En écoutant le début de ce débat, j'ai pensé, madame la ministre, qu'au fond vous étiez la fidèle exécutante d'un arbitrage gouvernemental, résultant peut-être d'un lobbying efficace du corps préfectoral.
Toutefois j'ai eu l'impression, en vous écoutant, que ce choix est beaucoup plus profond, que c'est presque un choix philosophique ou de principes démocratiques. Il est semble-t-il essentiel à vos yeux que le directeur général de l'ARS soit nommé par l'État, donc par le Gouvernement, donc par le ministre de la santé. Quant à l'instance qui, sans devenir un contre-pouvoir, devrait se tenir à bonne distance de l'exécutif de l'ARS non seulement pour le surveiller et le contrôler, mais aussi – tout simplement – pour rendre un certain nombre d'avis, vous croyez qu'elle doit aussi porter la marque absolue de l'État.
C'est toute une conception de la démocratie sociale qui s'exprime là, pour ne pas dire de la démocratie tout court. Marisol Touraine a eu raison de parler d'une double étatisation. Une simple étatisation aurait sans doute suffi à asseoir l'autorité des ARS, mais vous en rajoutez une seconde couche – si j'ose dire – dans une logique de concentration des pouvoirs en matière sanitaire : cela nous paraît réellement excessif.
Ce management très centralisateur, qui a trouvé aussi sa traduction dans la partie de ce texte consacrée à l'hôpital, a deux inconvénients évidents.
D'une part, vous subirez, quand les choses n'iront pas bien dans une région, des boycotts et des démissions, au lieu d'avoir un débat normal entre le conseil de surveillance et l'exécutif de l'ARS. La gouvernance est mal pensée, mal organisée : les protestations prendront d'autres formes qu'un simple débat entre un président de conseil de surveillance et un directeur général.
D'autre part, je pense à vos successeurs. Où le préfet, président du conseil de surveillance, ira-t-il chercher ses ordres en cas de débat difficile ? Tout naturellement au cabinet de la ministre – ou du ministre – de la santé, qui sera ainsi surexposé(e). Vous allez donc vous priver d'un lieu de débat où une parole libre aurait pu s'exprimer, et ainsi gommer la nature même de ces conseils de surveillance où l'on devrait retrouver l'expression des territoires, des partenaires de la santé et des partenaires sociaux.
Votre logique n'est absolument pas la nôtre : vous feignez de trouver notre attitude paradoxale, mais notre conception de la démocratie, notamment de la démocratie sociale, est très élevée : elle ne consiste pas à donner les pleins pouvoirs à l'État.