Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de David Cope

Réunion du 27 octobre 2011 à 14h30
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

David Cope, directeur de l'Office parlementaire pour la science et la technologie du Parlement britannique :

– Je suis très honoré par votre invitation. Nous avons un immense respect pour notre Office frère. Je suis très impressionné par la devise de la République qui orne votre site internet. Nous avons tous deux la liberté et la responsabilité de conduire des études et des enquêtes destinées à informer nos Parlements respectifs. Je viens d'évoquer notre fraternité. Ce qui nous manque, c'est l'égalité, car j'envie vos moyens de fonctionnement. Mais c'est à Londres que je dois le dire !

Comment le système parlementaire du Royaume-Uni a-t-il traité Fukushima ? Il se trouve que j'étais à Tokyo lors du tremblement de terre. Quand j'ai vu à la télévision ce qui se passait, j'ai aussitôt pensé : « ça y est, voilà la fin du programme de construction nucléaire britannique » ! J'avais tort, et cela m'étonne encore ! Je crois bien connaître mon pays, mais je ne comprends toujours pas la réponse politique et du public à l'événement. Nous n'avons pas eu d'enquête parlementaire sur Fukushima et ses conséquences. C'est une coïncidence si la Chambre des Lords, notre chambre haute, venait juste de commencer, eu moment de l'accident, une enquête sur la recherche-développement nucléaire en Grande-Bretagne. Ils ont donc rapidement inclus la recherche-développement en sûreté nucléaire dans leur investigation. Mais cela n'a créé aucune pression en faveur d'une réponse parlementaire à Fukushima. Cette mission rendra son rapport dans deux semaines, je ne suis pas au courant de ses conclusions, mais on me dit qu'elles seront « robustes ». Le seul examen parlementaire formel de Fukushima en Grande-Bretagne a été un atelier d'une demi-journée organisé en juillet par notre Office, avec Dennis Flory, de l'AIEA, et le président Claude Birraux, venu nous présenter votre rapport d'étape, et, en octobre, une « question parlementaire spéciale » d'un député, dont je puis dire qu'il a des convictions antinucléaires, et qui a pris l'initiative d'un mini-débat à la Chambre des communes avec le ministre en charge de l'énergie.

S'il n'y a pas eu davantage de réaction parlementaire, c'est sans doute parce que le gouvernement britannique, a annoncé, très tôt après le 11 mars, une enquête officielle, le rapport Weightman, du nom de l'Inspecteur en chef des installations nucléaires qui l'a conduite, assisté d'un panel de spécialistes de l'énergie nucléaire. Comme pour votre propre rapport, il y a eu un rapport d'étape rendu en juin et le rapport final sera présenté en octobre. Contrairement à ce qu'en a dit une partie de la presse britannique, il n'exclut pas totalement le risque d'un accident similaire en Grande-Bretagne. Il est vrai que la côte orientale de la Grande-Bretagne a été frappée il y a 8 000 ans par un tsunami, d'une magnitude similaire à celui qui a touché la côte nord-est du Japon. Bien que scientifiquement on ne puisse exclure qu'un tel événement se reproduise, le fait qu'il ait eu lieu il y a 8 000 ans a semblé évacuer le problème. Beaucoup plus près de nous, il s'est produit un incident, en 1607, sur la côte occidentale de la Grande-Bretagne, entre l'Angleterre et le pays de Galles, où doit être construite la première centrale du nouveau programme, mais d'une échelle moindre qu'à Fukushima. De même, s'agissant d'un événement datant d'il y a 400 ans, on a préféré l'ignorer. Techniquement, il faut néanmoins étudier la résistance aux inondations, non seulement graduelles, mais d'une force brutale. Les implications en termes de coût ne sont pas très significatives. Le rapport souligne aussi que rendre plus visibles et moins vulnérables les équipements électriques des centrales pourrait réduire les risques. Il conclut à la poursuite du plan de construction de nouvelles centrales et à l'attention à porter à la prévention des risques d'inondation. Les risques les plus probables dans notre pays sont dus non aux tsunamis mais aux crues liées aux pluies, aux orages ou aux marées.

Personne ne soutient chez nous que ce qui s'est passé à Fukushima n'a aucune importance. Un Vert a été élu l'an dernier au Parlement, et nous avons des groupes écologistes très actifs. Mais, plutôt que d'affirmer que l'accident de Fukushima démontre le caractère inadéquat de l'énergie nucléaire, leur argument, et je dois dire que c'est un peu de votre faute, monsieur le Président Birraux, est que la Grande-Bretagne ne peut prendre des engagements avant que d'autres pays européens aient rendu leurs propres conclusions. Je sais, monsieur le Président, que vous respecterez votre calendrier, mais comprenez combien celui-ci est devenu important pour nous !

En Grande-Bretagne coexistent en fait deux politiques énergétiques, celle menée par l'Angleterre et celle menée par l'Ecosse. Cette dernière estime en effet qu'elle doit mener sa propre politique énergétique car même si le domaine n'est pas de sa compétence, c'est elle qui maitrise l'urbanisme… Pour l'instant, le gouvernement d'Ecosse a décidé de se passer de l'énergie nucléaire, mais 40 % de son électricité est fourni par une seule centrale, d'où de gros problèmes en perspective. Je dis à mes amis Ecossais que cette expérience est intéressante car s'ils arrivent à se débarrasser de l'énergie nucléaire, nul doute que de nombreux pays viendront étudier leur exemple. En revanche, s'ils n'y parviennent pas, qu'ils n'espèrent pas que les Anglais leur vendent de l'électricité nucléaire à bas prix ! Je plaisante, bien sûr…

Je me suis rendu au Japon le mois dernier et j'ai pu constater de nombreux « points chauds » en dehors des zones d'exclusion, sans doute dus aux conditions météorologiques. Cette information n'a pas été beaucoup relayée en Grande-Bretagne ou dans d'autres pays. Si l'opinion publique avait eu connaissance de ces données, elle aurait sans doute évolué. Comme de nombreux Japonais, j'ai acheté mon propre compteur Geiger, et j'ai constaté l'existence d'un « point chaud » dans un faubourg de Tokyo. Affolement des autorités et évacuation de la population ! On a découvert du radium médical dans un immeuble inhabité.

Je crains que tous ces incidents n'amènent l'opinion anglaise et européenne à être plus soupçonneuse à l'égard de l'énergie nucléaire, même si ces « points chauds » n'ont aucun rapport avec l'accident de Fukushima.

Je ne suis pas non plus certain que le public ait une claire conscience de la nature des radiations et des risques nucléaires. Ainsi, les personnes qui se rendent de Londres à Tokyo reçoivent plus de rayonnements cosmiques dans l'avion qu'une fois arrivées au Japon.

J'ai eu des discussions intéressantes avec mon homologue japonais : le 7 mars, le Parlement japonais avait décidé de créer l'équivalent de l'OPECST. Le 11 mars est arrivé et tout a été suspendu. Néanmoins, le Parlement japonais a annoncé en septembre qu'il allait mener ses propres investigations sur Fukushima.

Votre rapport sera sans doute le plus exhaustif de tous ceux qui vont être rédigés par les offices parlementaires d'Europe et il est important que nous en disposions. Je suis profondément honoré d'avoir pu témoigner dans cette enceinte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion