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Intervention de Jean-Claude Fruteau

Réunion du 26 octobre 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Fruteau, rapporteur pour avis :

Nous examinons les crédits des transports aériens, retracés dans le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », qui contient, depuis 2009 et la suppression du programme « Transports aériens », l'ensemble des crédits de ces transports.

Les dotations demandées pour 2012, qui s'inscrivent dans le cadre de la programmation triennale 2011-2013, s'élèvent à 2 217 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 2 205 millions d'euros en crédits de paiement, soit 4 millions de plus que les crédits de 2011. Cet accroissement est lui-même dû au transfert de 40 équivalents temps plein travaillé depuis le budget général vers le budget annexe, afin d'assurer, outre-mer, le regroupement des moyens du service national d'ingénierie aéroportuaire.

En 2012, il est prévu de supprimer 149 emplois, cette réduction des effectifs devant dégager des marges de financement en vue de la mise en oeuvre des programmes stratégiques du « Ciel unique » européen, la constitution du bloc d'espace fonctionnel Europe Centrale, le FABEC, qui constitue le volet organisationnel de l'intégration européenne des services de navigation aérienne et la création de l'entreprise commune, SESAR, qui vise, elle, à développer un nouveau système de navigation aérienne, permettant d'assurer la fluidité du trafic aérien à l'horizon 2020.

Le budget annexe est alimenté par le produit de nombreuses redevances, les redevances de navigation aérienne en métropole, la redevance océanique créée en 2010 pour l'Outre-mer et les redevances de surveillance et de certification. Il est également alimenté par une certaine quotité de la taxe de l'aviation civile, fixée par la loi de finances pour 2012 à 80,91 % de l'ensemble, le reste allant donc au budget général. Il est malheureusement financé enfin par un recours croissant à l'emprunt.

Cette situation d'endettement, dénoncée depuis plusieurs années, notamment par le Cour des Comptes, n'est pas saine, quand on observe qu'une partie de l'emprunt est consacrée aujourd'hui à des dépenses de fonctionnement.

Le budget annexe correspond à quatre programmes : les programme 613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile », qui constitue le programme support de ce budget. La DGAC a lancé, en 2007, un plan de modernisation des fonctions support, mais il apparaît que le rétablissement financier du budget annexe ne peut passer que par son désendettement.

Le programme 612 « Navigation aérienne » ensuite retrace les activités de la Direction des services de la navigation aérienne ; c'est lui qui prévoit le financement des programmes d'investissement réalisés dans le cadre de l'intégration communautaire des activités de navigation aérienne.

Le programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification » regroupe diverses activités, touchant notamment au développement durable, à la sûreté et au financement du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) pour la sécurité de l'aviation civile.

Enfin le programme 611 « Formation aéronautique » finance la subvention pour charges de service public de l'ENAC, l'Ecole nationale de l'aviation civile, qui a récemment fusionné avec le SEFA, le Service d'exploitation de la formation aéronautique.

Tous ces financements sont intéressants et utiles, mais nous buttons vraiment sur la question de l'endettement du budget annexe. D'autant qu'il existe trois vrais sujets de préoccupation : la fragilité de la reprise du trafic, la concurrence des compagnies du Golfe, les incertitudes enfin de la politique du développement durable.

On a assisté à une véritable reprise du trafic aérien en 2010, puis dans les premiers mois de 2011, après une crise très sensible, qui s'était traduite par une diminution, en 2009, de 15 % du trafic mondial frappant prioritairement les activités cargo. La hausse s'est poursuivie à hauteur de + 6 %, pour 2011, en dépit de ces événements à impact négatif pour le trafic aérien, qu'auront constitué le tsunami au Japon en mars et les révoltes dans les pays arabes depuis le printemps.

En 2012, les incertitudes paraissent pourtant beaucoup plus fortes. Depuis le mois de juin, on observe, en effet, une baisse pour le fret qui est, en général, un signe avant-coureur de crise. La compagnie Air France-KLM a certes connu, de la même façon, une forme de « rebond », notamment au premier semestre 2011, mais elle n'a, en réalité, récupéré que 50 % des pertes qu'elle avait enregistrées, les années précédentes. Son résultat d'exploitation reste au niveau de l'équilibre, ce qui demeure insuffisant pour préparer véritablement l'avenir. L'environnement économique lui-même n'est d'ailleurs pas favorable aux compagnies européennes, avec la crise financière du mois de juillet et la croissance du prix des carburants.

Le redémarrage est donc très fragile et une croissance tout à fait incertaine dans l'avenir, ce qu'ont confirmé récemment les prévisions de l'IATA pour les compagnies européennes.

Deuxième sujet de préoccupation, la concurrence que font aux compagnies traditionnelles, les « compagnies du Golfe », Emirates, Etihad, Qatar Airways. Ces compagnies ont connu une progression de leur trafic de 50 % en 3 ans. Témoignant d'un vrai dynamisme, disposant de positions géographiques favorables, les compagnies du Golfe ne disposent pas de réel marché intérieur. Mais elles savent prendre des parts de marché aux Européens, à Air France en particulier, en Asie, en constituant des hubs permettant de contourner, pour les vols long-courrier, les grands aéroports d'Europe. Cette concurrence est, d'une certaine façon, déloyale car les compagnies du Golfe bénéficient d'avantages comparatifs importants par rapport à nos compagnies, en termes fiscaux, sociaux ou de coûts d'accès aux aéroports. Que faire dès lors ? Les contre-offensives constituent autant de gageures et il semble que la conclusion d'alliances avec des compagnies asiatiques et africaines soit la voie la plus prometteuse.

Il nous faut en tous cas trouver des réponses rapides à ce phénomène de captation des flux de correspondance, qui est grave pour nos compagnies et nos aéroports.

Un dernier point de préoccupation concerne les questions environnementales, celles qu'a prioritairement en charge notre commission. Je pense particulièrement aux dotations de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, l'ACNUSA, inscrites désormais au programme 217 lequel relève du ministère de l'écologie, de développement durable, des transports et du logement lui-même. Les crédits de personnel et de fonctionnement de l'Autorité n'évoluent pas, malgré les demandes exprimées notamment dans la discussion budgétaire pour 2011 et alors que l'ACNUSA dispose aujourd'hui de nouvelles compétences importantes en matière de pollution atmosphérique. Cette situation ne paraît pas conforme aux engagements essentiels que nous avons pris dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Il faut d'ailleurs s'interroger aussi sur l'état de la coopération entre Européens qui est depuis longtemps essentielle à un succès véritable de la politique de lutte contre les nuisances sonores aéroportuaires, notamment pour la question des vols de nuit.

Pour cet ensemble de raisons et, malgré quelques éléments d'appréciation positifs, je propose à la Commission de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » pour 2012.

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