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Intervention de Jean-Jacques Guillet

Réunion du 12 octobre 2011 à 10h55
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis :

Le problème est que les deux principaux émetteurs, la Chine et les Etats-Unis, ne font pas des négociations climatiques une priorité. La Chine considère en effet qu'elle n'a pas à brider sa croissance économique par des mesures pénalisant ses entreprises et qu'une économie respectueuse de l'environnement sera principalement le fruit de l'innovation technologique. Pékin a encouragé avec succès la mise en place d'une industrie solaire, devenant en quelques années le premier producteur mondial de panneaux. Pékin juge en outre que les pays développés sont historiquement responsables de la situation actuelle et qu'il leur appartient de fournir les efforts nécessaires aux transformations de leurs économies. Cet argument, sans doute valable il y a quelques années, tient de moins en moins dans la mesure où le CO2 émis annuellement atteint désormais 6,8 tonnes par habitant en Chine, à comparer à 5,9 tonnes en France. La Chine a ainsi multiplié par deux son niveau d'émission depuis 2003. Mais, compte tenu de son poids dans l'économie mondiale comme dans la finance, aucun pays ne peut faire pression sur elle. Son inertie volontaire préfigure à elle seule un échec de la conférence de Durban.

L'analyse des Etats-Unis est similaire à celle de la Chine. Washington met en avant la priorité qu'elle accorde à la création d'emplois et au soutien de la croissance et parie sur l'innovation technologique plutôt que sur un accord international. En outre, même si le Gouvernement fédéral se ralliait à un accord – sur ce point, le Président Obama a été plus dynamique que son prédécesseur - ce dernier ne serait pas ratifié par un Congrès dominé par le parti Républicain, largement hostile à toute réglementation environnementale.

La Chine et les Etats-Unis n'ont jamais ratifié le protocole de Kyoto dont la première période expirera le 31 décembre 2012. Dans ce contexte, le Japon, le Canada et la Russie ont déjà annoncé leur refus de souscrire à une seconde période d'engagement de ce protocole si les deux principaux pays émetteurs refusaient de signer un accord global à Durban. Les pays émergents, Inde et Brésil en tête, rappellent la faiblesse de leurs émissions par habitant et renvoient les pays anciennement industrialisés à leur responsabilité historique. Aussi pourraient-ils adopter la position de la Chine. A l'heure actuelle, l'avenir du protocole de Kyoto est très incertain.

Les pays en développement font clairement du réengagement des pays développés un préalable pour la poursuite des discussions sur le futur régime à mettre en place. Or, le refus de la majorité des grands pays extra européens de s'engager sur une deuxième période du protocole oblige les autres pays (appelés parties de l'Annexe I du protocole de Kyoto), particulièrement ceux de l'Union européenne (UE) à rechercher de nouvelles voies de compromis, mais leur marge de manoeuvre est étroite. Au-delà de l'objectif global qui a pu être fixé à Cancun, il n'y a pas d'accord sur l'effort à accomplir par chaque pays.

Je compte évidemment interroger Mme la ministre chargée de l'environnement sur les résultats qu'elle attend de la conférence de Durban. Mais au-delà, je me demande – et j'interrogerai également la ministre sur ce point – si le format des conférences internationales sur le climat est bien adapté. Certes, à problème global, traitement global, mais le résultat, lui, est un échec global. Sans doute faut-il de la patience, de la volonté, mais pendant que nos gouvernements ne parviennent pas à un accord, les attentes de nos opinions publiques sont fortes et la situation climatique s'aggrave dans plusieurs régions du monde, avec une érosion des rivages maritimes et des populations frappées par le stress hydrique.

Dans ce contexte, il faut saluer les efforts de l'Union européenne qui s'est fixée un objectif ambitieux de 20% de réduction d'émission de CO2 pour 2020 et qui travaille à un objectif encore plus ambitieux en 2050. A titre personnel, je pense qu'il vaut mieux jouer la carte européenne, en étroite coopération avec la Russie, et mettre en place une société et une économie sobre en ressources naturelles et en carbone, en faisant confiance aux initiatives locales et nationales comme au progrès technologique, plutôt qu'attendre un accord mondial qui ne vient pas.

Je terminerai mon propos par de brefs commentaires sur la biodiversité et la mise en place d'une organisation mondiale de l'environnement.

L'état de la biodiversité laisse place à un constat pessimiste, avec la disparition accélérée d'espèces végétales et animales en raison de l'activité humaine, mais il y a place pour l'optimisme, car la conférence de Nagoya, en octobre 2010, a abouti à un accord intéressant.

Le Protocole de Nagoya portant sur l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages issus de leur utilisation a en effet été adopté par 193 États et constitue pour la biodiversité une avancée de l'ordre de ce que représentait le protocole de Kyoto sur le climat. Il fixe des règles pour lutter contre le pillage des ressources biologiques, qui permettront de garantir un juste retour, financier ou en nature, à ceux qui conservent la biodiversité. En d'autres termes, il donne une valeur juridique et économique à la biodiversité. L'humanité reconnaît la valeur de la biodiversité pour ses activités et les conséquences pratiques sont nombreuses. Si un laboratoire pharmaceutique utilise par exemple le savoir ancestral d'une tribu amazonienne sur les bienfaits de certaines plantes, il devra rétribuer d'une manière encore à définir les détenteurs de ce savoir.

Il existe une prise de conscience généralisée sur les atteintes à la biodiversité. Nous disposons désormais d'une grande palette d'instruments juridiques. Il reste à les mettre en pratique. Le fait que l'humanité s'accroisse de 86 millions de personnes chaque année accroît la pression sur les ressources naturelles, au point d'en épuiser certaines. Là est notre plus grand défi.

La création d'une organisation mondiale de l'environnement – OME – est un projet que la France porte depuis longtemps. L'idée progresse lentement au sein de la communauté internationale. Jacques Chirac l'a longtemps soutenue et lors de son intervention à Genève, le 15 juin 2009, Nicolas Sarkozy a souligné la fragmentation de la gestion internationale de l'environnement, qui affaiblit l'action de la communauté internationale. Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) n'a pas, en l'état, les moyens de coordonner cet ensemble.

Aussi la France propose de le transformer en une organisation universelle, dotée d'une personnalité juridique et disposant de ressources stables. Elle coordonnerait l'action des dizaines d'agences spécialisées sur l'environnement et disposerait financièrement d'un fort effet de levier. Seule une OME semble à même de piloter l'agenda environnemental international, de donner une cohérence aux programmes et aux accords internationaux, de dialoguer efficacement avec les établissements financiers porteurs des instruments existants, d'associer la société civile en reconnaissant une place aux ONG, aux collectivités locales, au secteur privé et aux partenaires sociaux. La relation entre les responsables politiques et les experts scientifiques est également cruciale.

L'idée progresse lentement au sein de la communauté internationale. La France, l'Allemagne et l'ensemble de l'Union Européenne portent avec détermination ce projet qui reçoit un accueil favorable de plusieurs autres grands pays industrialisés (Australie, Suisse), émergents (Mexique, Indonésie) ou en développement (Algérie, Maroc, Kenya, Sénégal, Gabon). D'autres pays sont sérieusement réticents : certains ont des réserves de principe (Etats-Unis, Canada) ; d'autres craignent le coût d'un tel projet (Japon) ; d'autres enfin demandent encore à être convaincus (Chine, Inde, Argentine, Afrique du Sud).

Rien n'est donc acquis mais le débat a mûri. La France espère que l'idée sera acceptée lors de la prochaine conférence qui se tiendra à Rio, du 4 au 6 juin 2012, vingt ans après le premier sommet de la terre.

Telles sont, M. le Président, mes chers collègues, les réflexions que je souhaitais partager avec vous.

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