Ce que vous dites est fondamental. Nous avons en effet le sentiment que de nombreuses expériences sont réalisées dans le champ de la prévention mais qu'elles souffrent de ne pas être généralisées à l'ensemble de la population.
Les centres d'examen de santé, enfin, abritent la cohorte « Constances » : deux cent mille volontaires y viennent faire des bilans régulièrement, des examens complémentaires ayant lieu en fonction de leur âge ou du domaine de recherche des épidémiologistes. Les résultats sont alors croisés avec les bases de données de l'assurance maladie et de la Caisse nationale d'assurance vieillesse afin de disposer d'un regard assez complet de leur situation ainsi que de leur environnement pour comprendre les différentes situations de santé. J'ajoute que Constances est pilotée essentiellement par l'Institut de recherche de santé publique de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, la direction générale de la santé et la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés.
Notre programme Sophia, quant à lui, a été lancé dans dix départements, en couvre aujourd'hui dix-neuf et est en cours de généralisation à la suite des premiers éléments d'évaluation dont nous disposons – participation, satisfaction des patients et des professionnels, utilisation des moyens du système de soins comme les médicaments ou les hospitalisations. En revanche, nous avons besoin de recul s'agissant des résultats sanitaires en termes de morbidité ou de mortalité. J'ajoute que cette généralisation est d'ailleurs très modulée : si Sophia concerne les trois millions de diabétiques français, certains d'entre eux ne sont sollicités qu'à travers la réception de documents, de journaux, de livrets ou de questionnaires. La segmentation de cette population permet de faire en sorte que plus la personne est à risque ou connaît des complications – cardio-vasculaires par exemple –, plus elle est accompagnée y compris, par exemple, dans le cadre d'échanges téléphoniques. Certains ont parlé de gestion de la maladie (disease management) mais tel n'est pas le cas : nous accompagnons en effet les personnes pour les aider à mieux maîtriser leur maladie et à suivre ce que les professionnels de santé – et, notamment, leur médecin traitant – leur ont proposé. Nous veillons à ce que tous les moyens existants sur un territoire donné soient utilisés au mieux pour les patients en fonction de leurs besoins. Une telle segmentation étant évidemment assez sophistiquée, elle requiert une certaine technicité.
Autre expérimentation mais qui, cette fois-ci, n'est pas généralisée tant il est difficile de savoir comment et avec quels moyens elle pourrait l'être : le dépistage de la surdité. Il en va de même de la vaccination contre le cancer du col de l'utérus dû au papillomavirus (HPV). En l'occurrence, le taux de couverture de la population est de 35 %, mais, là encore, il s'agit vraisemblablement des femmes les plus favorisées qui, demain, seront suivies en tout état de cause par un gynécologue. Nous considérons que cette cible n'est pas la bonne et qu'il conviendrait, si nous devions proposer cette vaccination, d'en viser une autre. Il convient d'évaluer notre politique en la matière et d'en mesurer le coût en sachant qu'au Royaume-Uni 95 % des jeunes filles de quatorze ans sont vaccinées et que de telles actions de prévention, hélas, sont parfois abandonnées au fil de l'eau.
Soyons un peu provocateur. Nous proposons en France 53 examens de santé tout au long de la vie : examens prénataux, postnataux, examens obligatoires des enfants de moins de six ans, bilan de santé pour les enfants âgés de trois à quatre ans, visites médicales des sixième, neuvième, douzième et quinzième années, entretien personnalisé en classe de cinquième, examen bucco-dentaire de prévention, consultations annuelles de prévention des jeunes de seize à vingt-cinq ans, certificat médical pour la journée d'appel et de préparation à la défense, examen préventif médical, social et psychologique des étudiants des universités, consultations prénuptiales, consultations de prévention pour les personnes de plus de soixante-dix ans, etc. Nous ne disposons d'ailleurs pas d'évaluations de ces examens auxquels s'ajoutent donc les programmes des centres d'examen de santé. En fait, il serait plus efficace de formuler des objectifs plus précis et peu nombreux. Cela ne signifie certes pas qu'un pilotage d'ensemble soit inutile – je songe aux cent objectifs annexés à la loi de santé publique de 2004 – mais il conviendrait de définir de façon précise ceux que nous voulons atteindre dans les dix prochaines années dans de grands domaines, l'approche systémique de tous les leviers qui doivent être activés et dont nous ne manquons d'ailleurs pas sur le plan national, régional et départemental – y compris le réseau internet – venant éventuellement ensuite. Cette politique doit donc être repensée à travers un pilotage global et une réduction sérieuse du nombre des objectifs. L'assurance maladie, quant à elle, essaie de faire preuve de pragmatisme et de s'intégrer dans les dispositifs en vigueur. En l'état, ses ambitions – qui sont grandes – sont circonscrites à la quinzaine d'objectifs que j'ai signalés : il n'y en a pas cinquante !