Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Anny Poursinoff

Réunion du 25 octobre 2011 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnny Poursinoff :

Les déremboursements, la hausse du ticket modérateur, l'instauration d'un forfait de 30 euros pour les bénéficiaires de l'aide médicale d'État, la hausse du forfait hospitalier journalier, l'exclusion de certaines maladies des affections de longue durée en fournissent quelques illustrations.

Alors que l'IGAS dénonce les dépassements d'honoraires, votre gouvernement propose un nouveau secteur dit optionnel qui n'augure rien de bon.

Quant à la poursuite de la convergence tarifaire, elle a déjà fait la preuve de ses effets pervers. L'hôpital public est délaissé, des services hospitaliers sont contraints de fermer et les déserts médicaux s'étendent.

Le dernier exemple d'économie faite au détriment des plus fragiles est donné par votre volonté d'harmoniser les indemnités journalières maladie, maternité, accidents du travail en partant du salaire net. Cela permettra certes de récupérer 220 millions d'euros, mais à quel prix ? Cette décision correspond en effet à une diminution de près de 6 % des indemnisations journalières versées en cas d'arrêt maladie. Pour un salarié au SMIC, c'est-à-dire quelqu'un qui gagne chaque mois 1 365 euros brut, soit 1 071 euros net, l'indemnisation mensuelle par la sécurité sociale passerait de 680 à 640 euros. Les plus fragiles seront donc encore plus fragilisés.

Cette façon de procéder fait penser à votre loi TEPA. En pleine crise économique, vous avez fait voter une loi qui finance indirectement la destruction d'emplois. La défiscalisation des heures supplémentaires a en effet conduit à rendre toute nouvelle embauche plus coûteuse que le recours aux heures supplémentaires ; c'est une façon très particulière de lutter contre le chômage. Quant à votre proposition de soumettre le complément de libre choix d'activité à la CSG, elle relève de cette même logique de mesurettes qui doivent panser le fameux trou de la sécu, alors qu'il faudrait repenser le système.

Quant à la petite enfance, la politique du libre choix se heurte à l'insuffisance de l'offre de garde collective publique. Dans son rapport de septembre 2008, la Cour des comptes estime que les résultats ne sont pas au rendez-vous ; notre collègue Martine Pinville l'a également brillamment démontré. D'une part, les congés parentaux concernent surtout les femmes peu qualifiées issues de milieux défavorisés et les éloignent durablement du marché du travail. D'autre part, le nombre de crèches progresse trop peu.

Le décret pris par Mme Morano le 7 juin 2010 n'a pas arrangé la situation, bien au contraire. Rappelez-vous la mobilisation « pas de bébé à la consigne ». Hélas, ce ne sont pas les modifications que vous proposez pour le complément de libre choix du mode de garde en faveur des familles monoparentales et des parents handicapés qui vont profondément améliorer la politique de la petite enfance. Il s'agit là de mesures d'affichage, bien en deçà des besoins existants.

C'est à un rééquilibrage entre les prestations financières et les prestations en nature qu'il faut procéder, en faveur, bien entendu, des équipements collectifs. Il est urgent de proposer un plan ambitieux permettant la mise en place d'un réel service public de la petite enfance.

Concernant la perte d'autonomie, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est également en deçà de toutes les attentes et bien loin des annonces gouvernementales. Pourtant, il est urgent de mieux compenser la perte d'autonomie. Il est urgent de proposer un éventail de solutions adaptées aux personnes, respectueuses de leur choix, ainsi que de mieux prendre en compte les aidants, qui, le plus souvent, sont des aidantes. C'est une réforme d'envergure qu'il convient de mettre en oeuvre et non des mesures parcellaires qui, tout en étant nécessaires, manquent de cohérence globale.

Je le répète : la solidarité nationale doit couvrir ce risque.

Il ne saurait être question de se tourner vers l'assurance privée qui, à n'en pas douter, sera source d'inégalités, notamment du fait de son coût, et cela sans même garantir une qualité de service.

En presque cinq ans, la politique du handicap et la question de la perte d'autonomie n'auront pas bénéficié des moyens requis, ni n'auront été à la mesure des ambitions annoncées. La déception est grande, et plus que compréhensible.

Ce projet de loi est également trop timide en ce qui concerne la branche accidents du travail maladies professionnelles. Il faut mettre en place une meilleure prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Aujourd'hui, les salariés souffrent, au sens propre comme au sens figuré. J'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, ici même, mais, au risque de me répéter, voici quelques pistes qui mériteraient de susciter votre intérêt.

Sans m'étendre sur la nécessité de garantir une médecine du travail réellement indépendante, je souhaite attirer votre attention sur la nécessité de prendre en compte la satisfaction des salariés à l'égard de leur travail.

La mise en place d'un plan national d'ergonomie participative permettrait d'améliorer les conditions de travail, mais vous n'avez toujours pas daigné donner suite à cette demande.

Lors du débat sur les retraites, nous avons en outre insisté sur la pénibilité du travail. L'utilisation massive de pesticides, la manipulation de produits toxiques mais aussi le port de charges lourdes, les horaires atypiques ou encore le démantèlement des équipes de travail ont des conséquences sur l'espérance de vie. Les épidémies modernes – cancers, maladies cardiovasculaires, obésité, diabète, allergies, dépressions – sont la conséquence de nos conditions de travail, de nos modes de vie et de notre environnement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion