Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de François Rochebloine

Réunion du 2 novembre 2011 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine, rapporteur pour avis :

Monsieur le Président, Mes chers collègues, Geneviève Colot a présenté le projet de budget pour 2012 pour la mission action extérieure de l'Etat en faisant état de la relative préservation des crédits dont il bénéficie. Ceci s'applique également au programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » dont les crédits progressent même légèrement dans le projet de loi à 758,71 millions d'euros, du fait d'un effort supplémentaire en faveur des bourses accordées aux étudiants étrangers, à hauteur de 3,3 millions, et de la mise en place de l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) Campus France qui se traduit par une augmentation des cotisations patronales, à hauteur de 700 000 euros. Les emplois sont naturellement en baisse avec la suppression de 135 ETP mais dont 119 transferts.

Pour rendre plus dynamique l'examen d'un budget qui contient peu de surprises, vous me permettrez de saisir l'opportunité de cette dernière loi de finances – initiale ! – de la législature pour dresser un bilan des réformes, souvent difficiles, qui ont été initiées, pour certaines achevées ou en passe de l'être. Ces réformes ont accompagné et permis la baisse des crédits du réseau à l'étranger et répondu à la nécessité de repenser notre stratégie d'influence dans un contexte budgétaire contraint.

Conformément aux préconisations de la RGPP, la modernisation du réseau a été engagée en 2009 avec :

- la création de la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, tête pensante des stratégies et organe de pilotage des opérateurs, désormais pleinement opérationnelle et donnant toute satisfaction,

- la fusion des établissements à autonomie financière (EAF) et des services de coopération et d'action culturelle (SCAC), qui sera achevée à la fin de l'année 2012 dans les 96 pays concernés, ainsi que la création d'EAF uniques, qui le sera également à cette date, sauf situation complexe comme au Brésil et au Japon. La réflexion sur la cartographie du réseau se poursuit, au regard notamment des implantations des Alliances françaises, comme le prévoit la convention triennale signée avec la Fondation Alliance française le 1er octobre 2010 ;

- enfin avec la recherche d'un meilleur autofinancement. L'objectif d'autofinancement de 60 %, hors expatriés, a été atteint en 2011 sous l'effet de quatre facteurs : la baisse des dotations de fonctionnement (5 % en 2011, 2,5 % en 2012), la réduction de la masse salariale des agents locaux, le développement des cofinancements, qui ont atteint quelque 125,6 millions d'euros en 2010 et l'augmentation des ressources propres, notamment des recettes de cours.

La loi relative à l'action extérieure de l'Etat a parachevé l'organisation des moyens en dotant notre diplomatie de trois nouveaux EPIC, opérateurs voulus aussi robustes dans la mise en oeuvre des stratégies que souples en gestion : l'Institut français, France Expertise internationale et Campus France. La loi a aussi prévu – élément essentiel – une expérimentation du rattachement du réseau à l'Institut français.

L'Institut français s'est substitué comme prévu à CulturesFrance le 1er janvier 2011 et a pleinement investi le champ de ses compétences. Comme CulturesFrance avant lui, il promeut les artistes et les contenus culturels français à l'étranger et favorise l'accueil en France des cultures étrangères, notamment à travers les « Saisons ». Mais il endosse également de nouvelles missions : renforcement de la place de la langue française et de la place de la France dans les débats d'idées, soutien à l'activité d'enseignement du réseau culturel français, valorisation de la recherche française et conseil et formation des personnels, notamment du réseau. L'Institut français a effectué un effort particulier pour mettre au point des outils accessibles, notamment la création de plateformes numériques.

Dans le projet de budget 2012, l'Institut français bénéficie d'une dotation du ministère de 49,2 millions, en forte hausse, du fait du transfert de 14 emplois correspondant aux services dans les pays faisant l'objet de l'expérimentation, de la masse salariale correspondante, ainsi que de leurs dotations. Cela rend d'ailleurs peu visibles les évolutions des différentes dépenses de l'ensemble du réseau, celles des postes de l'expérimentation étant intégrées dans la dotation de l'Institut français. Son budget primitif progresserait à plus de 62 millions d'euros en 2012, dont près de 19 millions pour l'expérimentation.

Le rattachement de douze postes commencera donc le 1er janvier 2012 dans les pays suivants : Cambodge, Chili, Danemark, Emirats arabes unis, Géorgie, Ghana, Grande-Bretagne, Inde, Koweït, Sénégal, Serbie et Singapour. La Syrie, qui avait été retenue, sortira du champ, mais le projet de loi a été construit en l'intégrant. La liste de postes remplit l'objectif de représenter le réseau dans sa diversité : huit de ces pays disposent d'un EAF, quatre non et se verront donc dotés d'un bureau local à autonomie financière. Les Instituts français relèveront du Président de l'Institut français mais seront soumis, conformément à la loi, à l'autorité de l'ambassadeur dans le cadre des ses missions de coordination et d'animation. Un cahier des charges de l'expérimentation a été approuvé, le travail préparatoire a été engagé et le premier rapport transmis au Parlement. Il est important de souligner que l'expérimentation est effectuée sur un périmètre identique à celui défini pour la mise en oeuvre de l'EAF unique. Toute la difficulté en pratique est de mettre en place un rattachement totalement réversible, y compris pour les personnels. Le coût ne pourra être évalué que l'an prochain.

Vous me permettrez de faire un aparté sur le réseau associatif des Alliances françaises. Assaini ces dernières années, il ne s'est jamais aussi bien porté nous dit la Fondation. Les Alliances conventionnées avec un SCAC prodiguent aujourd'hui des cours de Français à 446 563 étudiants et, si l'on inclut les cours d'autres matières (civilisation par exemple), à 542 462 personnes, soit un nombre en progression de 7,84 %. Mais des craintes se sont fait jour, avec la création de l'Institut français et surtout l'expérimentation du rattachement, que ces réformes ne viennent affaiblir le réseau des Alliances françaises en provoquant une guerre des marques qui serait évidemment tout à fait préjudiciable et qui n'était pas dans l'intention du législateur.

Sans doute le discours sur la diffusion d'une marque unique a dérouté certains acteurs locaux. C'est le cas en Inde et à Singapour. Sans doute également ces derniers n'avaient-ils pas pris conscience que l'Institut français pourrait recouvrir trois réalités : l'EPIC à Paris, un ancien centre ou institut culturel, et le service administratif de l'ambassade sous l'autorité du conseiller chargé des affaires culturelles, y compris dans des villes où n'existait pas de centre ou institut culturel. Mais ces inquiétudes devraient être passagères. La direction de l'Institut français comme la DGM sont très attachées à trouver un équilibre satisfaisant et à relativement préserver des restrictions budgétaires les alliances françaises. Mais la question à terme, dans des pays stratégiques comme l'Inde ou Abu Dhabi justement, est bien de savoir qui incarnera une diplomatie d'influence qu'il faudra absolument étoffer.

Le second opérateur, en ordre de marche depuis le 1er avril, est France Expertise Internationale. Son Directeur général, Cyrille Pierre, a été nommé le 1er octobre dernier. Si le périmètre de l'EPIC est peu modifié par rapport au GIP auquel il se substitue, il ne faudrait pas sous-estimer le rôle joué par l'expertise dans la diplomatie d'influence et l'utilité de disposer d'un tel opérateur, notamment sur des marchés dotés de fonds français. Il faut au contraire le valoriser. Le récent rapport sur le renforcement de la cohérence du dispositif public de l'expertise technique internationale propose un passage en revue des opérateurs existants dans les ministères. Il doit être suivi pour déterminer ce qui peut être utilement transféré à FEI. Cette dernière présente la spécificité importante d'être multi-secteurs et multi-bailleurs, comme le reflète son conseil d'administration, avec une grande maîtrise des processus. Or, les marchés de l'expertise se remportent sur la connaissance des bailleurs, des procédures et du terrain diplomatique. Je signale également que la gestion des 5 % du fonds mondial lui a été confiée.

Quant à l'EPIC Campus France, dernier des trois opérateurs, la situation est moins simple et c'était assez prévisible, mais il devrait normalement être créé au 1er janvier 2012. Le développement de la mobilité étudiante et de l'attractivité de notre pays est un axe fort de notre diplomatie d'influence. Le nombre d'étudiants étrangers en France a crû, grâce aux espaces Campus France notamment, de 63 % depuis l'année universitaire 2000-2001 et atteint aujourd'hui 284 659, soit 12,3 % de la population étudiante totale, plaçant la France en troisième position mondiale, derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni, mais devant l'Allemagne. 15 380 bourses ont été accordées en 2010.

C'est la question du transfert des activités du CNOUS, prévue finalement pour septembre 2012, qui a conduit à différer la création de l'EPIC, tant son modèle et son équilibre économique sont tributaires des conditions du transfert. Le rapport prévu par la loi a été rendu en juin 2011. Il propose un transfert complet, y compris en gestion à l'EPIC. Le réseau des oeuvres conserverait son rôle d'accueil des étudiants internationaux, notamment pour le logement. Le rapport propose parallèlement une simplification du régime des bourses et une nouvelle tarification de leur gestion, pour équilibrer recettes et charges.

La gestion des bourses par un opérateur unique est potentiellement coûteuse. Le ministère estime que 67 ETP doivent être transférés à l'EPIC depuis le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour reprendre les activités du CNOUS. Un arbitrage du Premier ministre est attendu. Ensuite la réforme est coûteuse pour le CNOUS qui perd la rémunération de gestion des bourses des gouvernements étrangers. Il conviendra de veiller à la poursuite de la gestion de ces bourses, surtout si la rémunération de gestion devait être revue. Enfin, la rémunération de 35 euros par an par boursier proposée en échange des services des CROUS est contestée. Or ce service est un élément clé de l'accueil. L'équilibre économique du nouvel opérateur n'est donc toujours pas défini et encore moins garanti. Il convient cependant de demeurer optimiste. D'une part la situation d'Egide a été grandement améliorée par un plan de sauvegarde de l'emploi et une amélioration de sa gestion. D'autre part les réformes de structures sont toujours difficiles à conduire mais la volonté est là.

L'architecture organisationnelle et les missions des différents acteurs et du réseau sont désormais définies et bientôt finalisées. En examinant le budget 2012, la question posée est celle des moyens budgétaires par rapport aux ambitions françaises. Sont-ils à la hauteur ? Il est difficile de répondre par l'affirmative tant la compétition internationale est rude. Sur les 758 millions du projet de loi, deux tiers sont captés par la dotation à l'AEFE et les bourses. Malgré tout, certains axes de la politique française d'influence ont été défendus et la rationalisation de notre dispositif a pu être accompagnée par des crédits supplémentaires, ces 20 millions d'euros qui ont été pérennisés. Cette année, l'effort sur les bourses est notable après plusieurs années de baisse et une stabilisation en 2011. La rallonge permettra d'augmenter les bourses en faveur des étudiants indiens et chinois et de soutenir les bourses d'excellence, l'université franco-allemande et l'Office méditerranéen de la jeunesse.

Mais comme le ministre d'Etat l'a précisé lors de son audition par la Commission, les mesures d'économies additionnelles, d'un montant de 13 millions d'euros, porteront essentiellement sur le programme 185 :

- 6 millions sur les opérateurs : 3 millions pour l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et 3 millions pour l'Institut français, pris sur leurs fonds de roulement ;

- 1,3 million en diminution de la « rallonge » obtenue en faveur de la politique de bourses, qui se réduira à 2 millions ;

- 1,1 million d'euros de dotation de fonctionnement sur les crédits culturels des postes, soit une diminution de plus de 6 % de ces crédits. Le ministère estime que le réseau est en mesure de supporter cette nouvelle diminution de ses moyens.

La préservation des crédits consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence sera donc toute relative par rapport à un niveau déjà très bas d'intervention publique. C'est pourquoi je souhaite à nouveau exprimer mon admiration pour tous les acteurs, à Paris et à l'étranger, de notre diplomatie d'influence, qui réussissent dans des conditions difficiles à promouvoir la présence et le rayonnement de la France. Puissent les nouvelles mesures d'austérité qui nous attendent leur permettre de continuer dans cette voie ; car à l'impossible nul n'est tenu.

Plus particulièrement, comme chaque année, je souhaite attirer l'attention sur les difficultés de notre réseau d'enseignement français à l'étranger et vous proposer en conséquence de revenir sur la mesure de gratuité des frais de scolarité pour réallouer ces sommes à des dépenses prioritaires. Je défendrai dès à présent l'amendement que j'ai déposé à cet effet. Je contesterai certains éléments avancés par Geneviève Colot. La prise en charge des frais de scolarité consiste à prendre en charge en moyenne 14 205 euros par élève pour dix établissements les plus coûteux, tous situés aux Etats –Unis, loin de la moyenne générale. Les disparités sont donc fortes. Quant à l'absence de diminution des effectifs des étudiants étrangers, elle est constatée aujourd'hui, mais la progression continue du nombre d'étudiants français dans les lycées conduira mécaniquement à cette diminution, car on ne peut pousser les murs autant que nécessaire.

Le réseau d'enseignement français connaît une hausse continue de ses effectifs depuis plusieurs années et scolarise 281 494 élèves. Le triennum prévoit une subvention à l'AEFE maintenue à 420,8 millions d'euros. Elle s'élève dans le projet de loi à 422,5 millions, quasi-équivalente à celle de l'an passé. Mais l'AEFE doit en réalité faire face au coût croissant des pensions civiles, que le rapport prévu par la loi de finances pour 2011 et récemment déposé évalue à 151,1 millions en 2012 et 158,2 millions en 2013. Par ailleurs, il faut rappeler le passage sous plafond d'emploi, la baisse continue du nombre d'expatriés – neuf postes seront encore supprimés l'an prochain – et la baisse de 5 % des charges de fonctionnement. La stabilité des crédits est donc trompeuse.

Le conseil d'administration de l'Agence a donc voté en 2008 la création d'une contribution de 6 % assise sur les droits de scolarité et un meilleur autofinancement est recherché. La participation des établissements progresse de 10,87 % entre 2010 et 2011, mais se répercute sur le budget des familles, particulièrement étrangères. Elle ne peut constituer une solution systématique. Le barème des bourses a aussi été durci.

L'AEFE a été mise à l'épreuve et a prouvé sa robustesse. Mais elle doit maintenant relever le défi du financement de ses opérations immobilières. Le besoin pour les seuls établissements en gestion directe est évalué entre 141 et 330 millions d'euros. Or la loi de programmation des finances publiques ne permet plus à l'AEFE de recourir à l'emprunt. Une solution provisoire et exceptionnelle a été trouvée cette année, mais seulement dans l'attente d'une solution pérenne à compter de 2013. Parmi les pistes à l'étude, figure celle d'un fonds d'investissement qui s'alimenterait des flux de remboursement. Elle me paraît excellente mais nécessiterait au moins 50 millions d'euros de dotation budgétaire au départ pour être viable. Dans le contexte actuel, il semble illusoire de disposer de crédits nouveaux à cette hauteur, même en les étalant sur plusieurs années.

Or il existe des crédits qui pourraient être utilement réaffectés à cette fin : ceux de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français à l'étranger. Il n'est désormais plus possible de financer, en l'état actuel de nos finances publiques, cette mesure pourtant généreuse dans son principe. Certes, des mesures ont été prises pour encadrer la dérive du coût : la cristallisation étendue et le plafonnement sur la base du rapport de notre Collègue Geneviève Colot et de Mme Joissains. Grâce à elles, la progression du coût de la prise en charge est contenue, si l'on fait abstraction de la hausse du coût des bourses qui résulte en partie de la prise en charge et désormais de son plafonnement. Mais force est de constater que la PEC coûtera 33,5 millions d'euros en 2013 et que les aides à la scolarité ne respectent pas les plafonds fixés par le triennum. Pour 2012, le ministère se voit dans l'obligation d'absorber un besoin de financement de 13,5 millions d'euros, au moyen du redéploiement de « bonus ». En 2013 le besoin de financement atteindra 23,5 millions d'euros ! Et l'efficacité-coût de la mesure n'a toujours pas été démontrée.

Nous savons que l'essentiel du coût de la prise en charge dépend des établissements du rythme nord, dont la rentrée scolaire se fait au mois de septembre. Pour peser sur le coût en 2013, il faut donc prendre des mesures dès à présent. Toutes ces raisons, combinées à l'impératif de rigueur budgétaire qui nous oblige à faire des choix, me conduisent à vous proposer la suppression de la PEC à compter de la rentrée de septembre 2012.

Plus des deux tiers des sommes seraient redéployés en faveur des investissements immobiliers de l'AEFE pour la constitution d'un fonds d'investissement. Toutefois, 10 millions d'euros en année pleine seraient réalloués à la politique de bourse, afin de répondre aux besoins de nos compatriotes qui éprouvent des difficultés pour acquitter le coût de la scolarité de leurs enfants. Cela permettrait d'assouplir les conditions d'octroi des bourses, qui ont du au contraire être durcies et porterait de 106 à 116 millions d'euros les crédits pour les bourses en 2013, exacte limite du plafond du triennum. Le plafond global demeurera dépassé, mais pour financer des opérations qui devront de toutes façon être budgétées.

Pour 2012, sur les 31,9 millions d'euros que coûte la PEC, ce seraient 12,45 millions qui seraient réaffectés à compter de septembre : 3,9 millions pour les bourses et 8,55 millions pour le programme immobilier. Si l'augmentation de la dotation pour les bourses serait pérenne, en 2015, le fonds d'investissements serait doté d'une cinquantaine de millions d'euros et l'abondement supprimé.

Par conséquent, c'est sous réserve du vote de mon amendement que j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 pour 2012. Je suis naturellement ouvert à examiner d'autres utilisations des marges budgétaires libérées par la suppression de la PEC, par exemple pour éviter des mesures d'économies. En fait, bien d'autres usages peuvent être envisagés, tous plus utiles que la gratuité de la scolarité à l'étranger. Je vous remercie de votre attention.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion