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Intervention de Gilles Frostin

Réunion du 19 octobre 2011 à 11h45
Commission de la défense nationale et des forces armées

Gilles Frostin, expert juridique de l'Union nationale des syndicats autonomes, UNSA :

L'UNSA-Défense est bien consciente des difficultés économiques du pays et de la nécessité d'un budget rigoureux. Mais l'addition de la politique de gel salarial pour les fonctionnaires et les ouvriers et les efforts d'adaptation permanents demandés aux personnels civils de toutes catégories du ministère de la défense deviennent à la longue assez insupportables. Nous ne pouvons donc qu'exprimer une fois de plus l'inquiétude et la colère des personnels civils de ce ministère.

La révision générale des politiques publiques, avec les suppressions d'emplois correspondantes, ainsi que les restructurations incessantes dans les établissements et services ont eu des effets particulièrement néfastes sur les conditions de travail des personnels.

La diminution des effectifs et le non-remplacement des départs en retraite suscitent du stress et une intensification du travail, qui induisent des risques psychosociaux. L'an prochain, 7 462 emplois seront supprimés, essentiellement dans les fonctions de soutien.

Les restructurations pleuvent. Les structures ont souvent une durée de vie limitée. Les agents ne sont plus considérés comme attachés à un bureau ou un service avec la compétence liée, mais comme interchangeables, ce qui entraîne souvent des pertes de compétence et d'autonomie. Bien des agents sentent dans la réorganisation des tâches que l'expertise de métier et les compétences professionnelles acquises précédemment ne sont pas prises en compte. Le changement semble véhiculer, pour les autorités, une image de progrès, tandis que la stabilité est perçue comme un manque de capacité d'adaptation. C'est le ton qui a été donné au plus haut niveau. On réorganise à tous crins, avec des résultats plus ou moins heureux.

Le rythme des dissolutions et transferts de formations et d'unités ne diminuera pas l'an prochain, puisque 184 mouvements sont programmés, notamment la dissolution de cinq régiments et de quatre bases aériennes, le transfert de deux régiments, de la direction des ressources humaines de l'armée de terre, ou encore de la SIMMAD (structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense).

Les travaux engagés dans le même temps pour la construction du futur siège du ministère à Balard entraînent des délocalisations de services (notamment à Arcueil) qui augmentent le stress des agents en rallongeant de manière sensible leur temps de transport quotidien.

Les désagréments sont nombreux et ne semblent pas être une préoccupation réelle des autorités. Pour elles, pas d'état d'âme : il faut suivre vaille que vaille ! Bref, l'état du dialogue social dans notre ministère n'est pas ce qu'il devrait être. Il conduit à une situation de découragement, voire d'épuisement des agents et de leurs représentants. Le lien de confiance entre l'UNSA et la direction des ressources humaines du ministère de la défense s'est dégradé au fil des années. Aujourd'hui il est proche de son point de rupture. De promesses non tenues en engagements oubliés, en déclarations artificielles, en affirmations fallacieuses, la direction des ressources humaines du ministère de la défense a eu raison de la patience de nos délégués.

Nous faisons face à un déni de démocratie sociale. Nous ne sommes pas loin de penser, au vu du dernier épisode malheureux des techniciens supérieurs d'études et de fabrications (TSEF), en faveur desquels, mesdames et messieurs les députés, vous vous étiez tous engagés, que vous n'êtes guère plus écoutés que nous par cette direction des ressources humaines. Serait-on devant un déni de démocratie tout court ? Un coup particulièrement malheureux est porté par ce biais à l'ensemble de la filière technique, quelle que soit la catégorie des agents. Nous considérons que l'absence d'écoute est un facteur clé de la souffrance au travail des agents, qui, lassés de cette attitude, perdent l'attachement fort qu'ils avaient vis-à-vis du ministère de la défense.

Nous en avons touché un mot tout à l'heure, la situation matérielle des agents ne les incite pas non plus au sourire. Que dire notamment des agents de la catégorie C, écrasés par le bas à cause de l'effet « SMIC » et bloqués par le haut du fait du déséquilibre des voies de passage en catégorie B ?

La situation matérielle des agents partis avec l'indemnité de départ volontaire nous inquiète également depuis que la réforme des retraites a reculé l'âge où ils vont pouvoir faire valoir leurs droits à pension. À cette question cruciale, nous n'avons toujours pas de réponse. Nous osons espérer qu'au cours de votre débat sur le projet de loi de finances, ce point sera abordé.

En ce qui concerne DCNS, l'État actionnaire ne suit pas les recommandations de l'État régalien. La prime « dividende » proposée aux personnels de cette entreprise est ridicule au vu des bénéfices réalisés et des dividendes touchés par l'État, d'autant qu'en sont exclus les ouvriers d'État, ce qui apparaît au mieux comme une anomalie, au pire comme une non-reconnaissance de la participation de ces personnels à la performance de l'entreprise.

L'année 2012 sera marquée par une actualisation du Livre blanc et de la loi de programmation militaire. Le Livre blanc proposait d'accorder une place plus importante aux civils dans le soutien des forces. Cela n'a pas été fait. Les « efforts » du ministère sur ce point ont été pour le moins timides, très loin des objectifs annoncés. Au vu du coût plus élevé des militaires sur les postes de soutien, voilà une piste qu'il faudrait creuser pour réaliser des économies substantielles.

Nous nous posons également des questions sur le budget consacré à la formation : 2,34 jours par an programmés pour les personnels civils, 17,86 jours par an pour les personnels militaires. Nous osons espérer que le ministère aura à coeur de faire un effort de formation vis-à-vis de ses personnels civils à hauteur de ce qui se fait pour nos collègues militaires.

En conclusion, nous sommes dans l'attente de réels progrès pour une « civilianisation » des postes de soutien. Nous jugerons la crédibilité du budget 2012 à l'aune de cette « civilianisation ».

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