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Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 19 octobre 2011 à 16h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale :

Si j'ai souhaité que la Délégation aux droits des femmes se saisisse de la problématique de la dépendance, c'est parce qu'il me semblait que la question du genre était consubstantielle au sujet, qu'il s'agisse du public concerné, des professionnels qui assurent la prise en charge de la dépendance, ou bien sûr des aidants. La féminisation des titres est à l'ordre du jour : « aidante » pourrait être le terme générique pour désigner ces 4 millions de personnes qui se dévouent chaque jour, à domicile ou en tant que bénévole dans un établissement, au chevet des personnes en perte d'autonomie.

Vous avez parlé de report de la réforme de la dépendance. La réforme continue. Ses mesures financières les plus lourdes ont certes été reportées, mais le travail qui a été conduit reste très utile, et la réforme se fera. Nous poursuivons d'ailleurs notre politique en direction des personnes âgées. Notre pays est l'un de ceux où l'effort de solidarité nationale en leur faveur est le plus élevé : il est estimé entre 25 et 27 milliards d'euros. Le plan Alzheimer, qui mobilise 1,6 milliard, n'est pas remis en cause. Nous poursuivons notre programme de création de places : nous aurons à nouveau 7 500 nouvelles places en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Je rappelle enfin que le sous objectif national des dépenses de l'assurance maladie (sous-ONDAM) personnes âgées prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) est particulièrement ambitieux : notre effort va augmenter de 6,3 %, chiffre à comparer avec les prévisions de croissance que vous connaissez. Nous investirons ainsi 400 millions d'euros d'argent frais pour améliorer la prise en charge.

Celle-ci n'est pas seulement financière. La qualité de la prise en charge des personnes en perte d'autonomie peut être améliorée à moyens constants, grâce à une meilleure organisation de notre système. Par exemple, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a chiffré à 2 milliards le coût des hospitalisations indues de personnes âgées. Nous pourrions donc réaliser des économies, mais aussi éviter des traumatismes aux familles et aux personnes âgées. C'est dans cette voie que nous devons avancer, d'autant que les phénomènes de glissement sont importants : on enregistre des dégradations brutales et irréversibles de l'autonomie chez ces personnes indument hospitalisées.

Nous lançons donc ce chantier de l'efficience, puisqu'il y a des besoins dont la satisfaction n'exige ni dépenses nouvelles, ni texte de loi. Je pense par exemple à une meilleure information de nos compatriotes lorsqu'ils choisissent une maison de retraite. J'ai appelé de mes voeux la mise en place d'indicateurs de qualité dans les EHPAD et d'un site internet dédié. Ce sera chose faite en 2012.

Nous allons également prendre des mesures d'effet immédiat, dont un plan d'investissement de 50 millions d'euros pour soutenir les travaux de rénovation des établissements ou des services accueillant des personnes âgées. J'ai souhaité qu'une attention particulière soit portée aux structures intermédiaires – accueil de jour ou de nuit, accueil temporaire – afin de soulager les aidants.

Autre point important, la création d'un fonds en faveur des services à domicile, hébergé par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), d'un montant de 50 millions d'euros. Comme je l'ai dit devant la Commission des affaires sociales, cette mesure n'est pas financée par le PLFSS mais par le projet de loi de finances (PLF). Je la conçois comme une démarche proactive, qui aide à la restructuration de ces services, car plusieurs rapports ont fait état de difficultés. Nous devons avoir une démarche d'efficience : si nous nous contentons d'une politique de guichet, nous nous retrouverons tôt ou tard aux prises avec les mêmes difficultés. Je rappelle d'autre part que l'autorité de tarification est bien le conseil général. Les difficultés de tarification ont par ailleurs entraîné une démarche d'expérimentation, que je mène avec l'aide de Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), afin d'envisager une modulation de la tarification pour tenir compte de la spécialisation de plus en plus lourde des intervenants à domicile.

Permettre à la personne âgée de rester chez elle le plus longtemps possible, c'est garantir sa qualité de vie et celle de son entourage. L'aidant doit conserver sa place – celle d'époux, d'épouse, de fils, de fille, de proche. Il ne s'agit pas de faire de lui un soignant. Nous avons été très touchés, tout au long du débat, par les témoignages particulièrement poignants de femmes qui se retrouvent tiraillées entre la nécessité d'aider leurs parents, parfois leurs beaux-parents, et celle de prendre en charge qui le fils au chômage, qui le petit-fils en échec scolaire… C'est à elles que nous devons penser : il importe de préserver leur santé, leur vie familiale et leur activité professionnelle. La loi offre déjà un certain nombre de possibilités. Je pense au congé de solidarité familiale, que j'ai soutenu, qui permet d'aider un proche en fin de vie et est assorti d'une allocation. J'ai lancé des rencontres avec les partenaires sociaux sur la question du partage des responsabilités professionnelles et familiales – sujet auquel je vous sais très attachée, madame la présidente. Je poursuis demain une série de rencontres sur l'amélioration du parcours hiérarchique des femmes dans l'entreprise. J'interpelle également les organisations syndicales sur leur propre gestion de la parité. Je ne parle pas seulement des congés de maternité et de paternité, mais de tous les types de congés familiaux.

L'épuisement des aidants est très lié à l'absence de structures de répit. J'ai donc tenu à en faire une priorité. Nous avons créé cette année 1 260 nouvelles places d'accueil de jour et plus de 800 places d'hébergement temporaire, qui ont été notifiées aux agences régionales de santé (ARS) par la CNSA. Nous avons mis l'accent sur l'aspect qualitatif de ces structures, en fixant par exemple des règles de fonctionnement pour les accueils de jour. Par ailleurs, les plateformes de répit expérimentées depuis 2010 sont en phase de généralisation. Notre objectif est d'en créer 150 d'ici 2012. Elles rendront lisibles et plus accessibles les différentes prestations disponibles.

Pour être préservés, les aidants doivent avoir un rôle bien distinct de celui des professionnels. Nous mettons donc en place des services professionnels d'aide à la personne de qualité. C'est notamment le cas des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), à distinguer des services à domicile (SAD). Nous avons autorisé depuis 2007 la création de 18 500 places nouvelles. Le dispositif des maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades Alzheimer (MAIA) va s'élargir à toutes les personnes dépendantes pour mieux épauler les aidants. Le gestionnaire de cas qui exerce dans ce type de structure assure la coordination de toutes les aides – une tâche souvent chronophage pour les aidants.

On ne saurait dire à quel point le rôle des aidants peut être amélioré par des formations. Celles-ci constituent d'ailleurs l'une des mesures phares du plan Alzheimer. Il y a quelques jours, je passais mon après-midi dans un Café des aidants. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que personne n'avait dit à mes interlocutrices qu'on ne commence jamais la toilette d'un malade atteint d'Alzheimer par le visage, pour ne pas susciter de réaction d'agressivité ! Il y a tout un travail de formation à l'aide à faire avec l'appui des associations – France Alzheimer est l'un de nos correspondants. Ne craignons pas de dire aux aidants qu'ils ont besoin d'être formés : selon Mme Desana, présidente de France Alzheimer, ils répugnent souvent à l'être – soit qu'ils n'en ressentent pas le besoin, soit qu'ils redoutent de voir leur rôle mis en cause.

Enfin, il faut valoriser les métiers de l'aide aux personnes âgées dépendantes, que ce soit à domicile ou en établissement. Je salue à cet égard l'agrément de la convention collective de branche de l'aide à domicile, qui comporte un certain nombre d'avancées concrètes pour les salariés : bénéfice d'une complémentaire santé, meilleure prise en compte de l'ancienneté…

Nous avons encore un long chemin à parcourir. Il nous faudra pour cela agir sur toutes les données que nous avons énumérées.

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