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Intervention de Serge Lepeltier

Réunion du 2 novembre 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Serge Lepeltier, ambassadeur en charge des négociations internationales sur le changement climatique :

Avant de répondre à toutes les questions pertinentes qui m'ont été posées, je tiens à dire que je suis très heureux de retrouver certains d'entre vous qui, dans l'hémicycle, m'ont soutenu lorsque j'étais ministre.

Je veux d'abord faire observer que le sommet de Copenhague a tout de même modifié le système. Avant ce sommet, on décidait d'une réduction globale d'en haut et l'on répartissait ensuite cette diminution par pays – c'est le système de top-down. Depuis Copenhague, on part d'en bas, on évalue les engagements de chacun des pays, et l'on voit si la somme des engagements correspond à ce qui est souhaité – c'est le fameux bottom-up.

Par ailleurs, on ne doit pas négliger l'engagement interne pris par la Chine, qui a décidé d'un douzième plan, dont les objectifs, en matière d'efficience énergétique, sont très élevés. Consommer moins d'énergie par point de croissance ou par produit est une préoccupation partagée par les pays en développement, voire par certains pays industrialisés. Globalement, aujourd'hui, la somme des engagements domestiques pris dans le système multilatéral représente 60 % de ce qu'il faudrait faire pour ne pas dépasser une croissance de la température mondiale de deux degrés Celsius, ce qui est notre objectif.

Malheureusement, le GIEC considère que ces deux degrés Celsius seront dépassés. Un degré Celsius est déjà acquis, les années 1975-2000 ayant été marquées par l'accélération du réchauffement climatique. Nous voyons difficilement comment nous pourrions atteindre l'objectif fixé.

Peut-être suis-je trop optimiste, mais je crois que les négociations pousseront les États-Unis et la Chine à évoluer.

Certes, les États-Unis ne prendront aucune décision politique – et ne signeront aucun traité – avant les prochaines élections présidentielles. Mais il est évident que, politiquement parlant, ils ne peuvent pas rester seuls, au bord de la route, montrés du doigt par les autres pays. Voilà pourquoi ils souhaitent rester dans la négociation. Nous les sentons évoluer, notamment sur la question de l'accord global. Ils ont commencé à préciser ce qui, dans la négociation, serait acceptable ou inacceptable pour eux : cela signifie qu'ils rentrent un peu dans la discussion.

La Chine, quant à elle, évolue également sous l'influence des pays en développement. La relation qu'elle a nouée avec eux, notamment en Afrique, est très importante pour elle. Si ces pays lui expliquent qu'elle doit modifier sa politique, elle changera un peu de comportement.

Pour autant, il est exact que ces deux grands États sont très réservés sur quelque accord multilatéral contraignant que ce soit. Ils acceptent de discuter, d'avancer, de prendre des engagements qui leur sont propres, mais ne veulent pas être contraints par le reste du monde. Politiquement, le problème est là. Il sera très difficile de les faire s'engager dans un accord contraignant multilatéral.

L'adaptation, évoquée par Stéphane Demilly, est un sujet qui revient de plus en plus souvent dans les discussions. En effet, les pays en développement sont très demandeurs de financements destinés à leur permettre de s'adapter au changement climatique. Toutefois, les financements d'adaptation ne doivent pas limiter les actions d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre : l'adaptation n'est en effet que la conséquence d'un volume d'émissions trop important.

Stéphane Demilly a également proposé de relancer l'idée de créer une organisation mondiale de l'environnement. La question de la gouvernance mondiale en matière d'environnement est, avec la « croissance verte », à l'ordre du jour du sommet « Rio + 20 », qui sera organisé en juin prochain par mon prédécesseur Brice Lalonde. La France est très engagée sur cette question et elle a renoué des contacts pour avancer dans cette voie. Dans son esprit, l'organisation mondiale de l'environnement pourrait résulter d'une transformation du Programme des Nations Unies pour l'environnement – PNUE – et serait chargée, toujours depuis Nairobi où se trouve le siège du PNUE, de coordonner les quelque cinq cents accords internationaux existants.

Je ne partage pas l'analyse de Jean-Paul Chanteguet sur le montant des financements. La France respecte aujourd'hui ses engagements, qu'il s'agisse de financements nouveaux ou de financements additionnels. En 2010, les 425 millions d'euros qui ont été engagés sur des actions sont venus compléter les sommes versées en 2009 et les actions menées par la France pour lutter contre le changement climatique.

Il ne me semble pas qu'il ait été décidé à Copenhague que les financements précoces consacrés à la lutte contre le changement climatique prendraient nécessairement la forme de dons et de subventions. L'engagement pris par les pays développés portait sur un certain montant d'actions. Il est exact qu'une part importante de la contribution de la France a pris la forme de crédits, mais ces crédits permettent de mener des actions.

J'invite chacun à regarder le rapport de votre collègue Henri Emmanuelli dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2012 (n° 3805, annexe 5), qui traite de ces questions. Par ailleurs, la France fournit régulièrement des chiffres à la Commission européenne.

Certes, la France n'a pas pu vendre ses « crédits carbone », mais, pour ce qui concerne le financement de REDD +, dont le montant était parfaitement défini, elle a compensé avec le Fonds environnemental mondial.

Comment pourra-t-on mobiliser 100 milliards de dollars pour le « Fonds vert » ? Doit-on réorienter les subventions ? Doit-on instaurer une taxe carbone mondiale ? La position de la France a été exprimée très clairement par le Président de la République et par la ministre chargée de l'écologie : en l'absence de financements innovants, nous ne pourrons pas compter sur les budgets des États pour prendre le relais. Les financements innovants sont donc indispensables. Actuellement, notre pays travaille sur l'instauration d'une taxe sur les transactions financières, mais il se penche aussi, avec l'Organisation de l'aviation civile internationale et l'Organisation maritime internationale, sur la création de taxes – ou de mécanismes de marché – sur les transports aériens et maritimes.

En ce qui concerne la baisse des subventions accordées aux énergies fossiles, inutile de vous dire que j'y suis extrêmement favorable ! En tant que parlementaires, vous devriez vous intéresser non seulement aux subventions accordées aux énergies fossiles, mais aussi aux aides octroyées à des mesures nuisant à l'environnement – il en existe encore dans notre système fiscal. Ainsi, il y a quarante ou cinquante ans, nous avons encouragé la plantation de peupliers pour assécher certaines zones humides et éloigner les moustiques ; nous avons aujourd'hui compris qu'il s'agissait d'une mesure présentant de sérieux inconvénients.

La question des fonds innovants est très actuelle. Les actions contre le changement climatique mondial représentent un coût d'environ 30 milliards de dollars par an ; nous savons que ce sont 100 milliards de dollars par an qui seraient nécessaires.

Monsieur Pancher, la France respecte largement ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Notre pays est même en dessous du niveau fixé par le Protocole de Kyoto.

Doit-on inclure les consommations intermédiaires importées dans le décompte des émissions ? Le Protocole de Kyoto ne le prévoit pas. Nous tenons donc nos engagements.

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