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Intervention de Philippe Plisson

Réunion du 19 octobre 2011 à 9h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Plisson, rapporteur pour avis :

Je suis heureux d'avoir été une nouvelle fois désigné par notre commission pour occuper la fonction de rapporteur pour avis des deux programmes 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables » et 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité ».

Je tiens tout d'abord à rendre hommage, pour leur disponibilité et la qualité des informations qu'ils m'ont fournies, tous les fonctionnaires du ministère que j'ai pu auditionner, notamment les responsables des deux programmes, M. Jean-François Monteils, secrétaire général du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, et M. Jean-Marc Michel, directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature, ainsi que Mme Dominique Dron, commissaire générale au développement durable et déléguée interministérielle au développement durable, et M. Jean-Claude Ruysschaert, directeur de la Direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement d'Île-de-France.

J'émets toutefois une protestation, quasi-traditionnelle, concernant la méthode : les documents budgétaires, sous leur forme papier, ne nous ont été communiqués que fort tardivement, à savoir le vendredi 14 octobre. Vous conviendrez que cette communication tardive gêne le travail des rapporteurs, et notamment la tenue de leurs auditions. Nous nous trouvons en effet dans l'obligation de fonder nos analyses sur une version électronique, donc susceptible d'évoluer, du projet de loi de finances.

J'attire votre attention, également, sur les fréquents changements, dans les documents budgétaires, de périmètre, de présentation des crédits mais aussi, ce qui me semble encore plus grave, d'indicateurs. Ceux-ci semblent de plus parfois manquer de fiabilité. Je n'en donnerai qu'un seul exemple : l'indicateur de la qualité des eaux, dont l'importance est centrale à maints égards, et dont le bleu budgétaire nous indique que « les valeurs présentées ont été calculées par extrapolation, selon la superficie des bassins, sur la base de diagnostics réalisés à partir de données disponibles mais partielles, et de méthodes provisoires, ce qui génère des marges d'incertitude importantes ».

Au-delà de l'analyse détaillée des crédits, que vous trouverez dans le projet d'avis qui vous a été remis sur table, je souhaite revenir sur quatre points relatifs au programme 113, qui, malgré son dispositif central dans l'application du Grenelle, se trouve amputé une nouvelle fois de 561 ETPT.

Le premier concerne l'évolution des crédits : le projet de loi de finances pour 2012 ne fait pas apparaître de bouleversement dans la dotation de ce programme, puisque les crédits demandés s'élèvent respectivement à 360,962 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 346,661 millions d'euros de crédits de paiement, correspondant à une hausse respective de 3,10 % et de 0,04 %. Cette hausse, qui mérite d'être saluée, ne modifie cependant pas substantiellement l'importance relative du programme au sein de la mission, puisqu'il en représente 3,76 % des AE et 3,56 % des CP,

Le deuxième point a trait à l'importance économique réelle de ce programme : l'une de ses particularités réside dans le caractère non significatif de ses dotations budgétaires, que je viens de détailler, car pour en avoir une idée plus précise il faudrait leur ajouter les 1,2 milliard d'euros de masse salariale de l'action « miroir » n° 13, du programme 217, correspondant à 13 000 agents, aux 100 millions d'euros pris en charge par le ministère de l'agriculture et de la pêche, mais surtout aux 2,5 milliards d'euros de budget des opérateurs de l'État placés dans son giron, dont 2,3 milliards d'euros proviennent des agences de l'eau…

L'action des agences de l'eau dans la protection de la ressource est déterminante et fait partie des missions qui leur ont été assignées dans le cadre des 9èmes programmes portant sur la période 2007-2012, et elle est entièrement financée par les redevances versées aux agences par les usagers de l'eau en fonction des volumes d'eau qu'ils prélèvent et consomment et des quantités de pollutions qu'ils émettent. Concernant la protection des milieux, elles doivent y consacrer, notamment pour satisfaire à l'objectif communautaire de bon état écologie des eaux de surface en 2015, 1 milliard d'euros, sur un total de 11,6 milliards d'euros. Ces sommes constituent le nerf de la guerre, sachant que l'action n° 7 du programme 113, qui couvre l'ensemble de la « gestion des milieux et de la biodiversité » n'est dotée dans le projet de loi de finances qui nous est soumis de 273 millions d'euros. J'attire donc votre attention sur les conséquences négatives que pourrait avoir, si le Gouvernement confirmait son intention en la matière, la ponction 55 millions d'euros sur les recettes des agences de l'eau. Nous serons très vigilants sur ce point lors du débat en séance publique.

Enfin, ma dernière remarque vise la réforme de l'application du droit des sols (ADS) : elle est portée par l'action n° 2 « urbanisme, aménagement et sites – planification », dotée de 74,54 millions d'euros en autorisations d'engagement et 75,58 millions d'euros, qui perd 119 ETPT cette année. La relative stabilité des crédits concernés (+ 3,14 % pour les AE, + 0,04 % pour les CP) ne doit pas masquer, sur le terrain, la diminution chaque année plus visible des ressources humaines affectées à ces missions. Cette année par exemple, les crédits demandés dans le programme n° 217 au titre des personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité » baissent par exemple de 1,64 %. Cette situation aboutit, dans de nombreux départements, à remettre purement et simplement en cause l'appui technique des services de l'État aux communes en matière d'urbanisme, qu'il s'agisse de simples missions de conseil, d'assistance technique pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT), ou de prestations fournies au titre de l'application du droit du sol (ADS), encadrées par l'article L. 421-2-6 du code de l'urbanisme, et qui sont gratuites pour les communes de moins de 10 000 habitants. Cette évolution inexorable contraint parfois des organismes de coopération intercommunale de se doter d'une compétence en matière notamment d'instruction des autorisations d'urbanisme, ce qui pose de nombreux problèmes, et ce qui a un coût budgétaire non négligeable.

J'en viens à l'examen du programme 217, dont l'importance pour la mise en oeuvre des politiques publiques en matière de développement durable est centrale, car il concentre quasiment toute la masse salariale – 99,4 % exactement - du ministère et les effectifs y afférents, hormis les emplois de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), inscrits sur le programme n° 181 « Prévention des risques ».

Force est de constater qu'il paye un lourd tribut à la contraction des finances publiques : - 6,08 % pour les AE, - 0,41 % pour les CP, et surtout 1 580 ETPT supprimés par rapport à 2011. Je souhaite, comme pour le programme précédent, formuler deux remarques de méthode.

Depuis novembre 2010, le pilotage de la politique de sécurité routière relève du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, cette décision n'étant pas neutre quant à l'orientation qui est donnée à ce pilotage. Sa traduction budgétaire aurait du être d'intégrer tous les crédits des personnels - soit 2 286 ETPT - du MEDDTL affectés à la sécurité routières dans les crédits demandés au titre du fonctionnement du ministère de l'intérieur, et notamment tous les crédits de l'action n° 9 du programme 217 (« Personnels oeuvrant pour les politiques du programme Sécurité routière et circulation routière »). Cela n'a pas été le cas, mais cette intégration aurait le mérite de la clarté et de la conformité à la lettre, sinon à l'esprit, de la LOLF.

En second lieu, les crédits de communication du Grenelle de l'environnement, qui faisaient partie de ceux demandés au titre de l'action n° 1 « Stratégie, expertise, et études en matière de développement durable » ont été transférés, à compter de 2012, sur les crédits de l'action n° 3 « Politique et programmation de l'immobilier et des moyens de fonctionnement » ; outre le fait que la logique de ce transfert ne saute pas immédiatement aux yeux, il contribue à « noyer » les crédits de communication spécifiques au Grenelle dans un poste « information et communication » relativement fourre-tout, dont la dotation est de 3,6 millions d'euros en AE et en CP.

Sur le fond, je voudrais revenir en dernier lieu sur les ressources humaines affectées spécifiquement au Grenelle, telles qu'elles nous sont présentées, et dont le caractère stratégique ne fait pas débat. Ces postes « Grenelle » ont fait l'objet d'un pilotage et d'un suivi spécifique, notamment en termes de mobilité. Les chiffres sont les suivants : au 31 décembre 2010, les postes « Grenelle » étaient pourvus à hauteur de 803 ETP, début juin 2011, ils étaient pourvus à hauteur de 877 ETP. Dans le cadre du budget triennal 2011-2013, en 2012, comme en 2011, il a été décidé de ne pas prévoir de création d'emplois « Grenelle » dans les services du ministère mais d'opérer en gestion des redéploiements internes pour répondre aux besoins « Grenelle ». Nonobstant la contrainte budgétaire, il serait intéressant que le ministère procède à de véritables recrutements sur des postes « fléchés » Grenelle, car il s'agirait là d'un signal fort, ce qui ne correspondrait qu'à une modification du type d'entrants, soit 1 150 nouveaux agents au titre de 2012, dont la répartition en catégorie A n'est pas donnée dans les documents budgétaires.

Pour compléter ce dispositif, des exonérations à la norme de suppression des effectifs ont été décidées pour certains opérateurs ciblés, exonérations qui sont entièrement compensées par des baisses d'emplois supplémentaires sur le budget général. Ainsi, en 2012, les suppressions d'emplois sur les opérateurs du MEDDTL (-164 ETP) sont partiellement compensées par :

– un allègement de la norme de suppression d'emplois (+ 41 ETP) pour les opérateurs ENPC, PN, ONCFS, ONEMA, ADEME, INERIS, ANDRA, IFPEN, IRSN, IFSTTAR (fusion de l'INRETS et du LCPC) ;

– des renforts spécifiques pour des opérateurs stratégiques (+ 31 ETP) PN, CELRL, ADEME.

Ces exonérations équivalent à la création de 72 emplois sous plafond, en complément des 77 créations mises en oeuvre en loi de finances pour 2011. Votre rapporteur ne peut que saluer cet effort, qui est réel, à la fois en ce qui concerne le ministère et ses services déconcentrés, mais également ses opérateurs.

Mais il reste bien en deçà de ce qu'il faudrait faire pour opérer une véritable révolution copernicienne en faveur d'une mutation écologique de ce ministère. A titre d'exemple, l'Agence des aires marines protégées se voit dotée cette année de 13 ETP supplémentaires, alors qu'elle devra faire face à une véritable multiplication de ses missions grâce aux objectifs ambitieux qui ont été fixés : création de 5 nouveaux parcs naturels marins, en sus de la gestion des 2 déjà existants, définition et gestion des zones Natura 2000 en mer, protection forte de 10 % des eaux territoriales.

En raison de ce manque d'adéquation entre des objectifs ambitieux et des crédits budgétaires qui reflètent l'absence de prise en compte de l'urgence écologique, votre Rapporteur émet un avis défavorable à l'adoption des crédits des deux programmes 217 et 113.

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