Voici tout d'abord quelques éléments de réponse aux deux questions posées par M. Michel Herbillon.
En ce qui concerne la TVA sur la presse en ligne, vous le savez, le décalage entre le taux normal qui lui est actuellement appliqué et le taux réduit en vigueur pour la presse papier, qui est de 2,1 %, pose problème. L'application de ce taux réduit à la presse en ligne serait logique et légitime, mais cette problématique n'a pas vraiment évolué depuis l'an dernier. En effet, pour obtenir une telle modification, nous devrions obtenir un consensus à Bruxelles, ce qui, comme vous pouvez le deviner, est loin d'être évident. Même si nous faisons beaucoup d'efforts et continuerons à en faire, je ne suis pas certain que nous puissions obtenir ce résultat. Le contexte était difficile l'an dernier, il l'est encore plus aujourd'hui. Je tiens cependant à vous préciser que je ne pars pas battu, loin de là.
En ce qui concerne la dotation publique versée à France Télévisions, cette question doit être traitée sur deux niveaux : d'une part, l'affectation éventuelle au budget de l'État du surcroît de ressources que pourrait apporter la publicité et, d'autre part, le report sur l'exercice 2012 des fruits de l'excellente gestion de la direction actuelle de France Télévisions qui a permis de dégager 28 millions d'euros. Je ne suis pas en mesure de vous donner de réponse aujourd'hui car, demain, nous nous réunissons avec le rapporteur général du budget, M. Gilles Carrez et le président de France Télévisions, M. Rémy Pflimlin. Nous débattrons de ce sujet dans le contexte d'orthodoxie budgétaire qui prévaut aujourd'hui et qui incite à la sévérité.
En tant que ministre de la culture et de la communication, j'appuie totalement l'action de Rémy Pflimlin dans son grand travail de réorganisation et d'amélioration du service public, lequel s'est traduit par cet excédent de 28 millions d'euros. Par ailleurs, les ressources publicitaires sont évaluées, comme vous le savez, à un niveau élevé, soit 426 millions d'euros dans la tranche où la publicité est maintenue. Ce chiffre ne sera probablement pas dépassé.
Quant aux 28 millions d'euros que je souhaite voir réaffectés au budget 2012, ils sont destinés à soutenir fortement la production de fictions télévisées de qualité et innovantes. Le Gouvernement est en effet attaché à une politique de soutien à la création télévisuelle plus en phase avec l'évolution de la société et plus à même de concurrencer les séries américaines.
Certes, les fictions françaises souffrent d'un certain nombre de problèmes, notamment en matière d'écriture de scénarios par exemple, qui ont été identifiés par le rapport Chevalier. Mais, si ces aspects doivent être retravaillés, le renouveau des séries françaises passe aussi par une enveloppe supplémentaire dont le montant correspond précisément aux 28 millions d'euros que j'évoquais.
J'en viens maintenant au budget 2012 pour les médias, le livre et les industries culturelles, qui se veut à la fois réaliste et ambitieux.
Après l'effort budgétaire exceptionnel pour le passage au tout numérique réalisé en 2010 et 2011, les crédits sont stables, à 4,6 milliards d'euros, ce qui est une gageure dans le contexte actuel. Voilà pour le réalisme.
L'ambition, pour 2012, c'est d'accompagner plusieurs chantiers majeurs, comme la réforme des aides à la presse, les nouveaux COM de France Télévisions et d'ARTE France, ou encore la réforme de l'audiovisuel extérieur de la France (AEF).
Ce budget clôture une période de cinq années au cours desquelles les efforts faits par l'État pour accompagner et moderniser ces secteurs, qui traversent une phase de transition sans précédent, ont été particulièrement importants. Ainsi, entre 2007 et 2012, les crédits ont progressé d'un milliard d'euros, et l'effort cumulé de l'État s'est élevé à près de 4 milliards d'euros sur la période. Nous avons pu ainsi nous consacrer au lancement et à la poursuite de ces grands chantiers que représentent le passage à la télévision tout numérique, les États généraux de la presse, la réforme de l'AEF ou celle du modèle économique de France Télévisions.
En ce qui concerne la presse, nous accompagnerons étroitement les mutations du secteur, afin de préserver et de favoriser son pluralisme, dans le cadre d'une gouvernance rénovée. En 2012, 390 millions d'euros seront consacrés aux aides à la presse sur le budget de mon ministère.
Le plan exceptionnel mis en oeuvre pour la période 2009-2011 à l'issue des États généraux de la presse touche à sa fin : les crédits de soutien à la presse inscrits au projet de loi de finances pour 2012 amorcent donc une décrue. Je me suis engagé auprès des éditeurs de presse à rester vigilant sur les impacts de ces évolutions. Je me suis particulièrement mobilisé pour que ces crédits soient maintenus à un niveau acceptable pour tous ; je rappellerai par ailleurs qu'ils demeurent à un niveau historiquement élevé – nettement supérieur, de plus de 40 %, aux crédits alloués avant mon arrivée à cette politique publique.
La trentaine de mesures mises en oeuvre entre 2009 et 2011 ont permis à la presse française de préserver ses équilibres économiques, au moment où elle traverse la crise la plus grave qu'elle ait connue depuis l'après-guerre. Ces mesures favorisent par ailleurs l'adaptation de son modèle économique à la convergence numérique. Avec ces trois années de soutien exceptionnel, le secteur de la presse a ainsi bénéficié d'actions structurantes, visant à lui donner un regain de compétitivité industrielle, à permettre le rééquilibrage des coûts liés à la distribution, à redéfinir enfin un nouveau cadre juridique et économique pour le développement numérique.
Ces orientations, nous les avons confortées dans le budget 2012, après avoir fait un premier bilan des mesures prises à l'issue des États généraux. Elles s'appuient également sur une gouvernance des aides à la presse écrite rénovée et plus efficace pour les éditeurs, fidèle à ses principes fondamentaux : la défense du pluralisme, l'indépendance des entreprises de presse et des rédactions, la neutralité, la liberté du commerce et de l'industrie. Cette réforme se traduira par la création d'un espace de dialogue rénové entre la presse et l'État – la conférence nationale des éditeurs de presse –, et la définition d'un partenariat public-privé renouvelé autour du principe de contractualisation, afin d'optimiser les aides, en cernant mieux les objectifs des projets qu'elles viennent financer. Dans cet esprit, un fonds stratégique pour le développement de la presse va être créé, en concertation avec les éditeurs.
Les crédits de l'audiovisuel public progressent quant à eux de 1,4 % à périmètre constant – hors l'effort budgétaire exceptionnel réalisé en 2011 pour accompagner le passage à la télévision tout numérique.
En 2012, la France sera entièrement passée à la télévision tout numérique, avec l'extinction définitive de la diffusion en mode analogique le 30 novembre 2011. Ce défi, nous l'aurons relevé avec succès, grâce notamment aux moyens importants que l'État y aura consacrés, et à l'excellente gestion de France Télé Numérique. On peut évaluer à environ 160 millions d'euros le coût total de ce passage, ce qui représente de substantielles économies par rapport aux montants initialement prévus. Dans l'ensemble, aucune difficulté substantielle n'a été rencontrée et les opérations de passage à la télévision tout numérique ont donné de nombreux motifs de satisfaction. C'est une véritable révolution, comparable au passage du noir et blanc à la couleur, qui s'est passée en douceur. Elle est synonyme d'un enrichissement considérable de l'offre télévisuelle pour tous les Français, qui reçoivent désormais 19 chaînes gratuites par leur antenne râteau, avec une meilleure qualité de son et d'image, et peuvent accéder à des services innovants et interactifs, comme la télévision de rattrapage ou la vidéo à la demande.
À la suite des décisions prises par le Gouvernement il y a deux semaines et que je préconisais, de nouvelles chaînes seront lancées dans les prochains mois, que les Français pourront recevoir avec l'équipement dont ils disposent déjà. Ces décisions permettent de tracer une route claire pour l'avenir de la télévision numérique terrestre (TNT), tout en conservant la ligne qui nous anime : celle d'une télévision gratuite, pour tous les Français. Ces valeurs ont fait le succès du passage à la TNT, dont nous pouvons tous être fiers.
Le total des crédits alloués aux organismes de l'audiovisuel public – France Télévisions, ARTE France, Radio France, Institut national de l'audiovisuel (INA) et l'audiovisuel extérieur de la France – progresseront de 1,4 % entre la loi de finances initiale 2011 et le projet de loi de finances 2012, pour atteindre près de 3,9 milliards d'euros. Le budget 2012 permet donc de financer l'ensemble de leurs missions de services public et notamment les priorités stratégiques portées par les nouveaux COM de France Télévisions, en cours de signature, et d'ARTE France, qui sera très prochainement adressé au Parlement.
Pour France Télévisions, le projet de COM 2011-2015, sur lequel votre Assemblée a été consultée, reflète un engagement de l'État dans la durée, avec une croissance annuelle moyenne de 2,2 % de la ressource publique, pour accompagner la mise en oeuvre d'une stratégie visant à fédérer tous les publics. Cette croissance est orientée prioritairement vers la création audiovisuelle et cinématographique. France Télévisions investira au minimum 420 millions d'euros par an dans les oeuvres dites patrimoniales : fiction, documentaire, animation, spectacle vivant. Priorité est globalement donnée aux dépenses dans les programmes, qui croîtront plus rapidement que les ressources, au rythme de 2,8 % par an.
Je tiens par ailleurs à préciser que les objectifs de recettes publicitaires de France Télévisions sont à la fois élevés et réalistes. De 2008 à 2010, le marché publicitaire a connu une crise profonde. Parallèlement, la publicité en soirée a disparu des antennes du groupe. Cette période, pendant laquelle il était très difficile de disposer d'une prévision efficace des revenus publicitaires, est aujourd'hui derrière nous.
Pour ARTE France, le Gouvernement a proposé une hausse exceptionnelle de 7,3 % en 2012 de sa dotation publique, à 270 millions d'euros. Alors que la chaîne connaît depuis quelques années une lente érosion de ses audiences, cet effort financier marque l'attachement de l'État à son modèle singulier de télévision. Le projet de nouveau COM pour la période 2012-2016 que nous finalisons porte l'ambition de relance de la chaîne culturelle franco-allemande, avec comme objectif principal la reconquête de son public, via la mise en place d'une nouvelle grille de programmes et le développement de son offre numérique.
Pour ce qui concerne la réforme de l'audiovisuel extérieur, lancée en 2008, elle est en voie d'achèvement. De nombreuses étapes ont été franchies pendant le quinquennat : le groupe AEF a été créé ; France 24 est montée en puissance depuis 2008 ; elle est distribuée mondialement depuis 2010 – à la fin du 1er trimestre 2011, elle peut ainsi être reçue par 160 millions de foyers dans le monde. France 24 est par ailleurs diffusée 24 heures sur 24 en langue arabe depuis 2010, et elle enregistre de bons résultats au Maghreb, avec un pic de fréquentation lors des événements en Tunisie, en Égypte et en Libye.
Je n'ignore pas les troubles qui ont traversé l'AEF, d'autant plus que j'ai oeuvré à leur résolution. Mais je n'ai pas de doute sur l'achèvement en 2012 de la réforme voulue par le Président de la République en 2008, car les différents chantiers restants avancent de façon satisfaisante : cette année 2012 sera notamment marquée par l'aboutissement des négociations relatives au COM, le rapprochement physique de France 24 et RFI, l'accomplissement du plan stratégique 2009-2012 de TV5 Monde, le développement de la distribution mondiale de France 24 et de la diffusion multilingue de RFI sur tous les supports.
Au plan budgétaire, après un effort soutenu pour accompagner la constitution du groupe, les économies résultant des synergies entre les différentes sociétés du groupe AEF permettent de réduire légèrement les ressources publiques qui lui sont allouées entre 2011 et 2012, tout en maintenant ses objectifs de développement. Le total de la dotation publique de l'AEF s'élève ainsi à 319 millions d'euros dans le projet de budget 2012.
S'agissant de Radio France, la dotation publique proposée en 2012 progresse de 3,8 % pour s'élever à 630 millions d'euros, conformément au COM signé l'année dernière, afin notamment d'accompagner les travaux de réhabilitation de la Maison de Radio France. L'identité de chacune des antennes sera davantage affirmée, le réseau des antennes de France Bleu étendu, et la présence sur les vecteurs de diffusion numérique renforcée.
S'agissant de l'INA, la dotation publique proposée en 2012 s'élève à 94 millions d'euros, soit une progression de 2,1 %, en ligne là encore par rapport au COM. Cette dotation permettra à l'INA la réalisation en 2012 de plusieurs objectifs stratégiques : la poursuite du plan de sauvegarde et de numérisation de ses archives menacées, la consolidation de l'activité de formation continue, la valorisation des collections notamment par la croissance du site ina.fr, et l'élargissement des activités du dépôt légal à internet.
Pour ce qui est du soutien du ministère aux radios associatives, le projet de loi de finances pour 2012 confirme l'effort initié en 2010, avec un maintien des crédits à 29 millions d'euros.
J'en viens maintenant au budget de la politique en faveur du livre et de la lecture.
À compter de 2007, la politique de numérisation de masse engagée par la Bibliothèque nationale de France (BNF), avec un soutien exceptionnel de l'État, a conduit, sur quatre années – 2007-2010 –, à la numérisation de plus de 36,2 millions de pages, grâce à la mobilisation d'un budget d'environ 25 millions d'euros. Par ailleurs, la période 2007-2012 aura vu la mise en place d'une nouvelle stratégie d'ensemble pour la BNF, dont l'essor de Gallica, une bibliothèque numérique de niveau désormais mondial, et l'apport exceptionnel au portail européen Europeana, sont d'indéniables réussites.
En matière de lecture publique, un domaine qui relève à la fois de la compétence des collectivités et des impulsions de l'État au niveau national, l'action du ministère sur la période 2007-2012 a dû s'adapter aux nouveaux enjeux du numérique. En mars 2010, j'ai fait 14 propositions pour le développement de la lecture qui vont dans ce sens.
Enfin, notre action en direction de l'économie du livre s'est structurée pendant la période 2007-2012 sur les grands axes du « plan livre » présenté le 14 novembre 2007 en conseil des ministres. Ce plan prévoyait notamment la mise en place d'un label de librairie indépendante de référence. De ce label découle la possibilité pour les collectivités territoriales d'exonérer les établissements distingués de la fiscalité locale. Près de deux tiers des librairies qui ont obtenu un label bénéficient en 2011 d'une telle exonération à au moins un échelon territorial.
Pour 2012, les crédits de la politique du livre et de la lecture progressent de 4 %, afin de poursuivre dans de bonnes conditions nos grands objectifs : accompagner les mutations liées au numérique, tant pour la structuration de la filière économique du livre que pour l'adaptation des bibliothèques aux nouveaux usages en matière de lecture ; assurer les missions de valorisation et de diffusion du patrimoine écrit. Près de 265 millions d'euros seront ainsi engagés en 2012, venant ainsi conforter le soutien apporté à l'ensemble des acteurs du livre et de la lecture, et aux investissements associés, qu'ils relèvent du secteur public ou privé : auteurs, éditeurs, libraires, bibliothèques.
La rénovation du quadrilatère Richelieu est un grand projet ministériel engagé dans une phase opérationnelle depuis 2001 qui s'achèvera en 2017. Il représente pour l'État un coût global de l'ordre de 211 millions d'euros, dont 171 millions à la charge du ministère de la culture ; il a pour objectif de moderniser les services offerts aux publics pour constituer un grand pôle de ressources en histoire de l'art. 20 millions d'euros sont prévus sur le budget du ministère pour la réalisation des travaux en 2012.
La politique en faveur du livre et de la lecture passe également par une action spécifique en direction de la filière du livre, avec pour ambition la perpétuation d'une production éditoriale diversifiée et de qualité dans un environnement marqué par le développement du livre numérique. À ce titre, le Centre national du livre (CNL), opérateur du ministère, continuera d'accompagner les bibliothèques dans leurs projets de numérisation à travers notamment son partenariat avec la BNF. Les crédits de soutien à la numérisation s'élèveront au total à 10 millions d'euros : 6 millions d'euros pour la numérisation patrimoniale de la BNF et 4 millions d'euros pour accompagner les projets des éditeurs.
En ce qui concerne notre politique en matière d'industries culturelles, vous n'êtes pas sans savoir que nos principales industries culturelles sont aujourd'hui toutes confrontées aux défis de la numérisation et de l'internet. Aux opportunités formidables de diffusion et de rayonnement pour les artistes et les créations culturelles, se superposent les menaces pesant sur la rémunération des créateurs et sur l'ensemble de la chaîne de valeur, du fait du piratage de masse des contenus culturels. Dans le domaine de la musique enregistrée, le développement de ces pratiques a eu un impact particulièrement lourd, puisque ce secteur a perdu plus de 60 % de sa valeur entre 2003 et 2010 et plus de la moitié de ses emplois.
Nous avons voulu y répondre en proposant une politique qui comporte deux volets indissociables, dont le bilan est largement positif : protéger le droit d'auteur sur les réseaux numériques et favoriser le développement d'une offre légale diversifiée et attractive de contenus culturels en ligne. La protection des oeuvres s'appuie ainsi sur la mise en oeuvre de la loi HADOPI ; quant au soutien à la consommation légale et au développement d'une offre légale diversifiée et attractive, la « carte musique » pour les jeunes a été lancée en octobre 201 pour une durée de deux ans, avec un budget alloué de 25 millions d'euros. Une version physique de la carte musique sera disponible dès novembre dans les grandes surfaces, avec une nouvelle interface internet qui fonctionnera également sur les smartphones – une vaste campagne de communication va être lancée en novembre afin de mieux faire connaître le dispositif.
Compte tenu de l'importance de la crise que connaît le secteur, et en particulier ses acteurs les plus fragiles, j'ai confié en avril dernier une mission de réflexion consacrée au financement de la diversité musicale à l'ère numérique à MM. Franck Riester, Alain Chamfort, Daniel Colling, Marc Thonon et Didier Selles. Ces derniers m'ont remis, il y a quelques semaines, leurs conclusions sur la mise en place d'un soutien plus structurel de l'ensemble des acteurs de la filière de la musique enregistrée. J'ai ainsi proposé au Président de la République la création, sur le modèle du Centre national du cinéma (CNC), d'un Centre national de la musique qui verra donc le jour en 2012. Une mission de préfiguration sera lancée dans les prochains jours.