Nous partageons cette idée, mais faut-il autoriser le travail du dimanche pour que la France se mette à travailler, alors qu'elle compte plus de trois millions de chômeurs ? Pensez-vous que le travail du dimanche résoudra les difficultés auxquelles ces derniers sont confrontés ?
Si tel est le cas, alors cette proposition de loi n'est pas un texte mineur, comme vous semblez le dire. Soit cette proposition de loi apporte vraiment une réponse à la question majeure du travail, soit, comme je le pense, elle n'en apporte pas. Mais, dans ce cas, ce texte est inutile ; on peut alors y lire l'empreinte de l'idéologie qui le sous-tend.
Il s'agit, en fait, d'ouvrir tous les possibles en matière économique. En effet, vous croyez profondément que la croissance économique peut justifier toutes les remises en cause, tous les abandons, tous les dépassements.
Je peux aussi vous parler d'une zone touristique : les châteaux de la Loire. La plupart des communes concernées ne sont pas classées communes touristiques.
Tel est le cas, dans mon département, de Villandry, d'Azay-Le-Rideau, de Loches ou de Chinon, par exemple. Soucieux de faciliter, par delà les clivages politiques, le développement du tourisme et la fréquentation de ces sites, l'ensemble des acteurs politiques et économiques de la région ne croient absolument pas que c'est en ouvrant les commerces le dimanche qu'ils attireront davantage de touristes.
Vous ne pouvez pas démontrer que le développement du tourisme dans notre pays nécessite l'ouverture dominicale des commerces. Force est donc de constater que cette proposition de loi est un alibi, un prétexte. Soit elle a pour objet de répondre au problème spécifique de Plan-de-Campagne – mais il suffisait alors de limiter le texte à cette situation particulière –, soit elle vise à remettre en cause notre législation sociale.
A cet égard, l'argument selon lequel le travail le dimanche serait fondé sur le volontariat est une véritable supercherie. Liberté, vous n'avez que ce mot à la bouche : les maires seraient libres de permettre ou non l'ouverture des commerces sur le territoire de leur commune et les salariés d'accepter ou non de travailler le dimanche. Mais que se passera-t-il lorsqu'une personne sur le point d'être embauchée dans un petit commerce annoncera, comme le lui permet la loi, qu'elle n'a pas l'intention de travailler le dimanche ? Ne pensez-vous pas que le patron de ce commerce, qui emploie trois ou quatre salariés et doit ouvrir son magasin le dimanche pour répondre aux préconisations du maire, renoncera à l'embaucher ? La prétendue liberté du salarié est totalement fictive !
Certes, dans une grande surface qui emploie des centaines de salariés, ces derniers peuvent s'arranger entre eux pour que seuls ceux qui, éventuellement, le souhaitent travaillent le dimanche ; un roulement est possible. Mais il est totalement déraisonnable d'imaginer que les salariés d'un petit commerce auront une véritable liberté de choix. De manière générale, du reste, la liberté du salarié par rapport à son employeur est l'une des grandes fictions de notre époque. Lorsqu'une personne a besoin de travailler ou de conserver son emploi pour résister à la pression exercée quotidiennement sur son pouvoir d'achat, il va de soi qu'elle n'a pas la liberté de refuser de travailler le dimanche.
Par ailleurs, dans certains pays, comme la Chine, on peut faire ses courses sept jours sur sept et presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Est-ce là ce que vous nous proposez ?