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Intervention de Philippe Nauche

Réunion du 26 octobre 2011 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Nauche, rapporteur :

Je suis très heureux de vous présenter pour la troisième fois cet avis portant sur le projet de budget Soutien et logistique interarmées.

Plutôt que de le décrire ligne à ligne, je souhaite m'attacher à quelques points particulièrement sensibles.

Le premier point concerne la politique immobilière. Vous le savez, le ministère s'est lancé dans un projet d'envergure visant à regrouper ses sites franciliens à Balard. Ce projet avance et les emprises libérées pourront être vendues pour contribuer aux ressources exceptionnelles. Cependant, tout ne s'est pas déroulé comme le Gouvernement l'escomptait en 2009. Je rappelle qu'en 2009 et 2010, il a obtenu moins de 500 millions de recettes cumulées, contre près de 700 millions d'euros inscrits dans chaque loi de finances initiales. Il faut préciser que 500 millions incluaient une recette « facile », en l'occurence l'anticipation de 10 années de loyers versée par la société nationale immobilière.

En 2011, le montant de cessions doit atteindre entre 110 et 180 millions d'euros. Celui attendu en 2012 est de 163 millions d'euros. Si l'on doit se réjouir de l'abandon du projet de cession au secteur privé de l'hôtel de la Marine, il s'agira d'une recette en moins par rapport à la programmation, décidément imprudente sur cette question.

Les bonnes nouvelles liées à la vente des fréquences hertziennes ne viendront pas vraiment compenser ce manque à gagner. Cette affaire est préoccupante, car les ressources immobilières sont censées financer d'importants projets d'infrastructures pour les armées tels l'accueil de l'A400M ou des hélicoptères de nouvelles générations ; autant de chantiers pour lesquels de grandes masses d'autorisations d'engagement (AE) ont été votées et qu'il faudra financer. À deux ans de la fin de la loi de programmation, une « bosse » de CP risque d'apparaître dans le domaine des infrastructures.

Le projet de Balard suit son cours, malgré les difficultés décrites par nos collègues Bernard Cazeneuve, François Cornut-Gentille et Louis Giscard d'Estaing dans leurs différents travaux. Pour ma part, je suis inquiet quant à la capacité réelle du ministère à réaliser les économies escomptées. Elles semblent se fonder sur des hypothèses excessivement optimistes et sont évaluées à partir de comparaisons de périmètres difficiles à saisir. Je remarque que l'intérêt de regrouper les services centraux n'a pas fait l'objet d'un débat ou d'une évaluation sérieuse. Et il faut combattre l'illusion selon laquelle ce partenariat public-privé (PPP) fera gagner de l'argent à l'État. Les PPP de la gendarmerie devraient nous inciter à beaucoup de prudence, la direction générale de la gendarmerie nationale revenant lui-même sur ce système. Même liée à des prestations de services, une construction payée avec un crédit de près de 30 ans sera nécessairement chère.

Autre grand chantier : les systèmes d'information et de communication. La mise en place du logiciel Chorus s'est révélée difficile : j'estime le surcoût à 63 millions d'euros pour la période 2009-2010. Celui pour 2011 reste à évaluer. Comme nombre d'entre vous, je pense qu'il devrait faire l'objet d'une prise en charge interministérielle, au moins partielle ; le ministère ayant joué un rôle pionnier dans sa mise en oeuvre.

Le programme 212 comporte également les crédits d'accompagnement des restructurations. Je suis inquiet de la sous-consommation des crédits liés à la mise en place du nouveau plan de stationnement. En 2010, moins de la moitié des 268 millions d'euros de crédits de paiement (CP) ont été consommés, du fait notamment de retard de programmes. Une configuration similaire semble se dessiner pour 2011. L'accumulation de ce retard pourrait faire peser une lourde charge sur la fin de programmation. C'est un point que mes collèges Bernard Cazeneuve et François Cornut-Gentille suivent avec attention.

Le point suivant concerne le rapprochement interarmées. Plus resserrée, la carte des bases de défense (BdD) paraît aujourd'hui à peu près cohérente. Toutefois, nous ne disposons toujours pas d'évaluations précises des gains attendus et encore moins de ceux générés. Nous ne serons pas capables de mesurer les gains faute d'une situation de départ. Toutefois, et pour la première fois, une économie de plus de 10 000 ETPT a été identifiée par le ministère. Néanmoins, elle mêle différents éléments tels que la constitution des BdD ou la mise en place de structures interarmées. Malgré les dysfonctionnements observés sur le terrain, il existe certainement des gains, mais ils sont difficiles à évaluer précisément.

Élément positif, la mise en place des structures interarmées que sont le service interarmées des munitions et le service du commissariat aux armées semble bien se dérouler. C'est un des aspects de la réforme du ministère. Les externalisations en sont un autre. Le travail de nos collègues de la mission d'évaluation et de contrôle nous a éclairés sur ce point. À mon sens, nous devons nous garder d'une approche dogmatique de cette question. Entre les fonctions opérationnelles et celles qui ne le sont clairement pas, il existe une zone grise, dans laquelle nous devons évoluer avec prudence, qu'il s'agisse du choix des activités concernées ou des modalités de mise en oeuvre. Dans bien des cas, il me semble préférable d'éviter le « tout ou rien », au profit par exemple de régies optimisées, dont le fonctionnement s'inspire du secteur privé, ou encore d'approches partenariales souples. Le ministère me semble aborder cette question au cas par cas, ce qui est positif. Mais je rappelle qu'un objectif de déflation de 16 000 postes a été identifié en LPM au titre des externalisations. Il ne faudrait pas qu'il détermine a priori l'intérêt des opérations.

Deux mots sur le SSA pour souligner la mise en place d'un plan d'économie sur le coût de fonctionnement des hôpitaux d'instruction des armées. Il fait suite aux préconisations de la Cour des comptes. Je salue l'initiative du Président d'inviter le directeur du service à s'exprimer devant nous la semaine prochaine : il pourra nous en donner les détails. L'essentiel est bien de tenir les comptes tout en préservant la spécificité de la médecine militaire.

Le service des essences des armées, le SEA, poursuit également sa modernisation, qui prévoit le resserrement de son dispositif territorial et de ses effectifs. À la suite des préconisations du Livre blanc, il a entrepris la « militarisation » de ses effectifs afin de gagner en capacités de projection. Dans ce contexte d'efforts, le SEA remplit consciencieusement l'ensemble de ses missions, le plus souvent dans l'ombre, et je crois qu'il faut lui rendre hommage.

Quelques mots sur les opérations extérieures, pour indiquer que la provision inscrite en 2011 de 630 millions d'euros ne devrait couvrir que la moitié du surcoût. Celui-ci est estimé au total à près d'1,2 milliard d'euros. Une enveloppe comparable est inscrite pour 2012. A priori, les crédits nécessaires seront moindres, compte tenu de la fin des opérations en Libye et de la réduction de notre engagement en Afghanistan. Je m'associe à la proposition de notre collègue Jean-Claude Viollet d'ajuster les conditions de remboursement des OPEX de façon glissante.

Je souhaite conclure sur les missions intérieures, qui ne font pas l'objet d'une prise en charge interministérielle, elles ne font pas pour leur très grande majorité l'objet d'une prise en charge interministérielle. Il s'agit de missions essentielles, qui assurent la sécurité du territoire national. Certaines s'inscrivent dans la durée : Vigipirate, lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane, recherche et sauvegarde maritime. D'autres sont ponctuelles avec, par exemple en 2010, l'assistance aux populations à la suite de cyclones outre-mer, la recherche des débris du vol AF 447 ou encore la sécurisation de sommets internationaux. Elles mobilisent d'importants moyens humains et matériels. Malgré nos nombreux déploiements à l'étranger, les forces armées ont toujours été au rendez-vous. Je tiens à leur rendre hommage pour ces belles actions.

En conclusion, compte tenu de toutes les interrogations qui marquent cette année encore le projet de budget, je m'en remets à la sagesse de la Commission pour l'adoption des crédits « Soutien et logistique interarmées » du programme 212 « Soutien de la politique de défense » ainsi que des éléments de logistique et de soutien interarmées du programme 178 « Préparation et emploi des forces » pour l'année 2012.

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