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Intervention de Gérard Dubois

Réunion du 20 octobre 2011 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Gérard Dubois, membre de l'Académie nationale de médecine :

Je suis professeur de santé publique. J'ai par ailleurs passé dix ans au sein de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés. J'ai aussi créé la première mouture du fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires.

À titre liminaire, je tiens à souligner qu'il me paraît pertinent d'utiliser la classification établie par l'Organisation mondiale de la santé entre prévention primaire, prévention secondaire et prévention tertiaire. Il importe en effet de bien distinguer des situations très différentes les unes des autres afin de pouvoir ensuite définir, pour chacune d'elles, les modalités d'action possibles. La prévention primaire, qui vise à éviter l'apparition de la maladie, ne relève pas complètement de l'assurance maladie, mais rentre plutôt dans le champ de compétence du législateur : il s'agit de l'hygiène publique, que l'on désigne aussi sous l'expression de « sécurité sanitaire ». Je fais ici référence, par exemple, à l'hygiène de l'eau, de l'air ou encore à l'alimentation. Les financeurs de l'assurance maladie ne sont guère concernés par ces problématiques.

Dans la prévention primaire, on retrouve des actions générales, que l'on désigne sous les termes d' « éducation à la santé » ou de « promotion de la santé », mais aussi des actions médicalisées. On a souvent tendance à oublier ces dernières, mais les maladies ne manquent pas de se rappeler à notre souvenir. Se développe ainsi en ce moment une épidémie de rougeole : les cas répertoriés en France représentent la moitié de tous les cas connus en Europe aux yeux de l'Organisation mondiale de la santé. Parmi les actes médicalisés, on trouve donc bien entendu la vaccination, qui présente à la fois un intérêt individuel pour faire face à certaines maladies, comme le tétanos, mais aussi un intérêt collectif, s'agissant de maladies transmissibles.

La place de l'assurance maladie dans la vaccination est d'une grande complexité. D'âpres discussions ont d'ailleurs eu lieu d'emblée à ce sujet au moment de la création de la sécurité sociale. La vaccination étant un acte préventif, l'assurance maladie avait d'abord déclaré qu'elle n'était nullement concernée par ce sujet. Finalement, après des discussions juridiques ardues, il a été décidé que l'assurance maladie devait prendre en charge les vaccinations obligatoires de l'enfant. Il est clair toutefois que c'est une côte mal taillée : il existe encore aujourd'hui des vaccins qui sont pris en charge en tant que médicaments, avec l'intervention des mutuelles, alors qu'ils relèvent du champ de la prévention.

Je citerai un autre exemple, relatif cette fois-ci à la prévention secondaire. Une mammographie qui est effectuée à la suite d'une tumeur que la femme a perçue se rattache aux soins alors qu'une mammographie réalisée dans une optique de dépistage sera qualifiée de manière totalement différente et rattachée à la prévention.

Pour poursuivre mon propos, je voudrais maintenant rappeler que je me suis toujours opposé à l'affirmation selon laquelle la prévention induirait nécessairement des économies. Cela peut, certes, être le cas parfois. Je pense par exemple au dépistage néonatal de l'hypothyroïdie, où l'investissement est minime et l'économie très importante. Ce n'est toutefois certainement pas une généralité.

La prévention peut éviter de décéder d'une cause, mais c'est pour mourir d'une autre plus tard. Au XIXe siècle, les adolescents mouraient de tuberculose. Une fois éradiquée cette maladie, les adultes sont morts davantage de maladies cardio-vasculaires. Lorsque les maladies cardio-vasculaires ont reculé, les gens ont commencé à s'éteindre avec la maladie d'Alzheimer. En termes d'âge de décès, on est passé de celui de vingt ans à cinquante ans, puis à quatre-vingts ans. On sait cependant que la longévité de la vie humaine reste autour de cent vingt ans. La prévention consiste donc à augmenter la proportion de gens qui vieillissent en bonne santé.

J'aborde maintenant un autre point. Quand je suis arrivé à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, il y avait deux types de budgets. Le premier budget, connu de tous, était celui du remboursement des soins. C'est la fonction même de l'assurance maladie, son point de départ historique. Le second budget, plus restreint, que je trouvais d'une intelligence rare, visait à prendre en charge ce qui n'était pas prévu par la loi. C'était le budget de l'action sanitaire et sociale des caisses primaires. Aux niveaux régional et national, il permettait de financer des associations et des expérimentations ; lorsque celles-ci réussissaient, leur développement rendait le budget insuffisant et justifiait alors une décision législative ou réglementaire. C'est ainsi que le dépistage prénatal et anténatal a au départ, et pendant longtemps, été financé sur le fonds d'action sanitaire et social.

Il n'y a pas de maîtrise opérationnelle des soins. Comment, par exemple, mettre en oeuvre le dépistage du cancer du sein si la mammographie est déjà dans la nomenclature des actes remboursables ? Un dépistage consiste à proposer systématiquement à une population définie un acte médicalisé, à un rythme défini. Une fois que le procédé est dans la nomenclature des actes remboursables, on perd la maîtrise du système.

J'ajouterai que, quand un malade rencontre un médecin, une relation entre deux personnes s'instaure, et le financeur est un tiers qui solvabilise cette situation. Dans le cadre du dépistage, ce n'est plus le patient qui est demandeur ; ce sont en général les pouvoirs publics qui lui suggèrent d'aller faire, par exemple, un hémoccult, un frottis ou encore une mammographie. La relation intime entre le médecin et son patient n'est plus centrale ; il y a une relation à trois. L'idée de départ du fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires était de tenir compte de ce nouveau type de relation et d'y affecter un budget.

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