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Intervention de Maurice Vincent

Réunion du 21 septembre 2011 à 16h00
Commission d'enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux

Maurice Vincent, maire de Saint-étienne :

Selon moi, avant 2008, il était inimaginable pour n'importe quel élu que des produits spéculatifs de cette nature soient proposés et souscrits par les collectivités. En tout cas, il ne m'était jamais venu à l'esprit qu'on pouvait spéculer ou accepter des produits qui, de fait, revenaient à spéculer avec l'argent du contribuable.

À Saint-Étienne, l'opposition connaissait l'existence d'une dette importante. Elle surveillait donc son montant global. Comme l'a confirmé le rapport de la chambre régionale des comptes de 2010, elle a augmenté sur le dernier mandat de 14 millions. L'opposition surveillait également le taux d'intérêt. Mais celui-ci était bas puisque c'étaient les emprunts toxiques qui le faisaient baisser, ce que nous ne savions pas.

La souscription des emprunts toxiques faisait l'objet, non de délibérations du conseil municipal, mais de décisions du maire qui figuraient dans une liasse, bien connue des maires, sur une demi-page, très succincte. Il était donc très difficile de voir ces décisions.

Ainsi, jusqu'en 2007, nous constations, en tant qu'opposants, que la dette augmentait un peu et que le taux d'intérêt était plutôt bas.

Le hasard a fait qu'un élu du Syndicat intercommunal pour la destruction des résidus urbains (SIDRU) de Saint-Germain-en-Laye nous a alertés sur des prêts très avantageux souscrits par sa ville et celle de Saint-Étienne.

Cela m'a amené, lors de la séance du 18 décembre 2007 du conseil municipal, à poser les questions suivantes : « Avez-vous, comme cela semble être le cas à Saint-Germain-en-Laye, échangé des risques de taux très élevés après 2008 pour bénéficier de taux très favorables jusqu'aux élections ? Avez-vous, dans votre négociation de la dette, pris des risques sur l'évolution des taux futurs ? » « Avez-vous engagé la dette de la ville sur des produits financiers hautement spéculatifs, que ce soit sur les taux d'intérêt ou sur les taux de change pour les vingt ans qui viennent ? »

Les réponses qui m'ont été apportées à l'époque étaient rassurantes. Je pense franchement qu'il était difficile pour l'opposition d'aller au-delà dans son rôle de vigilance.

S'agissant du contrôle de légalité, je ne mets pas en cause spécialement les services de l'État. Je constate qu'ils ont exercé le contrôle de légalité sur telle ou telle délibération, mais pas sur ces décisions d'emprunts des maires, et ce dans toutes les villes de France. Peut-être ces décisions étaient-elles hors de leur champ de réflexion, ou peut-être le personnel des préfectures est-il insuffisant.

À mes yeux, la responsabilité principale revient aux organismes financiers qui connaissaient la complexité et la dangerosité de ces produits. Les proposer aux collectivités territoriales est une faute. C'est pourquoi j'ai saisi la justice sur plusieurs cas. J'ai parlé d'incompétence et d'irresponsabilité des élus, et je confirme ces critiques. En effet, même si les banques sont très agressives, les élus ne devraient jamais signer un contrat qu'ils ne comprennent pas.

J'ai découvert par la suite un autre élément qui m'a profondément choqué : la décision du maire de Saint-Étienne, par l'intermédiaire de son adjoint aux finances, prise le 18 mars 2008 après le deuxième tour de l'élection municipale, et actée définitivement le 20 mars 2008, de contracter avec la Deutsche Bank un prêt dont le taux serait aujourd'hui, si nous le payions, de 24 %. J'ai été élu maire par le conseil municipal le 21 mars. Je vous laisse apprécier les observations que j'ai faites sur la gestion de l'équipe précédente…

Selon le rapport de la chambre régionale des comptes de juillet 2011, le stock de prêts très toxiques est compris entre 7 et 12 milliards – sans compter les CHU, pour lesquels il faudrait sans doute rajouter plusieurs milliards. Ce matin, la presse donne un chiffre inférieur, mais elle ne cite que Dexia, alors que d'autres banques sont concernées. En outre, ce chiffre date de fin 2009. La valorisation du coût de la dette devrait donc, selon moi, être égale à celle du montant des emprunts – comme pour la ville de Saint-Étienne.

Pour notre ville, un emprunt est déjà sorti de la période des taux bonifiés depuis un an et demi : l'emprunt de la Deutsche Bank de 23 millions d'euros, dont le taux serait de 24 % aujourd'hui. Nous ne le remboursons pas car nous avons saisi la justice, et l'action est suspensive.

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