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Intervention de Geneviève Colot

Réunion du 2 novembre 2011 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Colot, rapporteure pour avis sur les crédits des programmes « Action de la France en Europe et dans le monde :

Il y a deux semaines, le ministre des affaires étrangères et européennes nous a présenté le projet de budget 2012 pour la mission « Action extérieure de l'Etat ». Comme le Président Poniatowski l'a alors indiqué, le ministre est parvenu à un tour de force : respecter le niveau des économies prévu dans le budget triennal 2011-2013 tout en couvrant des dépenses sous-estimées dans le triennum et en renforçant certaines actions prioritaires. Ce résultat a été rendu possible par des circonstances favorables, mais aussi par la volonté du ministre et sa force de conviction. Au final, le projet de budget est particulièrement bon pour la mission « Action extérieure de l'Etat » – du moins pour les programmes dont j'ai la charge – dans un contexte difficile où le principe directeur est le gel en volume des dépenses de l'Etat.

L'élément central du projet de budget est donc l'enveloppe des contributions obligatoires aux organisations internationales, qui devrait passer, en intégrant les contributions aux organisations européennes, de 882 millions d'euros prévus en 2011 à moins de 841 millions d'euros en 2012, soit environ 40 millions d'euros de moins.

Il faut d'abord rappeler que la dotation de 2011 était en hausse de plus de 100 millions d'euros par rapport à 2010, principalement à cause d'un changement important dans l'hypothèse de change entre l'euro et le dollar : celle-ci était passée de 1,56 dollar pour 1 euro à 1,35 dollar pour 1 euro, hypothèse nettement plus réaliste. Le taux moyen en 2011 a été de 1,37 dollar pour 1 euro, ce qui a permis au ministère de régler sans difficultés les appels de fonds. Pour 2012, l'hypothèse de change retenue est de 1,40 dollar pour 1 euro. Ce seul changement induit une moindre prévision de dépenses d'environ 15 millions d'euros sur l'ensemble des contributions réglées en dollars (soit 75 % de l'ensemble).

Le reste de la diminution de l'enveloppe résulte de la baisse attendue du montant global des contributions obligatoires : en fait, les opérations de maintien de la paix devraient diminuer en volume, tandis que les contributions aux organisations internationales devraient augmenter, mais moins fortement.

Les économies attendues sur les opérations de maintien de la paix concernent la Mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT) qui s'est achevée le 1er janvier 2011, ce qui entraîne une économie de l'ordre de 40 millions d'euros, la Mission des Nations unies et de l'Union africaine au Darfour (MINUAD) (– 6 millions d'euros) arrivée à maturité, et la MINUSTAH (– 3 millions d'euros) dont les difficultés de déploiement amoindrissent provisoirement les besoins.

En revanche, par rapport aux prévisions établies pour 2011, le coût de certaines opérations devrait augmenter : c'est le cas de la Mission de l'Union africaine en Somalie (AMISOM), à hauteur de 6 millions d'euros, suite à la prise de contrôle croissante du pays par les forces de maintien de la paix, et de la Mission des Nations unies au Soudan (MINUS) dont le mandat sera élargi et porté par deux nouvelles opérations de maintien de la paix, qui pourraient coûter 20 millions d'euros supplémentaires.

Pour ce qui est des contributions aux organisations internationales au sens strict, une hausse de 27 millions d'euros des dépenses est prévue entre 2011 et 2012. Le ministère la justifie par l'augmentation de l'activité de la justice internationale, une contribution exceptionnelle du siège de la Cour pénale internationale et une sous-budgétisation dans le triennum.

Le ministère dispose finalement d'une marge de manoeuvre de l'ordre de 40 millions d'euros, dont il a obtenu de garder l'usage et qui est redéployée au sein de ses crédits.

Le premier bénéficiaire en est sa masse salariale, qui augmentera de 16 millions d'euros sur l'ensemble de la mission et de 7,8 millions d'euros pour le programme Action de la France en Europe et dans le monde, à laquelle est rattachée plus de la moitié des effectifs du ministère. Cette évolution est principalement le résultat de la compensation de l'effet change-prix.

Les effectifs du ministère seront en baisse en 2012, mais dans des proportions moindres que ce qui était initialement prévu. En effet, le ministre a obtenu qu'il soit tenu compte de l'avance prise dans la réalisation du schéma d'emplois, si bien que ce ne sont pas 226 postes qui seront supprimés en 2012, mais seulement 140. Au total, l'objectif de 1 150 suppressions de postes entre 2009 et 2013 sera strictement rempli.

Certains crédits de fonctionnement seront réajustés à la hausse. Cela ne signifie pas que le ministère s'affranchit de l'instruction du Premier ministre visant une réduction de 10 % des dépenses de fonctionnement sur trois ans, mais qu'il la met en oeuvre avec réalisme. En effet, des efforts importants seront consentis sur les dépenses maîtrisables (comme celles de communication ou d'informatique). Mais d'autres dotations seront stabilisées, telles celles destinées au service du Protocole ou au Centre de crise, car une diminution n'est pas envisageable, et certaines seront même en progression pour suivre la hausse des prix des billets d'avion et des loyers à l'étranger, en particulier.

Les progressions les plus fortes concernent la sécurité des postes à l'étranger, à hauteur de 3 millions d'euros, et l'immobilier. Le ministère doit notamment assurer rapidement la mise aux normes de nombreux bâtiments, et le projet de budget prévoyait de lui accorder 5 millions d'euros de crédits budgétaires pour lancer les opérations les plus urgentes. Cet effort devrait finalement être réduit de moitié au titre du milliard d'euros d'économies demandé par le Premier ministre. Heureusement, la reprise du marché de l'immobilier a permis au ministère de réaliser d'importantes cessions immobilières en 2011, dont il pourra utiliser le produit en 2012 – produit intégralement reversé au ministère pour les cessions à l'étranger, à 65 % seulement pour les cessions en France.

Une partie de la marge de manoeuvre dégagée par le ministère viendra abonder la dotation destinée aux aides à la scolarité, de manière à la porter à 125,5 millions d'euros, soit 6,5 millions d'euros de plus qu'en 2011. Je vous rappelle que cette somme ne couvre pas seulement la prise en charge des frais de scolarité des lycéens français, mais aussi les bourses sur critères sociaux destinées à nos compatriotes de l'étranger. Or ce sont surtout ces dernières qui augmentent. Ainsi, pour 2011, la première coûtera environ 34 millions d'euros (soit environ 1,5 million d'euros de plus qu'en 2010), les secondes 84 millions d'euros.

Je tiens à revenir ici sur quelques idées fausses sur le dispositif de prise en charge. Il est d'abord accusé d'avoir conduit à un désengagement des entreprises, qui auraient cessé d'intégrer les frais de scolarité dans les rémunérations des expatriés : le Cercle Magellan estime à 4 sur 200 le nombre de groupes multinationaux qui ont cessé de prendre en charge les frais de scolarité ; ce désengagement résultait de problèmes financiers des entreprises. On dit souvent que la prise en charge se traduit par un recul de la part des élèves étrangers dans les établissements français : ce n'est pas le cas ; cette part est stable, autour de 60 % de l'ensemble des élèves. Il n'est pas exact non plus d'affirmer que le financement du dispositif se fait au détriment de celui des bourses, alors que l'enveloppe qui leur est destinée est passée de 50 millions d'euros à près de 100 millions d'euros entre 2007 et 2012. Enfin, la prise en charge d'un élève français à l'étranger coûterait plus cher que celle d'un élève en France : là encore, c'est une idée fausse puisqu'un lycéen de France coûte environ 7 000 euros par an quand le montant moyen de la prise en charge s'est établi entre 4 000 et 4 500 euro en 2010.

Pour ce qui est des bénéficiaires de la prise en charge, il faut savoir qu'environ 10 % des bénéficiaires potentiels, les plus aisés, ne demandent pas la prise en charge, qu'ils estiment ne pas en avoir besoin ou qu'ils préfèrent rester discrets sur leurs revenus, notamment pour des raisons de sécurité. 20 % des expatriés reçoivent une prise en charge des frais de scolarité par l'entreprise qui les emploie et 20 % sont des fonctionnaires, dont les majorations familiales prennent en compte les frais de scolarité. Les bénéficiaires de la prise en charge sont ainsi surtout des travailleurs indépendants ou des salariés de PME, qui ne sont pas éligibles aux bourses sur critères sociaux. Ce dispositif est donc une mesure d'équité entre les salariés des grandes entreprises et les fonctionnaires d'une part, les autres Français de l'étranger d'autre part.

Une dernière dotation sera en forte hausse en 2012 : il s'agit de celle destinée à l'organisation des élections du printemps prochain : présidentielle et, pour la première fois, celles des députés des Français de l'étranger. Cette organisation constitue un véritable défi pour le ministère. Pour le relever, il disposera de 10,29 millions d'euros, en 2012, dont 8 millions d'euros transférés depuis le ministère de l'intérieur, le reste étant financé directement par le programme Français à l'étranger et affaires consulaires. Le coût de l'ensemble de l'organisation a été évalué à 17,55 millions d'euros sur 2011 et 2012.

Si l'une des opérations les plus longues et difficiles est la mise à jour des listes électorales, qui devra être achevée avant fin décembre, la plus novatrice est l'organisation du vote électronique, pour laquelle 4,25 millions d'euros environ seront investis. Cette modalité de vote sera ouverte pour les législatives uniquement. Elle devrait permettre à un grand nombre de Français de l'étranger de prendre part à la désignation de leurs députés. Pour l'élection présidentielle, les Français de l'étranger auront le choix entre vote à l'urne et par procuration ; pour les législatives, s'ajouteront donc deux autres modalités de vote : le vote par courrier, interdit en France, et le vote électronique.

Il est donc essentiel que ce dernier fonctionne, et soit à la fois simple d'utilisation et parfaitement sûr, pour éviter les contentieux post-électoraux. Un test sera réalisé à travers le monde en décembre ou janvier prochain, assez tôt pour qu'un second puisse être effectué si nécessaire. Il faut aussi que les électeurs soient informés de son existence et de ses modalités d'utilisation, ce à quoi concourront les campagnes d'information que le ministère va lancer.

Par ailleurs, je tiens à souligner le respect des engagements pris dans le cadre du triennum en faveur de la coopération militaire et de défense et de l'action sociale : les crédits d'intervention sont stabilisés sur ces deux lignes, même si le nombre de coopérants est en réduction.

Enfin, il semble que le Gouvernement soit sur le point de gagner le pari pris il y a un an d'organiser la présidence française du G20 et du G8 en respectant l'enveloppe de 80 millions d'euros prévue à cette fin.

Selon les informations qui m'ont été fournies par le secrétaire général de la présidence française, les dépenses ne devraient guère dépasser cette somme, malgré le coût plus élevé que prévu du sommet de Deauville (31 millions d'euros, contre 20 millions d'euros prévus), lié à l'invitation de délégations des pays arabes dans le contexte des « printemps arabes » et à la nécessité de construire un centre de presse sous tentes pour accueillir les 2 400 journalistes accrédités. L'organisation du sommet de Cannes devrait aussi dépasser les prévisions, mais dans de moindres proportions (28 millions d'euros, contre 25 millions d'euros prévus).

En revanche, plusieurs des autres lignes budgétaires ont été sous-consommées : c'est le cas de celles des activités préparatoires aux sommets (5 millions d'euros consommés, pour 10 millions d'euros prévus), des réunions organisées par le ministère des affaires étrangères (3,5 millions d'euros pour une prévision deux fois supérieure) et des dépenses interministérielles, notamment de communication (seul le quart des 6 millions d'euros ouverts devrait être dépensé). Ces économies constatées compensent presque intégralement les surcoûts des sommets. En outre, comme il est d'usage, la Banque de France sera appelée à contribuer à hauteur d'environ la moitié des dépenses relatives au volet « finances » du G20, auquel son gouverneur participe : elle a déjà versé près de 2 millions d'euros à ce titre. Enfin, un certain nombre d'entreprises françaises a apporté une aide matérielle à la présidence française.

En conclusion, je dirais que le ministre des affaires étrangères et européennes a su tirer le meilleur parti de la situation dans l'intérêt de son administration, afin qu'elle puisse continuer à représenter dignement la France dans le monde et à rendre aux Français de l'étranger les services dont ils ont besoin.

Je suis donc favorable à l'adoption des crédits proposés pour les trois programmes dont je suis rapporteure, et pour la mission dans son ensemble.

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