Quelques jours après avoir rencontré informellement les rapporteurs des commissions des deux assemblées qui suivent plus particulièrement les crédits du ministère des affaires étrangères et européennes, je me réjouis de pouvoir vous présenter aujourd'hui les crédits pour 2012 de la mission « Action extérieure de l'État ».
Cette question des moyens de notre diplomatie me tient particulièrement à coeur, tant il est vrai qu'il n'y a pas de politique étrangère ambitieuse sans les moyens de la mener à bien. À de nombreuses reprises au cours des dernières années, j'ai ainsi eu l'occasion d'indiquer les raisons pour lesquelles notre outil diplomatique devait se voir garantir des dotations à la hauteur des ambitions de notre pays dans le monde.
Cette position, je l'ai défendue aussi lors des travaux du Livre blanc, comme lorsque ce ministère s'est trouvé en butte à des critiques – voire des attaques – dont je considère qu'elles ont injustement altéré la confiance de notre pays dans l'efficacité de son outil diplomatique et, par voie de conséquence, la confiance de nos propres agents dans l'efficacité de leur action.
Certains d'entre vous me diront que cette fragilisation de notre outil diplomatique n'est pas nouvelle et qu'elle résulte d'un lent et douloureux processus de décroissance des moyens humains et budgétaires affectés à cette action. Je ne peux que souscrire à ce constat : depuis de nombreuses années – et en tout état de cause bien avant le lancement de la révision générale des politiques publiques (RGPP) – le ministère des affaires étrangères s'est vu imposer une cure d'austérité d'une particulière rigueur. Celle-ci est manifeste lorsqu'on se penche sur l'évolution de ses emplois, réduits de près de 20 % depuis quinze ans. Elle l'est tout autant pour nos moyens de fonctionnement, qui ont enregistré une baisse corrélative au cours de cette période.
Légitime dans son principe, cette contribution à l'effort d'assainissement de nos finances publiques s'est révélée d'autant plus douloureuse que les attentes formulées à l'égard de ce ministère n'ont, dans le même temps, cessé de s'accroître. Alors que notre réseau diplomatique et consulaire se redéploie en permanence pour s'adapter aux évolutions du monde, alors que la croissance très vive des communautés françaises à l'étranger accroît chaque année les attentes de nos compatriotes, il a fallu faire preuve de toujours plus d'inventivité pour affronter des défis croissants avec des dotations en diminution.
Dès ma prise de fonction, j'ai ainsi fait de la question des moyens l'une de mes priorités, tout en faisant à remarquer à mes collaborateurs que je n'étais pas doté d'une baguette magique. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, ce ministère ne peut en effet se soustraire à l'exigence de discipline qui impose à chacun de contribuer à l'effort collectif. C'est donc avec un double objectif apparemment contradictoire – renforcer notre outil diplomatique tout en contribuant à cet effort collectif d'économie – que nous avons engagé la préparation de ce projet de loi de finances (PLF). Bien que très délicate, cette équation a pu être résolue et le projet de budget qui vous a été transmis concilie du mieux possible ces deux impératifs.
S'agissant de la discipline budgétaire, les crédits 2012 du ministère respectent les plafonds du triennal 2011-2013 et les engagements de maîtrise des dépenses pris dans le cadre de la RGPP. Ce respect se vérifie pour la mission « Action extérieure de l'État », dont relèvent les programmes 105, 151, 185 et 332, comme pour la mission « Aide publique au développement » (APD), dont relève le programme 209.
Cependant, le ministère des affaires étrangères est en mesure d'amorcer en 2012 une correction de trajectoire, à la faveur de marges de manoeuvre budgétaires dont nous avons obtenu la restitution à force de pugnacité, le ministère des finances n'ayant généralement pas pour réaction spontanée de laisser les marges de manoeuvre à la disposition des ministères au sein desquels ces économies sont constatées.
L'ensemble de nos dépenses pourra ainsi être financé grâce à une évolution favorable de nos contributions obligatoires. D'un montant de 40 millions d'euros, cette diminution recouvre plusieurs mouvements de sens contraire.
Tout d'abord, une baisse de l'ordre de 65 millions d'euros du budget des opérations de maintien de la paix. Cette baisse procède à la fois de la fermeture de la Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT) en 2011, qui se solde par une diminution de 40 millions d'euros non prévue au moment du triennal, de la diminution des besoins pour d'autres opérations et d'une hypothèse de change dollareuro plus favorable en 2012 qu'il n'était initialement prévu. Sur ce dernier point, il ne s'agit pas d'un choix du ministère des affaires étrangères, mais de l'hypothèse retenue pour le volet dépenses du projet de loi de finances.
Ensuite, une hausse d'environ 25 millions d'euros des contributions au budget des organisations internationales et de la justice internationale. Sur ce point, le triennal était sous-calibré et nous devons faire face à des dépenses exceptionnelles non anticipées, par exemple pour la rénovation du siège de la Cour pénale internationale. Au total, avec 841 millions d'euros consacrés aux contributions internationales et européennes obligatoires en 2012, ce poste représente 40 %, hors dépenses de personnel, de la mission « Action extérieure de l'État ». Nous ne sommes évidemment jamais à l'abri d'une évolution des opérations de maintien de la paix qui rendrait ce budget insuffisant, mais je rappelle que la règle constante et partagée avec le Budget veut toutefois que nous ne provisionnions pas d'opérations nouvelles.
Ces marges de manoeuvre, nous avons tout d'abord souhaité les consacrer au financement de dépenses insuffisamment budgétées dans le cadre du triennal 2011-2013.
Conformément aux engagements pris à l'égard de nos compatriotes résidant à l'étranger, ce budget confortera les crédits d'aide à la scolarité – bourses et prise en charge –, dans le respect des orientations retenues à l'issue du rapport parlementaire de Mmes Colot et Joissains. La dotation prévue dans le triennal ayant été, de l'avis de tous, sous-calibrée, ce sont ainsi 13,5 millions d'euros qui sont redéployés au profit de cette dépense d'aide à la scolarité. Je sais qu'elle suscite chez vous peu d'enthousiasme et voudrais rappeler qu'elle a été limitée aux trois classes du lycée et cristallisée au niveau des années 2007-2008. Il faut au ministre chargé des Français de l'étranger beaucoup de ténacité pour résister à l'amicale pression des sénateurs représentant ces derniers, qui ne cessent de demander la décristallisation ou l'extension à d'autres niveaux d'enseignement. Nous tenons bon et je suis heureux d'avoir le soutien de votre commission dans ce combat.
Dans cette enveloppe d'aide à la scolarité, ce sont les bourses qui connaissent la dynamique la plus forte, la mesure de plafonnement introduite par le législateur en loi de finances initiale pour 2011 ayant permis de stabiliser le coût de la prise en charge des frais de scolarité, qui représente 31,9 millions d'euros en 2012 contre 33,7 millions d'euros en 2011. L'enveloppe des bourses évolue quant à elle de 84 à 93 millions d'euros entre 2011 et 2012, du fait de plusieurs facteurs de progression : dynamique de croissance des communautés, paupérisation de certaines familles sous l'effet de la crise, augmentation des frais de scolarité. Il convient enfin de noter que l'instauration de la prise en charge de la scolarité (PEC) a incité certaines familles à déposer pour la première fois des demandes de bourses sur critères sociaux.
Une part importante des économies constatées en 2012 a en outre été redéployée au profit de notre masse salariale. Essentiellement lié à la couverture de l'effet change-prix, cet effort représente 17 millions d'euros sur la mission « Action extérieure de l'État » et 6 millions d'euros sur la mission « Aide publique au développement ». Je précise à cet égard que nous respectons strictement nos plafonds de masse salariale, hors effets change-prix qui sont financés en exécution et pris en compte dans les projets de loi de finances avec un décalage de deux ans : le PLF 2012 intègre ainsi l'effet change-prix constaté en 2010.
Au-delà de ces dépenses obligatoires, nos marges ont permis de faire un effort sur certains secteurs prioritaires et ciblés.
Au titre de notre politique d'influence et d'attractivité en direction de nos partenaires méditerranéens et des pays émergents, ce budget prévoit une augmentation de l'enveloppe dédiée aux bourses. Initialement prévu à 3,3 millions d'euros, cet effort complémentaire sera ramené à 2 millions d'euros en raison de la contribution du ministère au plan d'économies du Gouvernement, dit « rabot », de 1 milliard d'euros.
Ensuite, dans un contexte international très incertain, l'impératif de sécurisation de nos implantations dans les zones sensibles nous a en outre conduits à prévoir une hausse de 3 millions d'euros des crédits dédiés à ces dépenses – je pense en particulier à nos postes dans le Sahel, qui font l'objet de menaces très précises.
Enfin, le financement des échéances électorales de 2012 a justifié, compte tenu de l'enjeu qui s'attache à l'organisation des premières élections législatives à l'étranger, un effort d'ajustement de nos dépenses. Outre 8 millions d'euros de crédits transférés du ministère de l'intérieur, l'effort engagé en 2012 à ce titre par le ministère des affaires étrangères sera complété par 1 million d'euros affecté aux actions d'information et de communication à destination des communautés françaises.
Je tiens à rappeler mon attachement à ce que la trajectoire prévue par le triennal pour les dépenses de fonctionnement, très pénalisante pour un ministère dont le réseau est soumis à de multiples contraintes, soit corrigée. Si la contribution du budget des affaires étrangères à l'effort de maîtrise des finances publiques doit être globalement conforme à la norme gouvernementale de baisse des crédits de fonctionnement de 10 % sur trois ans, il convient de noter qu'elle se heurte à certaines difficultés.
Tout d'abord, les crédits de coopération de défense et de sécurité sont stabilisés à 35 millions d'euros sur le triennal en raison des priorités d'action que nous avons définies pour le Sahel et des opérations de maintien de la paix, en Afrique notamment. Ensuite, certains de nos services, notamment le centre de crise et le service du protocole, sont extrêmement sensibles aux aléas de l'actualité internationale et diplomatique et ne peuvent absorber sans dommages une telle diminution de leurs dotations. Enfin, les dépenses de fonctionnement des postes à l'étranger sont soumises à des facteurs non maîtrisables, tels que la hausse des loyers locaux, des dépenses d'énergie et de fluides ou bien encore des tarifs aériens qui affectent le coût des transports statutaires.
Ce constat nous a conduits à renoncer à une nouvelle diminution des budgets de fonctionnement des postes en 2012, qui resteront donc au même niveau qu'en 2011, à défaut de pouvoir faire plus. Ce choix est contrebalancé par un effort sur d'autres dépenses plus aisées à encadrer : crédits de communication, informatique, frais de représentation et de mission et dotation de fonctionnement des établissements culturels. Sur ces lignes, l'effort du ministère des affaires étrangères ira au-delà de la norme gouvernementale.
J'ai également souhaité que la trajectoire du ministère soit corrigée pour ce qui concerne l'évolution des effectifs dédiés à notre action diplomatique. J'ai ainsi demandé au Premier ministre qu'il soit pris acte des efforts déjà consentis, notamment en 2010 où une avance avait été prise, et que les suppressions d'emplois programmées pour 2011, 2012 et 2013 en tiennent compte. Le Premier ministre m'ayant donné raison sur ce point, les suppressions d'emplois prévues en 2011-2013 ont ainsi pu être revues à la baisse : alors que 160 suppressions d'équivalents temps plein (ETP) étaient programmées en 2011, l'arbitrage obtenu a ramené ce chiffre à 75. En 2012, l'effort sera de 140 suppressions d'ETP contre 226 initialement prévues.
Pour répondre à l'étonnement exprimé par l'un des rapporteurs spéciaux, au cours de contacts préliminaires, devant le fait que le ministère des affaires étrangères était exonéré de la norme du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, je rappelle que notre effort en la matière précédait de beaucoup la mise en oeuvre de la RGPP. Au total, la réduction des effectifs a été de 20 % au cours des quinze dernières années. Par ailleurs, nous avions – par un geste peut-être trop vertueux, mais lié essentiellement au calendrier de gestion des postes diplomatiques – pris de l'avance en 2010. Malgré les réticences du Budget, qui ne voulait initialement pas tenir compte de cette anticipation des réductions de postes, le Premier ministre a rendu un arbitrage tout à fait satisfaisant pour nous.
Ce bref tour d'horizon de notre budget 2012 serait incomplet si je n'évoquais pas la contribution du ministère des affaires étrangères aux mesures anti-déficit annoncées par le Premier ministre le 24 août dernier. Comme tous les ministères, il prendra sa part de l'effort de 1 milliard d'euros attendu sur le volet dépenses du PLF 2012. L'APD ayant été exonérée de ce « coup de rabot », il se trouve dans une situation relativement favorable.
L'effort attendu de la mission « Action extérieure de l'État » n'en est pas moins significatif. Au terme de longues discussions avec nos interlocuteurs du Budget, j'ai obtenu que notre contribution soit limitée à 13 millions d'euros, afin que soit prise en compte la part que représentent les dépenses obligatoires – contributions, opérations extérieures ou aides à la scolarité.
Conformément au souhait du Gouvernement de soumettre au Parlement des économies mettant à contribution les opérateurs, 6 de ces 13 millions d'euros seront imputés sur les subventions à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et à l'Institut français. Je précise à cet égard que les fonds de roulement des deux établissements sont assez confortables pour que ce prélèvement exceptionnel ne remette pas en cause leur niveau d'activité.
S'agissant du solde, au-delà d'une contribution symbolique du programme 151 « consulaire », d'un montant de 100 000 euros, le Gouvernement proposera 2,4 millions d'euros d'économies sur nos crédits d'intervention culturelle (programme 185) et 4,5 millions d'euros d'économies qui limiteront les redéploiements prévus au profit de nos dépenses d'entretien immobilier et de fonctionnement.
Pleinement solidaire de la politique gouvernementale et de la recherche d'économies, je n'en souligne pas moins que nous avons désormais touché « l'os » et que, faute de marges de manoeuvre, la prochaine réduction de crédits remettra en cause des missions. De fait, certains de nos postes consulaires atteignent des taux de productivité exceptionnels : un agent consulaire à Shanghai traite ainsi 7 000 visas par an pour une moyenne communautaire bien inférieure, et ce au moment même où l'on demande une vigilance particulière dans l'octroi de ces visas. Ce n'est du reste pas sans conséquences : au-delà du manque à gagner – car les visas rapportent de l'argent –, les demandeurs de visas vont s'adresser à d'autres pays de l'espace Schengen, de telle sorte que les masses de touristes qui voulaient visiter la France aboutissent à Francfort, loin des vignobles du Bordelais si prisés des Chinois ou d'autres sites de notre pays.
Je ne suis pas venu me plaindre, mais il me semble que les efforts de rigueur consentis par ce ministère doivent être salués.