Dans le département de La Réunion, le secteur des soins à domicile compte 20 000 employés pour une population de 830 000 personnes ; en 2020, ces employés seront 24 000.
Nous avons été sélectionnés pour expérimenter la mise en place d'un centre de ressources destiné à assurer, dans ce domaine d'activité, une meilleure information, une meilleure structuration et une meilleure formation.
La ville de Saint-Joseph, dont je suis le maire, compte plus de personnes âgées que dans le reste de l'île – 13 % contre une moyenne de 9 %. Dans notre centre communal d'action sociale, nous faisons travailler ensemble des jeunes qui sortent des écoles et des femmes expérimentées, d'un certain âge déjà, qui aimeraient disposer d'une formation adaptée et bénéficier d'une meilleure reconnaissance.
Pensez-vous qu'il faille créer un statut spécifique pour ce type de métier ? Quelles évolutions voyez-vous pour l'avenir ?
Laurent Hénart. Créer un statut, c'est-à-dire un cadre d'emploi unique, me semble difficile en raison de la diversité des intervenants : les associations, les entreprises et les particuliers employeurs.
Les progrès réalisables, dans un délai de cinq ans, pourraient porter sur trois sujets qui, au-delà des conventions collectives, feraient l'objet d'accords interprofessionnels : la mobilité des employés, la validation des acquis et la santé.
Sur les deux premiers points, il y a accord de la profession. Sur le dernier, les réticences sont nombreuses car les intervenants rechignent à devenir des auxiliaires des métiers de santé. La santé doit pourtant être abordée en termes de réseaux d'intervenants ; cela se fera au bénéfice tant des aidés que des aidants.
On constate, par ailleurs, que les personnes débutent une formation en ignorant tout de la réalité du terrain. L'immersion professionnelle permettrait d'éviter de nombreux échecs, ainsi que des financements inutiles. Il faut donc développer l'alternance ; certes, l'organiser aura un prix, car la personne en alternance ne peut pas voir ses tâches redistribuées comme cela peut être le cas sur un site de production. Mais cet effort est nécessaire. Le Fonds national de modernisation et de développement de l'apprentissage pourrait y contribuer, car il ne consomme pas la totalité des 450 millions d'euros annuels collectés à son profit sous forme de taxe ; des ressources pourraient aussi être trouvées dans les budgets des régions qui n'utilisent pas entièrement les sommes que leur verse ce fonds.
Enfin, concernant les particuliers employeurs, il conviendrait de favoriser un cadre d'emploi qui ait les qualités de l'emploi salarié. La démarche naturelle est de faire passer les personnes vers des emplois salariés au sein d'une association ou d'une entreprise. Mais proposer, comme l'a fait un réseau associatif d'aide à domicile qui connaît actuellement de grosses difficultés financières, des modalités d'emploi consistant à forfaitiser les salariés, tout en leur garantissant un périmètre d'action, conduit à des situations qui ne sont pas viables. Il faut donc partir du modèle le plus précaire, qui est celui du particulier employeur, et le consolider. La création des centres de ressource s'inscrit dans cet objectif.
Le problème est le recours aux contrats de mandat par lequel l'employeur particulier confie des tâches à un organisme tiers. Cette procédure peut constituer une aubaine pour les associations qui, pour économiser des charges, font passer leurs salariés en mode mandataire. La personne âgée se retrouve ainsi employeur sans le savoir ; les enfants ne comprennent pas comment leurs parents se sont mis dans une telle situation ; enfin, cette procédure est source de nombreux contentieux.
La Fédération des particuliers employeurs propose la mise en place d'un système de mandataire d'ordre public. Les centres de ressource départementaux, analogues à des coopératives, régleraient les problèmes de droit du travail, de droit à la formation et de validation des acquis de l'expérience ; ils aideraient l'employeur mais aussi le contrôleraient.
Cette intervention publique aura un coût. L'ANS a lancé une expérimentation sur la base d'un budget de 20 millions d'euros dans cinq départements cette année, dont celui de La Réunion, et dans dix l'an prochain.
Pour financer la généralisation de ce dispositif, on peut imaginer une diminution légère du plafond des dépenses ouvrant droit à l'avantage fiscal sur l'aide à domicile ; l'abaisser à 10 000 ou à 12 000 euros, selon le nombre d'enfants, dégagerait un rendement fiscal qu'on peut estimer à 400 millions d'euros.
Je rappelle aussi que l'État, par le biais des exonérations de charges, de l'avantage fiscal et des crédits d'intervention, consacre 4 milliards d'euros à ce secteur ; une telle somme peut être ventilée autrement.
L'ensemble de ces réformes est réalisable à législation constante.