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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 19 février 2009 à 15h00
Réforme de l'hôpital — Article 10

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Cet article traite de la possibilité pour les directeurs d'hôpitaux publics d'embaucher des praticiens sous un nouveau statut contractuel.

Nous sommes là face à une des dispositions les plus préoccupantes de ce projet de loi, qui prévoit la possibilité pour les hôpitaux publics d'embaucher des praticiens hospitaliers recrutés par contrat pour occuper des postes difficiles à pourvoir.

Vous justifiez cette disposition par les difficultés que rencontrent les hôpitaux à embaucher ou à garder les praticiens hospitaliers. Ces difficultés sont indéniables, surtout concernant certaines spécialités. Pour les surmonter, il faut d'abord s'interroger sur les causes.

Si les hôpitaux rencontrent de réels problèmes pour recruter, c'est tout d'abord parce que, réforme après réforme, vous les avez rendus de moins en moins attractifs. Les conditions de travail y sont difficiles, du fait des restrictions budgétaires et des réductions de personnels. Les heures supplémentaires y sont accumulées sans même être payées, dans un certain nombre de cas, contredisant au passage le slogan présidentiel selon lequel il suffirait de travailler plus pour gagner plus. Et, cerise sur le gâteau, vous envisagez une réforme de l'IRCANTEC – le régime de retraite des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques – qui pourrait entraîner une diminution de près d'un tiers des retraites des praticiens hospitaliers. Et vous vous étonnez de ne plus trouver de praticiens hospitaliers pour travailler dans les hôpitaux !

Face à cela, le secteur privé offre un visage nettement plus attractif, puisque l'on peut y moduler ses heures de travail, multiplier les dépassements d'honoraires et, ce faisant, ses revenus. Ce n'est pas un hasard si les spécialités dans lesquelles les hôpitaux ont le plus de mal à recruter sont celles où sont pratiqués les dépassements d'honoraires les plus élevés, jusqu'à l'indécence, s'agissant en particulier de la radiologie.

Pourtant, beaucoup de médecins restent attachés à l'hôpital public parce qu'ils ont conscience d'oeuvrer pour l'intérêt général, parce que le travail à l'hôpital est plus varié, donc plus riche, parce que les hôpitaux participent à la formation des jeunes et à la recherche, parce que les praticiens hospitaliers peuvent à la fois s'inscrire dans un travail d'équipe et s'impliquer dans le fonctionnement quotidien de leur établissement, enfin parce que salariés c'est-à-dire libérés du paiement à l'acte, ils peuvent se consacrer entièrement à leurs patients.

À lire ce projet de loi, on pourrait croire que ces motivations sont de plus en plus étrangères aux dirigeants du pays ou, pire encore, qu'ils cherchent à les minorer. Vous n'avez de cesse de banaliser les missions de service public en les servant morceau par morceau, à la découpe, aux cliniques privées. Vous n'avez de cesse de réduire les prérogatives de la CME pour renforcer les pouvoirs du seul directeur en écartant les soignants. Vous n'avez de cesse de dévaloriser à l'hôpital, comme à l'université en général, le travail des chercheurs, derrière lesquels, à vous écouter, se cacheraient des tire-au-flanc qu'il conviendrait de remettre au travail. Vous envisagez maintenant de faire travailler côte à côte des médecins aux rémunérations modestes parce qu'ils exercent des missions de service public et d'autres payés très cher sur des contrats opaques à la discrétion des directeurs d'hôpitaux, ce qui ne va pas manquer de démotiver les premiers et de désorganiser les services.

Plutôt que d'introduire des praticiens contractuels à l'hôpital, il serait préférable de revaloriser la carrière des praticiens hospitaliers, en augmentant leurs salaires et leurs retraites et en les faisant participer bien plus que ne le fait ce projet de loi à la vie de leur établissement. Il est également nécessaire d'empêcher les pratiques déloyales du secteur privé en encadrant les dépassements d'honoraires et en veillant à ce qu'il ne puisse pas débaucher les médecins exerçant à l'hôpital. Nous avons déposé deux amendements en ce sens. Le premier, que vous avez rejeté, visait à interdire pendant deux ans aux praticiens hospitaliers démissionnaires d'exercer une activité rémunérée dans un établissement de santé privé à but lucratif où ils puissent entrer en concurrence directe avec l'établissement public dont ils sont démissionnaires. Le second, à l'article 18, tend à plafonner les dépassements d'honoraires en les limitant au montant des tarifs opposables. J'espère que vous lui réserverez un meilleur accueil.

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