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Intervention de Frédéric Mitterrand

Réunion du 25 octobre 2011 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication :

Pour avoir eu des activités dans ce domaine, le photojournalisme m'est très cher. Je me rends chaque année au festival de Perpignan qui est une manifestation absolument remarquable. Comme vous le savez, j'ai réalisé dans une vie antérieure un film sur les photojournalistes. Je suis frappé aujourd'hui par la réduction terrible des possibilités de développement de leurs ressources économiques du fait de la diminution des commandes des magazines, de la multiplication d'autres sources d'illustrations, notamment les photos réalisées au moyen de téléphones portables, et de l'utilisation excessive de la mention « droits réservés » qui va à l'encontre de leurs intérêts. Je pense que le photojournalisme représente ce qu'est la haute couture par rapport au prêt-à-porter, c'est-à-dire qu'il s'agit de la création de prototypes essentiels dans le domaine de la photographie. Le photojournalisme est à la rencontre du rendu d'une situation objective et du regard d'un photographe : c'est Sebastião Salgado voyant les travailleurs de la mine au Brésil.

Nous avons construit un plan d'aide au photojournalisme avec la mise en place au sein du Centre national des arts plastiques (CNAP) d'un fonds destiné à contribuer au montage financier des opérations de photojournalisme, puisque les reportages se préparent, à l'instar des films, et il faut pouvoir effectuer cette préparation avant qu'un journal accepte ou achète les photos - dans la mesure où les journaux sont désormais moins souvent producteurs de reportages dès l'origine. Ce fonds fonctionnera à l'image de la commission d'avance sur recettes pour le cinéma. C'est une première réponse importante aux questions posées par la situation du photojournalisme.

Avec les librairies, Mme Imbert met le doigt sur une question qui va tarauder le domaine de la culture dans les années à venir. C'est un très grand motif d'inquiétudes. Assistant au congrès des libraires qui s'est tenu à Lyon, j'ai eu le sentiment que chacun prend conscience désormais de la gravité du problème, dans une sorte de moment de catalyse. Il convient de rappeler que la principale chaîne de librairies aux États-Unis, Barnes & Noble, a déposé son bilan et que dans, le même temps, l'extension rapide des tablettes de lecture, le développement des services fournis par Amazon ainsi que l'accroissement de la lecture sur internet sont source d'une rude concurrence pour les librairies.

Nous avons en France un label qui permet de distinguer et de signaler en quelque sorte les librairies qui sont des lieux d'échanges et de lien social un peu particuliers. De même, aux États-Unis, un certain nombre de librairies indépendantes supportent le choc en développant des services annexes : conseils de lecture, rencontres avec des écrivains, signatures… Il est certain, néanmoins, que le métier est amené à changer. Actuellement, la prise de conscience, par la profession, du danger et des contraintes de cette situation est forte. Le ministère de la culture est réellement à l'écoute afin de construire avec les libraires un plan qui permette de contrecarrer les premières attaques très virulentes auxquelles nous pouvons assister. Il convient néanmoins de constater, sans s'en réjouir pour autant, que pour l'instant le livre numérique sur tablette n'a pas en France l'expansion qu'on lui connaît ailleurs. Mais tôt ou tard, il exercera une très forte concurrence. Je suis personnellement en alerte sur ce sujet et je pense que nous pourrons prendre des mesures pour parer au danger qui se précise.

En ce qui concerne La Réunion, je dois dire à M. Lebreton qu'il ne peut pas affirmer que le CSA programme la mort des chaînes associatives réunionnaises. Sans doute la réponse que vous attendiez tarde-t-elle de manière trop importante, mais on ne peut suspecter le CSA ne serait-ce que d'indifférence vis-à-vis de La Réunion. Quant à moi-même, tant par l'attachement que j'éprouve pour La Réunion que pour le formidable vivier de diversité que ce département constitue dans notre pays avec son million d'habitants et la beauté de ses paysages, il est évident que je suis totalement attentif au maintien et à la protection des radios associatives. Je vous promets que je serai l'ambassadeur de La Réunion auprès du CSA à ce sujet.

En matière de livres, je voudrais compléter les observations de Mme Boulestin. S'agissant de la numérisation, nous avons réussi à mettre en place un financement par l'emprunt national pour les investissements d'avenir. C'est important : rappelez-vous il y a deux ans la polémique considérable à propos de la numérisation des fonds de la Bibliothèque nationale de France. Cette numérisation d'une partie importante des fonds va être rendue possible dans le cadre des investissements d'avenir, sans lesquels le financement aurait dû être obtenu par redéploiement d'autres actions. Il ne faut pas négliger non plus le plan en quatorze points pour la lecture qui donne des résultats appréciables. Je prends l'exemple d'un village dans les Ardennes où je suis allé récemment et dans lequel une bibliothèque itinérante vient deux jours par semaine en apportant une offre de prêt et de lecture qui n'existait pas auparavant. Le plan en faveur des bibliothèques fonctionne également. L'ensemble des actions est suivi constamment et la politique du livre est une chose essentielle pour moi et pour le ministère. Certes, la taxe affectée au CNL risque d'être plafonnée, mais ce sera à un niveau suffisamment élevée pour le CNL puisse continuer à bénéficier de l'enveloppe budgétaire sécurisée dont il a besoin. Il suffit d'entrer dans le détail des crédits pour constater que la politique du livre ne souffre pas d'une diminution des moyens dont elle dispose, tout au plus peut-il s'agir de redéploiements.

À Mme Buffet, j'indique qu'il y a bien sûr une décrue à l'issue de trois ans d'aides à la presse d'un montant sans précédent à la suite des États généraux de la presse écrite. Mais cette décrue n'est que de 7 %. Par ailleurs, si l'État a fourni un effort gigantesque, il faut également que la presse, de son côté, accomplisse un certain nombre de gestes d'une manière conséquente. Il y a le cas de France Soir pour lequel j'ai approuvé les aides, malgré mes doutes, car il s'agissait de tenir un engagement. Je ne sais pas comment ce journal a été géré, mais je me demande aujourd'hui à quoi tout cet argent a servi – outre à protéger les emplois. Mais à côté de cet exemple, des transformations fantastiques ont été opérées, par exemple à la rédaction de Sud Ouest dont la volonté de faire remonter un journal qui souffre est manifeste. On a donné là un signal positif à une grande partie des journalistes dont on soulignait tout à l'heure les inquiétudes en termes de déclassement social.

Compte tenu notamment du tsunami que représente l'avènement du numérique, tout n'a pas fonctionné mais une grande partie de l'énorme travail de remise en ordre a été effectuée. Les crédits pour 2012 permettent de maintenir un dispositif conséquent qui continue à accompagner la presse tout en évitant de mettre en place un système d'assistance permanent. Il fallait que les organes de presse prennent leur part de l'effort considérable que l'État a mis en oeuvre.

En ce qui concerne l'AEF, je ne néglige pas du tout ce que Mme Buffet a dit de la souffrance au travail ressentie par beaucoup de personnels de RFI qui ont vécu dans l'inquiétude en raison de la restructuration importante imposée à cet organisme. Je rappelle simplement que RFI était vraiment en situation d'obsolescence s'agissant de la répartition des langues et de la couverture des pays ; il y avait une rénovation de fond à opérer pour en assurer la pérennité. Effectivement, le déménagement est coûteux, mais lorsque l'ensemble RFI et France 24 sera réuni, il faut souhaiter qu'il en découle des mutualisations et une efficacité sources d'un certain nombre d'économies.

J'ai déjà évoqué les raisons de la lenteur avec laquelle le COM a été élaboré. Les choses sont compliquées et tout a dû être remis sur la table. À partir du mois de novembre, on pourra entrer dans le vif du sujet. Tout n'est certes pas parfait à l'AEF, mais je dis simplement que cela va mieux – sans compter que l'arrivée à l'AEF de mon ancien directeur de cabinet est pour moi un signe positif car il apportera à l'entreprise une compétence et une humanité très importantes. Tout cela fait que nous en aurons fini avec le feuilleton que nous avons connu auparavant.

Je suis d'accord avec M. Rogemont pour dire que la taxe sur les jeux en ligne n'a pas grand-chose à voir avec les monuments nationaux. Vous mettez par ailleurs le doigt sur une particularité de la création en France qui suscite un fort intérêt à l'étranger : je veux parler du fonctionnement du CNC qui, en quelque sorte, s'autofinance et s'autogère. Cela a assuré la pérennité du cinéma français quand tant de cinématographies étrangères s'effondraient. C'est une chose à laquelle il ne faut pas toucher. Ce dispositif a montré son efficacité et il faut continuer à le défendre. Je suis sur la même longueur d'onde que vous et les professionnels du cinéma pour considérer qu'il s'agit d'un élément fondamental de soutien à la création et de la vie artistique. Il ne faut pas commencer à y toucher, sous peine notamment d'amener par exemple les autorités européennes à s'intéresser au dispositif de manière négative et à nous poser des questions sur lesquelles nous ne serions pas embarrassés – puisque nous avons raison –, mais qui nous feraient perdre du temps et inquiéteraient de surcroît énormément la filière cinématographique.

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