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Intervention de Anny Poursinoff

Réunion du 25 octobre 2011 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnny Poursinoff :

Pour assurer l'équilibre des comptes de l'assurance maladie, il convient de mener une refonte globale de la fiscalité : une extension de l'assiette des prélèvements, la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, et la mise en oeuvre d'une fiscalité écologique.

Pour assurer la sauvegarde de notre système de santé, il convient de rétablir l'équité contributive et de mettre en oeuvre une fiscalité écologique et solidaire.

Votre projet de loi ne va pas dans ce sens.

Votre façon de gérer les déficits sociaux ne résout rien mais va au contraire conduire à l'implosion de l'ensemble de notre protection sociale.

Votre majorité a déjà demandé à celles et ceux qui se lèvent tôt de travailler encore plus et de payer encore plus.

Rappelons que la réforme des retraites – que vous avez imposée – pénalise celles et ceux qui effectuent des tâches pénibles, qui manipulent des produits toxiques ou lourds, et bien sûr les femmes !

Cette année, à quelques mois des élections, vous n'osez pas demander des sacrifices aussi directs. Alors, vous proposez de nouvelles économies, j'y reviendrai, et de nouvelles recettes. Aucune réforme d'envergure, mais tout un arsenal de mesurettes aux lendemains incertains.

En ce qui concerne les nouvelles recettes, celles-ci s'apparentent à un rafistolage à la va-vite qui ne peut se substituer à la refonte globale de la fiscalité que je viens d'évoquer.

Permettez-moi tout d'abord de dire quelques mots sur la décision de doubler la taxation des contrats d'assurance maladie complémentaire. Le fait de porter la taxe de 3,5 % à 7 % aura un effet désastreux sur la couverture maladie complémentaire de la population. Le tarif des mutuelles est en effet un facteur déterminant de la décision d'y souscrire ou non.

Aujourd'hui, 14 % des chômeurs, 8,5 % des ouvriers non qualifiés et 3,7 % des cadres n'ont pas de couverture complémentaire. Quant aux étudiants, 19 % déclarent ne pas avoir de complémentaire santé et 34 % renoncent à se soigner.

Certes, des dispositifs existent pour favoriser l'accès aux soins des étudiants. Je pense notamment à l'aide à la complémentaire santé et à la CMU-C. Mais, pour qu'isl atteignent leurs objectifs, il conviendrait de revoir leurs critères d'attribution. L'indépendance fiscale, la décohabitation ou encore l'absence de pension alimentaire constituent trois critères inadaptés au regard de la situation des étudiants. C'est pourquoi il est nécessaire de simplifier l'accès à l'ACS, notamment en l'ouvrant de droit aux étudiants boursiers, sur le modèle de ce qui est fait pour les bénéficiaires du RSA.

Alors que les dépassements d'honoraires ne cessent d'augmenter, cette nouvelle taxe va encore fragiliser l'accès aux soins. Cette décision s'ajoute à la longue liste des déremboursements, des augmentations de franchises médicales, des fermetures de services hospitaliers.

À l'opposé de votre position, nous pensons que la sécurité sociale doit couvrir au moins 80 % des dépenses de santé. Une réforme ambitieuse de la fiscalité et une politique de santé liant l'éducation pour la santé et la prévention le permettraient, sans aggraver les déficits, au contraire. Remplacer de la sorte l'assurance maladie par les complémentaires et augmenter leur coût pour les citoyens est une fausse réponse au vrai problème du déficit. Surtout, c'est le recul de la solidarité.

La fiscalité comportementale que vous mettez en avant suscite également de nombreuses réserves. Votre projet de loi opère une confusion entre l'approche fiscale et l'approche santé publique. Il s'agit pour le Gouvernement d'une façon d'augmenter le prix des produits de consommation sans que cela influe réellement sur les comportements, sans que cela ait donc un impact au niveau sanitaire. Même M. Bur s'en inquiète.

Il est en effet admis qu'une hausse de la fiscalité parvient à avoir un impact sur la consommation uniquement si cette hausse est d'au moins 10 %. Les petites augmentations répétées n'ont que peu d'effet. Déguiser cette taxe avec un habillage de santé publique est donc illusoire !

Qu'il s'agisse de l'augmentation de la taxe sur le tabac ou de la taxe sur les boissons sucrées, les mesures ne sont pas à la hauteur des enjeux. Permettez-moi d'ailleurs d'en appeler au respect du principe de précaution concernant l'aspartame. Sa dose journalière admissible doit être revue, car ses dangers pour la santé sont avérés, et les deux centimes d'euros d'augmentation par canette ne répondent pas à une préoccupation de santé publique.

Quant à la taxe sur les alcools, contrairement à ce que laissent supposer les explications du Gouvernement, l'alcoolisme, responsable de plus de 37 000 morts chaque année, ne touche pas que les jeunes.

De façon plus générale, pour faire évoluer certains comportements, l'une des premières mesures à prendre n'est pas une mesure fiscale. Il s'agit, beaucoup plus simplement, d'opérer un changement de tutelle en intégrant la direction générale de l'alimentation au ministère de la santé et non plus au ministère de l'agriculture. Cela permettrait de placer la santé au centre des préoccupations et de se protéger des lobbys de l'agro-industrie. Cela permettrait aussi d'adopter une démarche globale en matière d'alimentation.

Je ne m'étendrai pas sur la nécessité de proposer dans toutes les cantines collectives des produits issus de l'agriculture biologique. En revanche, je vous parlerai de l'intéressante initiative du Danemark.

Pour lutter contre la consommation de graisses saturées, une taxe sur les produits alimentaires dits gras a été adoptée dans ce pays. Destinée à combattre l'obésité, elle s'applique à tous les produits gras. Les fonds amassés par cette taxe doivent servir à diminuer le prix de certains fruits et légumes. Vous l'aurez compris : pour que les décisions en matière de fiscalité aient un impact sur la santé, il faut avoir de l'ambition et une vision politique.

Ici, il n'en est rien.

Un autre point relatif aux recettes mérite qu'on s'y arrête. Il s'agit de la taxation des industries pharmaceutiques.

Afin notamment d'améliorer le système de formation continue des médecins, vous proposez d'augmenter le taux de la contribution sur le chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques. Cet acte serait, de la part de votre gouvernement, quasi téméraire, si cette augmentation n'était aussi timide. Après que la nouvelle Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a été si longtemps débattue, plus d'audace était attendue. Pourquoi ne pas tripler le taux actuel…

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