À vous écouter, monsieur le ministre du travail, monsieur le rapporteur, deux principes essentiels structureraient votre démarche : ne travailleraient le dimanche que les salariés qui le souhaitent ; travaillée, cette journée serait payée double. Cela fait des mois et des mois que les médias répètent cette affirmation gouvernementale ; mais cela fait aussi quelques semaines que cette image se trouble, et que la vérité commence à éclater : il n'en sera rien.
Manifestement, ces arguments n'ont pas réussi à convaincre les Français, qui restent à 55 % opposés au travail dominical, notamment dans les grandes agglomérations et les zones touristiques, comme vient de le révéler un sondage Viavoice paru mercredi.
Ils sont 59 % à penser que le travail le dimanche ne permet pas de soutenir l'activité économique. Ils sont 53 % à dire qu'il n'augmentera pas le pouvoir d'achat des salariés concernés. Ils sont 65 % à refuser l'argument commercial selon lequel il serait plus facile de faire ses courses ce jour-là.
Il faut dire, mes chers collègues, qu'ils ont de bonnes raisons de penser que le chef de l'État et sa majorité ne tiendront pas leurs promesses, en ce domaine comme dans de nombreux autres, d'ailleurs.
S'agissant de l'étendue réelle des nouvelles dérogations, il est bien difficile d'en évaluer les conséquences sociales, économiques, environnementales et sociétales : vous avez refusé toute étude d'impact, ce que nous avons vivement regretté.
Une chose est sûre toutefois. Comme l'explique Olivier Pardo, défenseur de la Confédération générale des salariés du dimanche, c'est tout le paradoxe de cette loi : au lieu de réduire les dérogations, elle crée une exception de plus.
En outre, avec ces fameux PUCE – périmètres d'usage de consommation exceptionnels – le gouvernement légalise la situation de magasins en zones commerciales, comme Plan-de-campagne, qui est à l'origine de la proposition de loi, mais aussi Herblay ou Thiais-Village, magasins qui ouvrent déjà le dimanche en violation de la loi.
S'agissant des zones touristiques – ou d'affluence touristique, notion supposée moins floue substituée à la première pour tenter de calmer les réticences des derniers députés de l'UMP –, il y a aussi supercherie.
Il ne fait pas de doute que le dispositif envisagé ne se contente pas seulement de mettre un terme à des situations ubuesques. Selon la nouvelle version, plus révélatrice encore que la précédente, dans ces communes dont le périmètre sera établi par le préfet, tous les établissements de vente au détail – et non plus uniquement ceux mettant à disposition du public des biens et services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente et de loisir d'ordre sportif, récréatif ou culturel – pourront employer des salariés le dimanche.
Pour ce faire, nul besoin d'obtenir une autorisation ; désormais ces ouvertures sont de droit. Il n'y a nul besoin de volontariat, nulle exigence de contreparties salariales ou de repos ; et l'ouverture dominicale n'étant plus exceptionnelle, elle n'est donc plus majorée. Et vous dites encore que le texte ne banalise pas le travail le dimanche ! Mais bien sûr que si !
Convaincus du contraire, refusant la généralisation du travail le dimanche, inévitable en l'absence de véritables garde-fous, nous abordons l'examen de cet article 2 avec la détermination de le voir retiré.