Depuis sa création le 1er juillet 2009, notre commission a reçu l'ambassadeur de France en charge des négociations sur le réchauffement climatique avant chaque grand rendez-vous international sur le climat. C'est ainsi que nous avons auditionné à deux reprises Brice Lalonde – à qui vous avez succédé en février dernier, monsieur l'ambassadeur –, la première fois en octobre 2009 en vue du sommet de Copenhague, et la seconde fois en novembre 2010, dans la perspective du sommet de Cancun.
Aujourd'hui, nous avons le plaisir de vous recevoir pour évoquer tout particulièrement la préparation du sommet des Nations unies à Durban, qui doit se tenir dans quelques semaines. À cet égard, je voudrais vous remercier pour votre intervention, claire et spontanée, qui a permis de resituer les enjeux de cette échéance internationale importante pour l'avenir de notre planète.
Il y a deux ans, et le président Serge Grouard l'a rappelé en introduction, Copenhague nous a laissé, à tous, un goût amer. Comme tous ceux qui y ont participé, j'en suis sorti déçu et frustré, avec le sentiment d'un incroyable décalage entre les convictions affirmées en amont et le contenu de l'accord présenté. Malgré deux ans de négociations préalables et les intenses efforts diplomatiques de la France et, d'une façon générale, de l'Union européenne, il n'en est ressorti aucun engagement chiffré contraignant. On a dû, à l'époque, se contenter d'un accord politique de principe, et encore…
Retenons cependant que l'on avait réussi à réunir 192 pays représentés par 119 chefs d'État et de gouvernement, ce qui en avait fait le plus grand rassemblement de l'histoire des Nations unies, et que des décisions y ont tout de même été annoncées : celles relatives au Fonds de solidarité et à la lutte contre la déforestation.
Certes, le sommet de Cancun, en décembre 2010, a rendu possible un certain rattrapage, en permettant notamment d'obtenir un engagement international à limiter le réchauffement à deux degrés Celsius d'ici à la fin du siècle – ce que vous avez appelé « un niveau d'ambition partagé » –, ainsi que des avancées sur la mise en place du fameux Fonds vert d'aide à l'adaptation au changement climatique. Malheureusement, moins d'un an plus tard, ces avancées positives semblent déjà en péril.
En premier lieu, le Groupement d'experts international sur l'évolution du climat (GIEC) a estimé récemment qu'une hausse de plus de deux degrés des températures est d'ores et déjà inéluctable d'ici à la fin du siècle, quels que soient les efforts accomplis. La France en a d'ailleurs pris acte avec pragmatisme, en adoptant en juillet dernier un plan national d'adaptation au changement climatique. La sémantique n'est pas neutre : vous-même avez cité à plusieurs reprises le terme d' « adaptation », en évoquant notamment les comités d'adaptation.
En deuxième lieu, les préoccupations immédiates liées à la crise économique et financière mondiale ont, depuis, pris clairement le pas sur les préoccupations environnementales, perçues comme moins urgentes. Ainsi, aux États-Unis, le président Obama, qui avait suscité beaucoup d'espoir parmi les défenseurs de l'environnement, a été sévèrement interpellé l'été dernier par l'ancien vice-président Al Gore pour n'avoir pas su, ou pas voulu, mobiliser l'Amérique dans la lutte contre le réchauffement climatique. Et pourtant, les États-Unis représentent, avec la Chine, 40 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Enfin, une nouvelle perspective inquiétante se profile, celle de l'arrivée à échéance l'an prochain, vous l'avez dit, des accords de Kyoto, signés en 1997 et qui constituent à ce jour le seul cadre juridique un tant soit peu contraignant en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Si rien ne vient remplacer Kyoto, nous risquons de nous retrouver dans une situation de vide juridique forcément préjudiciable. Or le pessimisme, qui prévaut actuellement, n'a jamais résolu les problèmes.
Le groupe Nouveau centre souhaite, de façon pragmatique et optimiste, que la France, qui a toujours été leader sur cette question, se fixe deux grandes priorités pour Durban. Tout d'abord, comme le souhaitent les pays de l'Annexe 1, prolonger le Protocole de Kyoto sous une forme juridique, avec comme objectif d'aboutir, à terme, à un accord juridiquement contraignant et allant au-delà des simples déclarations politiques ; ensuite, rendre opérationnel le fameux « Fonds vert » d'adaptation au réchauffement climatique, ce qui suppose de résoudre la question de son financement car nous sommes très loin aujourd'hui des 100 milliards de dollars qu'il devrait mobiliser à partir de 2020.
Plusieurs pistes sont évoquées, comme une taxe sur les transactions financières, ou encore une taxe sur les carburants des transports maritimes et aériens. Il y en a sans doute beaucoup d'autres, mais il est essentiel d'aboutir sur ce point, faute de quoi l'action des Nations unies n'aura aucune crédibilité.
Alors qu'il existe plus de 500 traités internationaux relatifs à l'environnement, y compris sur le réchauffement climatique, une autre priorité en termes d'efficacité ne serait-elle pas de mettre de la coordination et du volontarisme dans tout cela en relançant, enfin, la bonne idée de créer une organisation mondiale de l'environnement ? La crédibilité française, que vous avez soulignée, monsieur l'ambassadeur, pourrait y contribuer.