Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean Roatta

Réunion du 26 octobre 2011 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Roatta, rapporteur pour avis :

Madame la présidente, mes chers collègues, avant d'aborder le thème de mon avis budgétaire, consacré cette année aux Saisons culturelles, je vous présenterai brièvement les crédits du programme 185 en vous invitant à demander , si vous le souhaitez, des précisions au ministre en séance publique.

Intitulé « Diplomatie culturelle et d'influence », le programme 185 constitue l'un des quatre programmes de la mission « Action extérieure de l'État ». Il regroupe, outre le service d'enseignement public à l'étranger, l'ensemble des actions de coopération – culturelle, linguistique, universitaire – qui portent l'influence de notre pays, sans distinction entre pays développés et pays relevant de l'aide publique au développement.

Les moyens du programme demeurent stables, malgré la contrainte budgétaire : 674,6 millions d'euros, hors crédits de personnels, en légère hausse par rapport à 2011 ; un plafond d'emplois fixé à 1 048 équivalents temps plein travaillé, en baisse de 134 équivalents temps plein travaillé. Un accent particulier est porté sur la politique des bourses qui bénéficie de près de 71 millions d'euros de crédits, dont une rallonge exceptionnelle de 3,3 millions d'euros. Rappelons qu'en 2010 et 2011, le ministère des affaires étrangères avait maintenu à 15 380 le nombre de bourses attribuées – à la fois d'études et de stage–, en reconduisant les crédits alloués à leur financement. Par ailleurs, le ministère encourage le cofinancement des programmes de bourses avec différents partenaires – gouvernements, entreprises et collectivités territoriales.

Actuellement géré par l'association EGIDE et le Centre national des Œuvres universitaires et scolaires (CNOUS), le dispositif des bourses sera administré par l'agence CampusFrance, créée sous forme d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) par la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État et dont la mise en place devrait être effective au 1er septembre 2012.

Par ailleurs, la modernisation du réseau culturel et de coopération engagée depuis 2009 devrait être achevée à la fin de l'année 2012. Elle comprend notamment la fusion, dans 94 pays, des services de coopération et d'action culturelle et des instituts culturels au sein d'un établissement à autonomie financière (EAF) unique ; 24 pays ont été concernés en 2009 et 2010, 62 le seront en 2011. Mais le grand chantier prévu pour l'année à venir est le rattachement direct à l'Institut français, à titre expérimental, à partir du 1er janvier, de 12 établissements représentant la diversité du réseau. Aussi, sur les 20 millions d'euros de crédits culturels exceptionnels, accordés en 2009 et 2010 et maintenus sur la période 2011-2013, 6 millions d'euros sont consacrés à la restructuration du réseau culturel, 14 millions d'euros à l'accompagnement de l'Institut français, qui reçoit du programme 185 une subvention pour charge de service public de 49,76 millions d'euros et est, par ailleurs, doté de 196 emplois temps plein.

S'agissant du soutien au rayonnement de la langue française, la subvention versée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), en légère hausse, s'élève à 422,5 millions d'euros. L'AEFE est non seulement l'opérateur pivot du dispositif d'enseignement à programme français à l'étranger avec 238 établissements – conventionnés et en gestion directe – scolarisant au total 177 341 élèves, mais elle est aussi une entreprise dynamique qui accroît ses ressources propres grâce à la progression continue de ses effectifs – 2 745 élèves supplémentaires en 2010-2011. Ainsi, elle disposait en 2011 de plus de 455,45 millions d'euros de fonds propres et avait reconstitué son fonds de roulement à 62 jours.

L'AEFE continue néanmoins de supporter des charges très lourdes – rénovation de son parc immobilier afin qu'il réponde à la forte demande de scolarisation, contribution aux pensions civiles des personnels et aide à la scolarité.

S'agissant des deux premières charges, l'agence compte essentiellement sur un accroissement de ses fonds propres en provenance de deux sources :

– La contribution de 6 % assise sur les frais de scolarité des établissements en gestion directe et conventionnés que l'agence a mise en place à la rentrée 2009-2010 et qui a permis de dégager une recette de 30 millions d'euros en 2010. En raison de l'augmentation du nombre d'enfants scolarisés dans les établissements en gestion directe et conventionnés, cette contribution permettra de dégager des recettes supplémentaires sur la période 2011-2013, de l'ordre de 3 à 4 millions d'euros.

– Une forte progression des recettes de participation des établissements en gestion directe et conventionnés à la rémunération des personnels résidents, évaluée à environ 20 millions d'euros sur la période 2011-2013.

Ainsi, sur ce triennum, l'agence prévoit une augmentation de près de 25 millions d'euros de ces deux sources de financement.

En ce qui concerne la prise en charge (PEC) des frais de scolarité, l'extension de la PEC au-delà du lycée a été différée et les frais de scolarité pris en charge ont été plafonnés à partir de la rentrée 2011-2012 au niveau des tarifs en vigueur en 2007-2008, conformément aux deux recommandations présentées dans le rapport déposé en novembre 2010 par Mme Geneviève Colot, députée, et Mme Sophie Joissains, sénatrice.

Le plafonnement permet de réaliser une économie de l'ordre de 3,5 millions d'euros en 2011 – sur les quatre derniers mois de l'année, étant donné qu'elle entre en application au mois de septembre 2011– et de 11 millions d'euros en 2012 – en année pleine. Ainsi, la dépense d'aide à la scolarité – bourses scolaires incluses – devrait s'inscrire dans la limite des enveloppes budgétaires allouées pour 2011 et 2012 qui s'élèvent respectivement à 117,8 millions d'euros et 125,5 millions d'euros.

J'en viens à présent à la partie thématique de mon avis budgétaire, consacrée aux Saisons culturelles.

Créées au milieu des années 1980 dans le cadre de la politique de soutien à la diversité culturelle, les « Saisons » sont des manifestations de durée variable – de quelques mois à une année – qui, sous leur double format – Saisons culturelles en France et Saisons françaises à l'étranger – constituent un moyen privilégié d'accueillir sur le sol français toute la richesse des cultures étrangères et de faire rayonner notre culture au-delà des frontières.

Mais au-delà de leur dimension culturelle, les Saisons représentent un mode de rapprochement étatique au service de la coopération et des échanges.

Décidées au plus haut niveau, en fonction des évolutions de la société internationale, de l'importance historique ou stratégique pour la France des pays qu'elles concernent, ces manifestations purement « artistiques » à l'origine, sont devenues pluridisciplinaires, s'étendant à des secteurs intéressant les entreprises – formation, recherche, investissement…

De fait, l'établissement de liens durables par le biais de projets à vocation structurante dans tous les domaines constitue l'un des objectifs premiers des Saisons. Ainsi les Années France-Chine (2003-2005) ont-elles permis d'inaugurer de nouveaux instruments de coopération pérennes : le Centre culturel chinois à Paris et le Centre culturel français à Pékin, l'Institut Pasteur à Shanghai, l'École centrale de Pékin ; l'Année de la France au Brésil, en 2009, avait quant à elle pour but d'accompagner le lancement du partenariat stratégique franco-brésilien et comprenait plusieurs projets en lien direct avec les objectifs du partenariat – défense, biodiversité, enseignement professionnel.

De plus, par une programmation riche et diversifiée, les Saisons ont vocation à irriguer l'ensemble du territoire et à offrir une visibilité nationale voire une ouverture internationale à des institutions culturelles régionales et à des collectivités territoriales, l'implication de ces dernières conduisant à la mise en place ou au développement de coopérations décentralisées. Cela a été le cas, par exemple, lors de l'Année de la France au Brésil, en 2009, entre Rhône-Alpes et Panama, Nord-Pas-de-Calais et Minas Gerais, Île-de-France et Sao Paulo, Paris et Rio de Janeiro.

Dispositif original d'ingénierie culturelle, les Saisons sont « bâties » en étroite collaboration avec le pays étranger. Chaque pays nomme un commissaire général responsable de la programmation et de la recherche de partenaires. Ensemble, les deux commissaires généraux veillent à la cohérence de la programmation avec des objectifs politiques préalablement définis, la priorité étant donnée aux projets de coproduction ou aux grands projets associant des institutions ou des organismes des deux pays.

Les décisions des commissaires concernant la programmation sont validées, pour les grandes Saisons, par un comité mixte d'organisation qui se réunit alternativement dans chaque pays, accorde la labellisation aux projets retenus, valide le plan de communication et garantit les principes de financement.

Le budget de la Saison est établi en commun. La participation financière de chaque pays dépend de son statut de pays invité ou invitant et est assurée par des financements publics et privés. Un fonds commun, abondé à parité et soumis à certaines règles, est éventuellement mis en place.

En France, le cadre des Saisons repose sur un dispositif souple dont le centre névralgique est constitué d'un commissariat général, structure ad hoc comprenant un commissaire général choisi par le ministère des affaires étrangères et celui de la culture, assisté parfois d'un commissaire général adjoint, et un coordinateur général. Un président peut également être nommé pour la durée de la Saison.

Le commissariat général travaille en liaison étroite avec le Bureau des Saisons, créé en 2002, et qui dispose depuis la mise en place de l'Institut français, d'une équipe dédiée de cinq agents chargés d'assurer de Saison en Saison le suivi d'un secteur.

La préparation d'une Saison implique également la mobilisation des services de l'État : non seulement les administrations, qui sont incitées à apporter des moyens matériels et humains, mais aussi les postes diplomatiques et le réseau culturel, fortement sollicités, en particulier lors des Saisons françaises à l'étranger. La participation des collectivités locales aux Saisons est inégale, mais leur contribution financière globale s'accroît, la tendance étant de les associer davantage au processus en les incitant à proposer des manifestations locales et à accompagner la présentation de projets nationaux. Il en va de même pour les établissements publics culturels, qui consacrent une part de plus en plus importante des subventions qu'ils perçoivent à des coopérations internationales ou des coproductions.

Le coût des Saisons pour la France est très variable en fonction des manifestations, mais il est toujours plus élevé lors d'une Saison française à l'étranger. Le financement provient de différentes sources, publiques et privées.

Le financement public est assuré à parité par le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère de la culture et de la communication dans le cadre d'une Saison étrangère et uniquement par le ministère des affaires étrangères et européennes dans le cadre d'une Saison française à l'étranger. Des contributions plus ou moins importantes sont éventuellement versées par les ministères impliqués dans la Saison (enseignement supérieur et recherche, éducation nationale, sports, tourisme …).

La part du mécénat varie en fonction de la conjoncture économique, mais elle peut être très élevée - ainsi, pour l'Année de la France en Chine, elle a atteint plus de 60 % du coût total. Les grands groupes français, généralement constitués pour l'occasion en comité des mécènes, apportent régulièrement leur soutien aux Saisons.

Témoignant de la créativité française en matière d'échanges culturels au sens large, les Saisons sont plébiscitées à l'étranger comme le montrent les quarante-trois rendez-vous organisés depuis un quart de siècle. D'ailleurs, le concept jusqu'à présent unique, fait école, notamment en Allemagne, en Italie, en Russie.

Pourtant, la multiplication des Saisons, le nombre croissant de projets présentés et une gestion financière de plus en plus lourde ont parfois nui à leur image. Aussi, pour être plus efficace, le dispositif devrait-il suivre quelques règles simples :

– concerner des pays relativement importants, dotés d'un budget suffisant et disposant d'un potentiel de coopération très fort. C'est par exemple le cas du Kazakhstan, État en énorme croissance, avec lequel est envisagée une Saison dont on perçoit bien l'intérêt réciproque ;

– avoir un format adapté : les « micro-Saisons », organisées sur une durée d'un à trois mois – sont peu productives, parce qu'elles ne mobilisent pas les médias et ne réussissent pas à capter l'attention du public, surtout lorsqu'elles se multiplient ;

– prévoir une programmation en amont, pour limiter les coûts, c'est-à-dire prévenir les opérateurs culturels suffisamment à l'avance pour qu'ils intègrent dans leur programmation normale, donc sans surcoût, des manifestations en provenance du pays invité ;

– maintenir un rythme raisonnable, afin d'éviter un « embouteillage » des Saisons les rendant illisibles. L'Institut français préconise à cet égard de concentrer les moyens sur une Année par an au maximum et deux Saisons de quatre à six mois (au printemps et à l'automne) ;

– organiser les Saisons dans une optique de réciprocité : la planification à un an d'intervalle d'Années croisées avec un pays étranger permet en effet de simplifier les règles d'organisation, de réutiliser les contacts et de mutualiser les équipes ;

– il est nécessaire, enfin, qu'un volontarisme net s'exprime, notamment en matière financière. Le financement des Saisons ne peut pas reposer uniquement sur les opérateurs culturels ou sur le mécénat mais doit avoir une base publique qui serve de levier et montre qu'il s'agit bien d'une opération politique au sens noble du terme.

Mes chers collègues, encore quelques mots. Ce rapport est le dernier que je présente. En effet, je ne me représenterai pas aux prochaines élections, ma circonscription disparaissant. Nos débats peuvent être passionnés, mais, dans cette Commission, ils sont toujours emprunts de respect. J'ai eu beaucoup de plaisir, comme vous tous, à exercer mon mandat de député et défendre, dans cette belle maison, les intérêts et les valeurs de notre pays. Vous me permettrez donc, simplement, de vous saluer, car vous me manquerez.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion