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Intervention de Jean-Claude Viollet

Réunion du 25 octobre 2011 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Viollet, rapporteur :

L'année 2011 aura été marquée par l'engagement de l'armée de l'air sur de nombreux fronts, au premier rang desquels l'opération Harmattan en Libye.

Cet engagement a illustré les compétences et savoir faire, mais également le « savoir être », de tous les personnels de l'armée de l'Air. Il a aussi permis d'apprécier la capacité des équipements en dotation dans les forces à répondre aux besoins de la mission.

C'est pourquoi, sans entrer dans le détail du rapport, je souhaiterais faire un survol du projet de budget 2012, à l'aune à la fois du retour d'expérience d'Harmattan, opération dimensionnante pour notre armée de l'Air, et de l'exécution de la LPM 2009-2014. Je ferai une lecture rapide des enjeux tels qu'ils me sont apparus après avoir rencontré des personnels, de tous grades mais également des différentes filières métiers, sur les bases de Solenzara, d'Istres, de Saint-Dizier, d'Avord ou encore d'Orléans, autant de bases engagées dans Harmattan.

J'aborderai en premier lieu la question des effectifs. L'armée de l'air doit perdre 15 900 ETPT sur la période 2008-2015, soit un quart de ses effectifs de 2008. Jusqu'à ce jour, elle a tenu le rythme prévu pour ces réductions. Mais l'opération Harmattan a révélé des fragilités, qui, au-delà de l'engagement total des personnels d'active, n'ont pu être dépassées qu'avec le recours à des « abonnés » ou des réservistes ainsi que la réduction momentanée de certaines activités.

Nous ne pourrons donc pas échapper à une nouvelle réflexion, avec le retour d'expérience d'Harmattan, sur le volume et la structure des effectifs de l'armée de l'air, en particulier pour certaines spécialités critiques, tels les interprètes images ou les armuriers pour lesquels des effectifs dimensionnés au temps de paix ne sont plus forcément en mesure de répondre au besoin du temps de guerre. Et cela vaut également pour les mécaniciens, les personnels des ESTA notamment, dès lors que les théâtres se multiplient ou qu'un nombre important de bases participent à une opération, ce qui est le cas d'Harmattan.

Quant à la réduction des effectifs imposée au SIAé dans le cadre de la RGPP, elle est tout simplement un non-sens, s'agissant d'un établissement fonctionnant sur un compte de commerce, qu'il convient de laisser vivre sa vie, en adaptant ses moyens à son plan de charge. Il doit équilibrer lui-même ses comptes. Il permet de surcroît, comme c'est le cas depuis sa création, de réaliser de substantielles économies sur le maintien en condition opérationnelle des équipements.

Il convient de reprendre la réflexion sur les effectifs, mais aussi de nous interroger sur la régénération du potentiel opérationnel des différentes catégories de personnel, métier par métier, spécialité par spécialité.

Rapporteur pour avis du budget air depuis 2008, j'ai eu l'habitude d'indiquer que les heures d'entraînement étaient comptées « au plus juste ». Mais la multiplication des engagements en opérations extérieures et particulièrement l'opération Harmattan ont contribué à creuser le déséquilibre entre les pilotes expérimentés, fortement sollicités, et les plus jeunes, insuffisamment aguerris pour être envoyés en OPEX et qui ne bénéficient pas des minima d'heures de vol requis pour cet aguerrissement. Cette situation pourrait devenir rapidement préoccupante si nous n'étions pas en capacité de récupérer le retard accumulé en matière de formation et d'entraînement, ce qui renvoie aux crédits et aux équipements nécessaires pour ce faire.

Je souhaite maintenant évoquer la disponibilité des équipements et plus spécialement des flottes. J'ai aussi l'habitude d'insister sur ce point, s'agissant de nos avions de transport tactique, mais cela vaut aussi pour nos avions de combat. La diversité des flottes – pas moins de 10 types différents de Mirage 2000D – et le nombre des points de déploiement compliquent le soutien. En effet, la priorité donnée à l'opérationnel crée des tensions sur les bases arrière, notamment en métropole, avec des disponibilités moindres du fait de stocks réduits de rechanges mais également du nombre limité de personnels.

En outre, ces opérations, et notamment Harmattan, entraîneront des coûts récurrents de MCO bien au-delà de 2011. N'étant pas éligibles au décret d'avance censé rembourser les surcoûts OPEX, ils devront être financés sur les crédits courants. Cela limitera du même coup les marges de manoeuvre pour récupérer le retard dont je parlais pour la régénération des capacités opérationnelles.

Cela doit nous inciter à réfléchir à l'assouplissement de la prise en charge des surcoûts OPEX afin de tenir compte, de façon « glissante », des dépenses intervenant expost, notamment pour la régénération du potentiel.

Cette analyse de RETEX Harmattan renvoie à l'exécution de la LPM 2009-2014 et en particulier à l'état d'avancement des grands programmes d'équipement.

Le Rafale a fait en Libye la démonstration de sa polyvalence. L'armée de l'air et la marine reçoivent chaque année des appareils de façon à assurer la montée en puissance de leurs flottes, grâce à une gestion dynamique de ce programme. Celle-ci permet de faire face aux aléas de l'export en préservant nos intérêts nationaux, qu'il s'agisse du besoin opérationnel comme des impératifs industriels. Il nous faut manifestement poursuivre dans cette voie !

S'agissant des Mirage, grâce à l'amendement adopté l'an passé, le pod ASTAC du Mirage F1CR va être transféré sur le 2000D, ce qui permettra de conserver cette capacité pour entrer en premier. Aujourd'hui, il y a urgence à engager la rénovation mi-vie du Mirage 2000D, pour lui donner la polyvalence attendue et tendre vers la cible de 300 avions de combat polyvalents fixée par le Livre blanc.

Quant à l'aéromobilité, l'A400M devrait être admis au service en 2014 mais, en attendant, nous continuons de souffrir d'un déficit capacitaire. Si celui-ci sera atténué avec l'arrivée des Casa CN235, la courbe des pertes de compétences que j'ai présentée ici à plusieurs reprises reste critique.

Toutefois, c'est pour les ravitailleurs que la situation est la plus inquiétante. Leur commande n'a cessé d'être repoussée. L'amendement adopté l'an passé pour l'acquisition, en location-vente, de trois A330 en version cargo, susceptibles d'être ultérieurement transformés en ravitailleurs, n'a pas eu de suite. Or, une rupture capacitaire sur cette flotte vieillissante remettrait en cause toute projection de forces et même notre dissuasion aéroportée. Le ministre a décidé d'engager en 2012 les études de définition et de levée de risques pour permettre la commande en 2013. Il nous faut le soutenir en abondant les crédits d'études pour « assurer la manoeuvre » et manifester notre volonté commune de voir rapidement procéder à cette acquisition en patrimonial et de gré à gré.

C'est le sens de l'amendement que nous vous présenterons dans un instant, François Cornut-Gentille et moi.

Pour les drones, les nouvelles sont plutôt bonnes. Je le dis sans aucune réserve. L'escadron 1-33 Belfort, stationné sur la base de Cognac, vole au-dessus de la Libye après avoir fait la démonstration de ses capacités en Afghanistan mais également sur des missions interministérielles, lors du G 20 notamment.

Le ministre a tranché en faveur de la proposition de Dassault Aviation pour la fourniture d'un nouveau drone MALE, fondé sur une plateforme israélienne Héron TP d'IAI. Sous réserve du bon aboutissement des discussions en cours, ce nouveau système entrerait en service début 2014. Il doit nous prémunir contre le risque de rupture capacitaire. Au-delà, il positionne favorablement notre base industrielle et technologique dans la perspective du drone MALE franco-britannique de nouvelle génération, lequel, avec la poursuite du programme nEUROn, doit nous permettre de préserver une capacité européenne dans l'aviation de combat - pilotée ou dronisée - à l'horizon 2030-2040.

Enfin, et pour m'en tenir à l'essentiel, il nous faudra réaliser rapidement l'étape 4 de modernisation de notre système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA 4), qui a fait l'objet d'un report en 2011, si nous voulons garantir le meilleur niveau de protection de notre territoire.

Tout cela pour dire que si la LPM 2009-2014 est une loi importante de production pour l'équipement de nos forces, l'armée de l'air qui avait joué le jeu en dégageant des moyens au profit de l'ensemble des forces par l'étalement des livraisons de Rafale se retrouve au final un peu piégée. Elle est obligée d'assumer seule la remontée des commandes, tout en devant différer plusieurs de ses programmes majeurs renvoyés sur la prochaine LPM.

S'agissant de mon dernier rapport pour avis sur ce budget air, je tenais à ce constat, qui se veut un peu un message à la prochaine Commission et au prochain exécutif, afin qu'ils n'oublient pas que l'armée de l'air devra faire l'objet d'une attention particulière lors de la préparation de la prochaine loi de programmation, si nous voulons qu'elle reste l'armée de premier rang qu'elle est aujourd'hui, comme elle vient de le démonter brillamment avec Harmattan.

Et dans cette attente, compte tenu de toutes les interrogations qui marquent cette année encore le projet de budget qui nous est présenté, je m'en remets à la sagesse de la Commission pour l'adoption des crédits Air pour l'année 2012.

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