Le système français me paraît caractérisé par une difficulté de pilotage. C'est un système complexe, dans lequel on ne sait pas qui est responsable. Même si l'on note des tentatives de pilotage unifié tant au niveau national qu'au niveau local avec les agences régionales de santé, les structures demeurent très nombreuses, éparpillées entre services de l'État, l'assurance maladie avec ses divers régimes, les mutuelles et les collectivités territoriales. Le système en devient difficilement lisible.
Une autre particularité française me semble résider dans le poids des déterminants sociaux en matière de santé – ils sont fondamentaux. Les inégalités constatées en matière de santé sont intimement liées à des inégalités sociales. La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires n'a fait que reconnaître que les leviers en matière d'action sociale ne relevaient plus de l'État mais des collectivités territoriales. Je souligne qu'au Québec, les agences sanitaires sont des agences « de la santé et des services sociaux ». Cette approche conjuguant les deux aspects, sanitaire et social, est d'ailleurs partagée par de nombreux autres pays.
J'attirerai l'attention sur un autre point qui pose problème : les pratiques cliniques préventives ne pourront être bien organisées que si tel est aussi le cas de la médecine de premier recours. La loi du 21 juillet 2009 précitée a certes défini ce niveau de premier recours, mais il demeure mal organisé, d'où les difficultés rencontrées pour faire le lien entre prévention et soins.
Notre pays possède en revanche un réel atout, sur lequel on n'a pas assez insisté : il s'agit de l'implication des collectivités territoriales dans la politique de prévention. J'ai pu le constater dans le cadre des fonctions que j'exerce au sein de l'agence régionale de santé d'Île-de-France, cette dernière souhaitant d'ailleurs développer fortement les contrats locaux de santé. Alors que de nombreux pays s'interrogent sur les moyens permettant de mieux impliquer les collectivités territoriales dans la prévention, celles-ci sont en France très présentes qu'il s'agisse des communes, des communautés de communes et d'agglomération, des départements et, dans une moindre mesure, des régions. Ce point n'est pas suffisamment valorisé. J'ai pu constater qu'au Québec, les instances locales étaient au contraire peu actives dans le domaine de la prévention, celui-ci étant du ressort du ministère chargé de la santé et de son « bras armé » que constituent les agences. Dans une telle situation, il est ardu de promouvoir l'interdisciplinarité que suppose la politique de prévention au plan local, car il faut convaincre les collectivités territoriales du bien-fondé de cette approche. L'implication des collectivités locales françaises constitue donc une opportunité sur laquelle il conviendrait de miser davantage.