…les perspectives et les interrogations qu'ouvre cette réforme que certains qualifient d'historique – mais laissons à l'histoire le soin de la qualifier – lors de la discussion de l'article 39.
Je voudrais juste souligner dès à présent qu'une fois ouverte la possibilité de négocier avec l'assurance maladie une partie de la rémunération de l'officine sous forme d'actes ou d'honoraires, ce n'est pas seulement un mode de financement qui évolue, c'est aussi toute une philosophie.
Aujourd'hui, les pharmaciens qui s'en sortent le mieux sont ceux qui disposent de la surface financière la plus grande et qui peuvent casser les prix, chaque fois au détriment de leurs confrères. Demain, les pharmaciens réalisant des actes de santé publique – et ils sont très nombreux – pourront s'en sortir par la seule qualité de leurs prestations intellectuelles. La rémunération à l'honoraire leur permettra en effet de ne plus subir la logique de la marge appliquée au prix de vente du médicament. D'autres pays ont déjà franchi ce pas et créé avec succès un système mixte mêlant la marge commerciale et l'apport intellectuel et professionnel, à la manière des médecins ou d'autres professionnels.
Le maintien du réseau des pharmacies sur notre territoire est également primordial. Le risque serait de laisser la restructuration se faire en fonction de la seule contrainte économique, avec le risque de voir cette restructuration s'opérer lentement et de façon désordonnée, fragilisant le réseau, voire entraînant des ruptures dans le maillage officinal, ce dont personne ne veut, et surtout pas les patients.
C'est pourquoi nous proposerons à l'article 39 un amendement visant à accompagner et à maîtriser la restructuration du réseau, tout en maintenant, bien sûr, le dispositif législatif actuel dans les territoires de 2 500 habitants, afin de garantir une présence satisfaisante des officines en milieu rural.
La création des maisons de santé fait surgir un débat sur les conséquences de ces créations sur l'économie des officines du territoire concerné. En effet, l'implantation géographique de la maison de santé est loin d'être neutre et risque d'avoir des conséquences économiques et financières sur les officines. Je le mesure dans ma circonscription avec le projet de création d'une maison de santé dans le pays de Limours.
Certes, la création d'une maison de santé, c'est mieux qu'un désert médical et que l'absence de prescripteurs, mais il faut étudier très finement les projets, en s'appuyant sur une concertation maximale avec les élus et tous les professionnels de santé.
Toujours avec pour objectif de favoriser la restructuration du réseau, les organisations professionnelles souhaitent la création d'un fonds de modernisation, dont la gestion administrative serait assurée par l'assurance maladie mais qui serait financé par les titulaires d'officines.
Ce fonds percevrait auprès du ou des pharmaciens intéressés par une opération de restructuration les contributions destinées à financer le versement d'une indemnité compensatrice de cessation d'activité à l'officine concernée par la fermeture, ce qui entraînerait la caducité de la licence. Il serait bon que ce fonds de modernisation trouve sa place dans la convention pharmaceutique prévue à l'article 39.
Le rapporteur souligne la nécessité de mettre en oeuvre un dispositif fiscal favorisant le regroupement d'officines. Je partage son souci. Le fonds de modernisation est un moyen d'y parvenir, mais il faut aussi modifier le régime actuel de taxation de la plus-value sur la revente de l'officine, particulièrement désincitatif au regroupement des officines.
Cette modification ne relève pas du PLFSS mais d'une loi fiscale ; il faudrait revoir ce dispositif lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative de fin d'année. Nous sommes disposés à l'étudier avec votre cabinet, madame la ministre, et avec les services de Bercy.
Enfin, il reste à régler plusieurs points très importants, ressentis comme des cailloux douloureux dans la chaussure.
La dématérialisation totale des ordonnances représente un chantier supplémentaire qui mériterait un soutien financier comme cela a été le cas pour l'informatisation des cabinets médicaux.
Le développement du générique est freiné aujourd'hui par l'utilisation abusive du non-substituable ; aussi un accord entre l'assurance maladie et les médecins doit-il être rapidement conclu pour relancer ce mécanisme d'économie pourvu d'un fort potentiel.
Les ruptures de stocks et d'approvisionnement sont inadmissibles et posent de grosses difficultés aux officines.
L'expérimentation du forfait soins dans les EHPAD, dont la durée a été prolongée jusqu'en 2012, ne semble pas donner satisfaction ni répondre aux objectifs qui lui avaient été fixés à l'origine.
La vente de médicaments sur internet présente un risque, la plupart des produits concernés se révélant inutiles ou frauduleux.
Enfin, à propos des grands conditionnements, le ministre s'est déclaré prêt à revoir le mode de calcul des marges : toutes les organisations professionnelles le demandent et la Cour des comptes en a confirmé le déséquilibre. Les pharmaciens demandent que l'effort soit équilibré entre leur profession et l'industrie, alors qu'il est dix fois plus important pour eux aujourd'hui. Cela exige une mesure réglementaire qui pourrait intervenir rapidement.
L'officine est un maillon essentiel de la chaîne de santé puisqu'elle représente 57 000 pharmaciens, 50 000 employés et 4 millions de patients accueillis tous les jours. Comme tous les autres maillons, celui-ci doit être solide et solidaire des autres, sans quoi la chaîne du parcours de soins et de la santé publique sera rompue et perdra son efficacité, au détriment des patients.
Mais je sais que le ministre de la santé se montre très attentif à la solidité et à la robustesse de ce maillon. Son engagement sur l'article 39 le démontre. Les officinaux comptent sur lui.