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Intervention de Marguerite Lamour

Réunion du 25 octobre 2011 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarguerite Lamour, rapporteure :

L'année 2011 a été, vous le savez, une année plutôt exceptionnelle pour notre marine avec son engagement dans l'opération Harmattan qui s'achève sur un succès total de nos forces. Le chef d'état-major de la marine ayant longuement détaillé son déroulement et ses conséquences, je me contenterai d'insister sur quelques points.

Son ampleur, tout d'abord : 24 bâtiments et 5 500 marins de la Force d'action navale ont été engagés successivement. La marine n'avait pas fourni un effort de cette ampleur depuis douze ans et l'opération Trident au Kosovo – certains marins m'ont même dit depuis l'opération Mousquetaire en 1956 ! La Task Force 473 s'est d'abord organisée autour du porte-avions jusqu'à la mi-mai, puis a été renforcée par la présence d'un bâtiment de projection et de commandement (BPC), soit plus de 2 500 marins déployés sur la zone. Ensuite, au milieu de l'été, avec le retour à Toulon du porte-avions, le dispositif s'est articulé autour d'un BPC, soit environ un millier de marins. La quasi-totalité des moyens dont dispose la marine a été représentée au large de la Libye, des frégates escortant le groupe aéronaval aux avions de patrouille maritime, en passant par les sous-marins nucléaires d'attaque.

La qualité des nouveaux matériels a également été démontrée. Les frégates de défense aérienne Forbin et Chevalier Paul, équipées d'un système de combat de dernière génération, ont confirmé leurs excellentes performances et prouvé leur endurance à la mer. Les nouveaux missiles de croisière SCALP ont fait preuve, au cours de leurs quinze tirs, de leur extrême précision. Le BPC, enfin, a prouvé une nouvelle fois sa remarquable adaptation et sa grande efficacité dans ce genre d'opération dirigée vers la terre, en embarquant dix-huit hélicoptères de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT) et en accueillant l'état-major français de conduite des opérations. L'emploi d'un groupe important d'hélicoptères en opération à partir d'un BPC aura été une nouveauté et a montré toute sa puissance.

Cette opération a, enfin, démontré la qualité de l'entraînement de nos marins et leur combativité. Ils ont pu, beaucoup pour la première fois, vivre en situation de combat ce qu'ils sont habitués à faire en entraînement et exploiter pleinement le potentiel de leurs bâtiments. J'ai rencontré beaucoup d'entre eux au cours de mes déplacements à Brest et Toulon et tous m'ont dit la fierté que leur a donné – et leur donne encore – la participation à cette opération. Cet engagement dans une véritable guerre, aux objectifs définis et au service d'une cause louable, donne du sens à leur engagement et va marquer, j'en suis sûre, toute une génération de marins.

Le moral des marins est-il donc au beau fixe ? Oui, pour le moment. Dopés par le succès de cette opération, les marins sont heureux de se sentir utiles. Le soufflet risque cependant de retomber bien vite. Un marin qui navigue est un marin heureux, a-t-on coutume de dire.

Or les conséquences d'une telle opération sur l'usure et le maintien en condition opérationnelle des navires seront nombreuses et devront être évaluées dans les mois à venir. Des programmes d'entretien ont été décalés et il faudra être vigilant sur de nombreux points : la possibilité d'assurer une permanence de frégates de lutte aérienne et une permanence de frégate anti sous-marine est fragile, compte tenu du vieillissement des matériels. Surtout, la situation est très délicate en ce qui concerne la liaison logistique opérationnelle à partir des pétroliers ravitailleurs. Le vieillissement du parc ne permet plus de disposer de 100 % des capacités de chacun de ces bâtiments et des transferts de matériels lourds ont dû être effectués lors de chaque relève. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter tout à l'heure, avec mon collègue François Cornut-Gentille, un amendement donnant les crédits nécessaires à l'engagement d'études pour les moderniser ou les remplacer.

Pour le reste, les grands programmes d'équipement de la marine engagés par la loi de programmation militaire se poursuivent : 2012 devrait voir l'admission au service actif du troisième BPC, le Dixmude, ainsi que la livraison de la première frégate multimission, l'Aquitaine, appelée à constituer l'ossature de notre marine dans les dix années qui viennent. La semaine dernière a été réceptionné à Lorient le patrouilleur hauturier l'Adroit, développé sur fonds propres par DCNS, selon une stratégie originale, qui a permis de réduire considérablement les coûts de conception et de fabrication. 2012 verra la commande de trois patrouilleurs de type supply ship destinés à effectuer des missions de sauvegarde maritime. Leur système de financement sera inédit puisque outre la défense, les douanes, l'agriculture, les transports et l'intérieur y participeront. Enfin, on peut également se réjouir de la commande d'un bâtiment de soutien et d'assistance hauturiers, indispensable pour répondre au gigantisme croissant des flottes de commerce.

La marine poursuit également sa mue des métiers du soutien. Les deux bases de défense de Brest et de Toulon, que j'ai visitées, sont maintenant pleinement opérationnelles. Organisées de façon identique, Toulon – mais aussi Cherbourg, naturellement – bénéficie du retour d'expérience de la base de Brest, expérimentale depuis 2009. Je crois que l'organisation retenue, soutien spécialisé, soutien spécifique, groupement de soutien de la base de défense, donne satisfaction en termes d'efficacité opérationnelle – le succès de l'opération Harmattan en est la preuve – mais le nouveau fonctionnement n'est pas encore connu de tous. Là où avant ils disposaient d'un interlocuteur unique, le commissariat de la marine, les équipages doivent désormais s'adresser à plusieurs services. Il faudra donc encore un peu de temps pour lever toutes les inquiétudes soulevées par cette nouvelle organisation.

Les crédits de préparation et d'emploi des forces navales du programme 178 s'élèveront en 2012 à 4,209 milliards d'euros de crédits de paiement, en très légère baisse par rapport à cette année.

Les crédits d'entretien programmé du matériel s'élèveront pour 2012 à 1 714 millions d'euros en autorisation d'engagement et à 1 375 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation significative par rapport à 2011. Cette évolution résulte principalement de l'augmentation des notifications de contrats de soutien pluriannuels pour les flottes de frégates multimissions (FREMM) et de sous-marins. Il est par ailleurs important d'avoir à l'esprit que l'arrivée de matériels modernes, comme les Rafale, NH90 ou FREMM, exigent des coûts de maintenance supérieurs.

Les crédits consacrés à déconstruction des bâtiments, 9,6 millions d'euros pour 2012, traduisent la démarche engagée depuis l'épisode du Clémenceau. Le traitement de la coque Q790 est achevé et constitue désormais un exemple pour le plan d'action élaboré par la marine. Un amiral, placé auprès du chef d'état-major de la marine, est spécifiquement chargé de cette question, avec l'appui du service de soutien de la flotte. Le plan d'action prévoit l'achèvement en 2014 de la déconstruction de l'ensemble des navires retirés du service actif. À compter de cette date, elle devrait suivre la cadence des retraits du service actif des bâtiments, à l'exclusion des navires qui pourront être cédés, en limitant autant que possible la durée de stockage.

La réduction des effectifs se poursuit, suivant la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire, pour que la marine atteigne le format de 44 000 militaires et civils en 2014. Parce qu'elle possède en son sein les métiers de toutes les armées, la marine a des exigences très élevées en matière de recrutement et de formation. Son attractivité reste forte et elle parvient à conserver un taux de sélection élevé, même s'il faut rester vigilant sur quelques microsecteurs, comme les atomiciens par exemple.

Enfin, je voudrais dire un mot des activités de sauvegarde maritime, qui représente aujourd'hui 28 % de l'activité de la marine et de la fonction garde-côte créée cette année. Il s'agit là d'une particularité de notre marine, qui joue ainsi un rôle central dans la gestion des crises maritimes et assure à la France une visibilité mondiale dans ce domaine.

En conclusion, Monsieur le Président, mes chers collègues, je vous demande de donner un avis favorable à l'adoption des crédits « Marine ».

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