusion, on parvient à réduire sensiblement le coût de celle-ci, l'essentiel du problème sera résolu. Des opérateurs de radio se sont mis d'accord pour émettre en RNT dans le cadre d'expérimentations actuellement conduites, à Nantes, à Lyon, à Paris et dans d'autres villes. Celles-ci se déroulent dans de bonnes conditions.

Il faudrait éviter de prendre encore du retard alors que la RNT existe depuis presque dix ans au Royaume-Uni, où elle connaît un certain succès, et qu'elle vient d'être lancée en Allemagne le mois dernier. Je relève d'ailleurs que certaines radios françaises, qui se disent ici opposées à la RNT, se sont portées là-bas candidates à de tels réseaux et ont été sélectionnées…

Plusieurs d'entre vous, notamment M. Bloche et M. Mathus, m'ont interrogé sur la concentration des médias. Celle-ci revêt deux aspects : celui, éditorial, du pluralisme et celui, financier, des plus-values. Cette concentration était inévitable. La loi du 30 septembre 1986 comportait d'importantes dispositions destinées à préserver la pluralité des opérateurs ; il en fut de nouveau fortement question lors de la discussion de la loi du 1er août 2000 qui a jeté les bases de la TNT. Depuis 1986, le contexte a complètement changé du fait du bouleversement du contexte économique de l'audiovisuel : internet est apparu, puis la publicité sur internet, les réseaux de diffusion se sont multipliés et permettent de regarder des programmes en dehors des écrans de télévision, ce qui prive les chaînes de certaines recettes publicitaires.

Nous n'avons pas, aujourd'hui en France, de groupes audiovisuels de taille suffisante pour affronter, à armes égales, la compétition avec leurs homologues des pays voisins. C'est pourquoi les groupes français sont peu présents à l'étranger. Plusieurs expériences d'implantation extérieure ont échoué. Je me réjouis certes de voir Canal Plus, après une longue série de déconvenues, prendre le contrôle d'un groupe de télévision payante en Pologne, mais celui-ci ne se situe qu'au quatrième rang dans son pays. Beaucoup d'occasions ont été manquées par défaut, peut-être de volonté, mais surtout de moyens financiers.

Les concentrations qui se produisent n'ont donc rien d'anormal. Le secteur audiovisuel est un secteur économique comme les autres. Bien sûr, nous rêverions tous que trente chaînes sur la TNT appartiennent à trente opérateurs différents et que, tant qu'à faire, elles ne soient pas financées par la publicité. Mais la réalité est tout autre : il faut tenir compte des contraintes financières, les coûts de production et d'achat des émissions progressant plus rapidement que les ressources des chaînes.

Je fus le premier à proposer qu'on s'intéresse aux plus-values réalisées par les opérateurs de télévision lors de la cession du contrôle d'une chaîne. Celles-ci sont parfois considérables et devraient être soumises à taxation. C'est une idée à laquelle certains réfléchissent aujourd'hui. Les fréquences radioélectriques, qui appartiennent au domaine public de l'État, ne sont pas cédées en tant que telles, mais elles servent néanmoins de support à la valorisation de l'entreprise audiovisuelle que l'on vend. Je plaide donc en faveur d'un système fiscal permettant d'éviter qu'un marché des fréquences ne se développe : voilà déjà cinq ans que le groupe Pathé a, le premier, vendu ses chaînes sur la TNT.

M. Tardy a évoqué trois sujets. Le premier concerne la situation de la diffusion télévisuelle sur la zone de Saint-Gervais Mont-Blanc (Haute-Savoie). Le CSA s'est, depuis déjà un certain temps, penché avec soin sur le problème posé, que l'on rencontre aussi dans une dizaine d'autres endroits. Les difficultés proviennent de la confrontation des dessertes entre deux émetteurs, due certes au relief mais plus encore à la présence concomitante de plusieurs opérateurs de diffusion. Nous n'y pouvons rien puisque la loi impose la concurrence dans ce domaine. Nous préférerions évidemment qu'il n'existe qu'un seul pylône avec un seul opérateur pour assurer la diffusion de la TNT ! Le 4 novembre prochain, soit après-demain, interviendra à Saint-Gervais un changement de canal pour les chaînes qui, jusqu'ici, n'étaient pas reçues dans de bonnes conditions. Le problème technique, qui se posait depuis la fin du mois de septembre avec le passage de la zone considérée à la diffusion numérique, devrait être ainsi résolu. Je reconnais qu'il n'aura duré que trop longtemps, surtout pour les personnes dont la télévision est presque la seule distraction ou la seule ouverture sur l'extérieur. Mais le CSA et France Télé Numérique ont, en liaison avec les élus locaux, accompli tous les efforts possibles.

Les risques de brouillage entre la future 4G, pour laquelle le Gouvernement a lancé des appels à candidatures, et la TNT font actuellement l'objet d'une expérimentation locale, à Laval. Les premiers résultats qui nous sont parvenus ne sont pas assez consistants pour nous permettre de rendre un verdict. Mais le CSA sera intransigeant sur la qualité de la réception télévisuelle dans les zones où pourraient exister des conflits avec les émetteurs ou les réémetteurs de la 4G.

J'ai indiqué dans mon rapport ma préférence pour une application immédiate de la norme DVB-T2 aux nouvelles chaînes car il est toujours bon de disposer d'une longueur d'avance s'agissant d'évolutions techniques inéluctables. Mais je comprends aussi que la partie de la population venant d'acheter un récepteur puisse être perturbée par l'impression d'entrer dans un processus sans fin obligeant le consommateur à renouveler sans cesse son matériel. Comme je l'ai écrit dans mon rapport, le choix de la norme pour les nouveaux multiplex était éminemment politique : le Gouvernement a affiché le choix de la nouvelle norme et les textes interviennent en ce sens. Là aussi, il est important que la France ne prenne pas de retard.

M. Grosperrin m'a interrogé sur les critères d'attribution des nouvelles chaînes. Ceux-ci, inscrits dans la loi, n'ont pas changé et portent sur la viabilité économique du projet et sur son intérêt pour le public.

Pour le reste, je ne saurais rien dire sans laisser planer un doute sur l'objectivité et l'impartialité des décisions que le CSA prendra dans quelques mois.

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