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Intervention de Michel Boyon

Réunion du 2 novembre 2011 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Des questions ont été posées sur le respect du principe de pluralisme politique dans les dernières semaines et dans les derniers mois, et à propos des décisions que le CSA avait été amené à prendre. M. Kert m'a notamment demandé si nous réfléchissions à une adaptation éventuelle des règles actuelles pour faire face à ce type de situation.

Je tiens à rappeler qu'en 2009, lorsque le CSA a modifié les règles relatives au principe de pluralisme politique et abandonné la règle dite « des trois tiers » pour un système plus simple et d'ailleurs plus protecteur des droits de l'opposition, tout le monde – notamment toutes les formations politiques – s'en est félicité. À ma grande surprise, je n'ai entendu aucune critique contre ces nouvelles règles.

Cette année, certaines rédactions n'ont pas été suffisamment attentives à ce qui s'est passé pendant les mois de juillet, août et septembre.

Le 1er juillet, le CSA avait pourtant organisé une rencontre avec les rédactions des radios et des télévisions pour leur parler des élections sénatoriales, mais surtout pour les inciter à prendre des précautions en vue du processus d'élections primaires organisé par le parti socialiste. Mais pendant l'été, au fur et à mesure que nous sont parvenus les temps d'intervention des personnalités politiques, nous nous sommes aperçus de nombreux déséquilibres, parfois importants, dans les temps de parole. Les services et les conseillers du CSA ont très régulièrement téléphoné aux rédactions et ont rencontré certains responsables pour les mettre en garde. Vous savez que les temps de parole, notamment dans les journaux télévisés, sont appréciés sur une période de trois mois. Cela supposait qu'à la date du 30 septembre, la situation ait été rééquilibrée. De plus, nous nous y étions pris suffisamment tôt pour que les rédactions soient à même de prendre des mesures correctives.

M. Bloche a indiqué que le 8 septembre, lors d'une rencontre avec deux conseillers du CSA, on lui avait promis un rattrapage et il s'est étonné qu'au mois d'octobre le CSA ait pris des décisions sévères à l'encontre de certaines chaînes. C'est qu'entre le 8 septembre et le 30 septembre, la situation ne s'est pas régularisée, loin de là, malgré nos entretiens téléphoniques et nos conversations avec les chaînes au cours des mois d'août et de septembre. Je lui répondrai donc qu'à la date de cette rencontre, à laquelle je ne participais d'ailleurs pas, on ne pouvait absolument pas imaginer que la situation serait celle, considérablement amplifiée, qui a été constatée le 30 septembre.

Cette méconnaissance des règles qui avaient été posées deux ans auparavant par le CSA se traduisait, pour certaines chaînes, par des dépassements extrêmement importants. Certaines avaient accordé 150 % du temps de parole à l'opposition – par rapport au temps de parole de la majorité – alors que, normalement, elles doivent en accorder entre 50 % et 90 %, à la rigueur 100 %. C'était déjà un manquement très sérieux aux règles édictées par le CSA.

Mais il ne faut surtout pas limiter cette question à celle d'un débat PS-UMP. La situation aboutissait en effet à éliminer, pendant toute cette période, les partis d'opposition parlementaire qui n'avaient qu'un accès extrêmement étriqué à l'antenne, les partis qui n'appartiennent ni à la majorité ni à l'opposition parlementaire, et les formations politiques qui ne sont pas représentées au Parlement. De la même façon, à l'intérieur même du bloc majoritaire, pour des raisons mécaniques, la part revenant aux députés et aux sénateurs de l'opposition avait été complètement écrasée. Ainsi, tous les partis politiques autres que le parti socialiste dans l'opposition et un certain nombre de partis de la majorité avaient été « zappés ». À telle enseigne qu'au moment où nous avons fait notre conférence de presse pour faire le point sur l'application du principe de pluralisme politique, des représentants de formations politiques nous ont dit très clairement comment ils jugeaient le comportement de certaines radios ou de certaines télévisions par rapport, justement, au respect du principe de pluralisme.

Ayant constaté les importants manquements commis à cet égard par trois chaînes de télévision et deux chaînes de radio, le CSA leur a adressé une mise en demeure, ce qui n'est pas une sanction mas l'injonction de ne pas recommencer, afin notamment que, dans la période qui vient, le principe de pluralisme politique et les règles concrètes fixées par le CSA pour son application soient respectés. Celles-ci n'ont suscité aucune critique lorsqu'elles ont été rendues publiques. Le principe d'arithmétique électorale que nous appliquons résulte directement de la loi. De plus en plus de pays étrangers s'en inspirent, transposant chez eux nos règles, qu'ils jugent efficaces, afin d'assurer le respect du pluralisme politique sur les antennes.

M. Kert a demandé si nous réfléchissions à une adaptation de ces règles dans l'avenir. Nous n'en voyons pas la nécessité pour le moment mais nous sommes, comme toujours, prêts à nous adapter. N'oublions pas aussi de tenir compte du travail des rédactions afin de ne pas le compliquer à l'excès : distinguer, à l'intérieur de l'intervention d'une personnalité politique, ce qui relève ou non du temps de parole politique, constituerait une charge extrêmement lourde. L'application des règles de pluralisme présente déjà un coût pour les chaînes car il leur faut employer un certain nombre de personnes pour établir les décomptes, et le CSA doit garder cet élément à l'esprit.

Les règles relatives à la publicité sont globalement respectées, de même que celles concernant le parrainage. Leur observation n'empêche cependant pas quelques abus pratiques.

La suppression des écrans publicitaires sur les antennes publiques après vingt heures a entraîné une avancée du début de la première partie de soirée. Mais on constate, depuis quelques mois, une tendance à ce qu'elle se décale à nouveau, notamment sur France 2. Le parrainage en est moins responsable que l'allongement du journal télévisé, ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose… La réforme est cependant trop récente pour qu'on puisse formuler des critiques sur ses incidences.

Mme la présidente Michèle Tabarot et plusieurs commissaires m'ont interrogé sur les décisions que prendra le CSA à la suite des appels à candidatures qu'il a lancés. Je rappelle que, lorsqu'une fréquence audiovisuelle est disponible et qu'un opérateur la réclame, le Conseil est tenu de lancer un appel à candidatures. Pour changer de règle, il faudrait modifier la loi, mais je ne suis pas certain que le Conseil constitutionnel jugerait une telle modification conforme à la Constitution.

Nous avons donc réservé la situation tant qu'il subsistait une incertitude sur la détermination de la norme de diffusion applicable aux nouveaux multiplex. Mais, le Gouvernement ayant fait connaître son choix, il n'était plus possible de retarder encore l'appel à candidatures. Trois questions se posent. Dans le cas où les nouvelles chaînes seraient gratuites, comment les financerait-t-on ? Quel serait alors l'avenir de la TNT payante ? Quelles chaînes le CSA sélectionnera-t-il ?

Selon le rapport que j'ai remis au premier ministre début septembre, le marché publicitaire ne progressera, au mieux, que d'un ou deux points de plus que l'activité économique générale. L'observation du passé montre qu'il existe une forte corrélation entre l'évolution du marché publicitaire télévisé et celle de l'économie en général. Même en admettant que la croissance économique soit durablement au rendez-vous – ce qui reste à démontrer –, on ne peut envisager que le marché publicitaire la dépasse de beaucoup.

On constate également que la part de la télévision dans le marché publicitaire global, tous médias confondus, est restée la même depuis cinq ans. Contrairement à une idée reçue, elle n'a pas diminué, demeurant stable à 34 ou 35 %. Ce sont d'autres médias qui ont souffert de l'irruption d'internet sur le marché publicitaire : essentiellement la presse, la radio et le cinéma, bien que la part de ce dernier doive, à mon sens, se redresser grâce à la numérisation des salles.

On peut donc se montrer raisonnablement optimiste quant à l'avenir des ressources publicitaires de la télévision. Mais celles-ci permettront-elles de financer six nouvelles chaînes ? M. Bloche a anticipé, groupe par groupe, les décisions du CSA quant aux choix de celles qui seront autorisées à émettre. Rien n'est décidé à ce jour, mais on ne peut imaginer la création de nouvelles chaînes à très gros budget et trouvant leur financement par la publicité.

Je ne puis en dire davantage : les décisions du CSA se prennent de façon collégiale et je ne sais encore ni qui sera candidat ni pour quel type de projet. Le délai de dépôt des candidatures est fixé au 10 janvier prochain. À ce stade nous ne pouvons rien savoir de l'intérêt ni de la viabilité des dossiers qui nous seront soumis et le CSA n'a pas décidé par avance de privilégier un certain type de ligne éditoriale. Je ne peux m'avancer sur ce terrain sauf à risquer que les décisions du CSA soient ensuite attaquées au contentieux. J'ai toutefois mentionné dans mon rapport que notre paysage audiovisuel manque aujourd'hui de chaînes de complément, c'est-à-dire de chaînes qui apportent quelque chose de plus à l'offre actuelle de la TNT. On peut envisager à ce titre bien des concepts possibles de programme et de ligne éditoriale. L'état général de la télévision, du marché publicitaire et des audiences donne à penser que ce type de chaîne doit être désormais privilégié.

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