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Intervention de André Chassaigne

Réunion du 29 septembre 2011 à 9h30
Protection des consommateurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Je reprends donc, madame la présidente.

Ce projet de loi brille aussi par ses omissions. Ainsi, les débats en commission l'ont montré : vous n'avez pas l'intention de sévir face aux pratiques scandaleuses de certaines entreprises. La philosophie « consommatrice » qui est à l'oeuvre dans votre texte consiste à considérer que, tant que les consommateurs sont censés être bien informés, les industriels peuvent leur faire avaler n'importe quoi. Selon cette logique, ils pourraient même vendre des yaourts au mercure pourvu que cet ingrédient soit indiqué sur l'étiquette ! (Exclamations.)

Un tel positionnement n'est pas satisfaisant. Ce projet de loi ne dit rien des réels problèmes rencontrés par les ménages aujourd'hui : rien sur le surendettement ; rien sur les frais bancaires abusifs ; rien sur l'envolée des loyers et la spéculation immobilière ; rien sur le prix de l'essence ou de l'alimentation !

Sur ce dernier point, il y aurait pourtant fort à faire, alors que les prix alimentaires augmentent de façon continue, à un rythme annuel de 2 %, avec des fluctuations allant – rendez-vous compte – jusqu'à plus 13,5 % pour les produits frais ! Ces hausses injustifiées des prix de vente aux consommateurs de produits indispensables grèvent chaque année un peu plus le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes. Mais les agriculteurs, eux, n'en sentent pas les effets, soumis qu'ils sont à une dégradation récurrente des prix d'achat de leur production.

Vous savez, monsieur le secrétaire d'État, que cette situation a été entretenue par des choix législatifs, ceux de votre gouvernement, qui offrent désormais toutes les garanties aux distributeurs pour faire pression à la baisse sur les prix d'achat et favoriser un accroissement des marges, au détriment des consommateurs. En effet, leur domination sans partage sur la valeur ajoutée a été plus que facilitée par la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite loi Chatel, et par loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, si chère à l'actuelle présidente du FMI !

Grâce à votre majorité, la déréglementation des relations commerciales, avec notamment la consécration du principe de libre négociation des conditions générales de vente, a considérablement affaibli les producteurs dans les négociations. Les pratiques contractuelles de la grande distribution avec ses fournisseurs, introduisant une multitude de services optionnels, contribuent aujourd'hui à minimiser les risques et les contraintes afférentes aux actions intermédiaires avant la mise en rayon.

Ces pratiques garantissent une politique de marges commerciales exorbitantes. Parallèlement, les mêmes distributeurs organisent à leur guise une politique active d'importation et de promotion, en fonction de l'arrivée des productions françaises sur les marchés, pour faire pression à la baisse sur les prix d'achat.

Les consommateurs, eux, n'ont pas le choix. Ils voient toujours les prix des produits s'envoler. Comment justifier qu'en cet été 2011, un kilo de prunes acheté 1,20 euro au producteur ait été vendu 2,60 euros sur les étals des hypermarchés ? Comment justifier qu'un kilo de tomates acheté 45 centimes le kilo au producteur français soit retrouvé à 2 euros sur les étals ? Comment justifier que le kilo de poires soit revendu deux à quatre fois son prix d'achat, passant de 1,50 euro à 3 ou 5 euros ?

Le laisser-faire du Gouvernement dans ce domaine, combiné à la rapacité des distributeurs, trouve son aboutissement dans le relevé annuel des bénéfices nets des grands groupes français de la distribution. Sur le dos des producteurs et des consommateurs, le résultat net du groupe Carrefour s'est élevé à 568 millions d'euros en 2010 – plus d'un demi milliard ! –, à 437 millions d'euros en 2009, et il était même de 1,5 milliard d'euros en 2008 ; celui du groupe Auchan s'est établi à 705 millions d'euros en 2010 et à 727 millions d'euros en 2008 ; celui du groupe Casino était de 529 millions d'euros en 2010 ; celui du groupe Mousquetaires-Intermarché de 165 millions d'euros.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez mille fois raison : pour les droits, la protection et l'information des distributeurs, votre gouvernement a frappé fort .

Mais puisque vous avez la ferme volonté de faire contrition – je n'ose dire de vous racheter –, en apportant des réponses avec ce texte, sans doute serez-vous disposé à faire cesser ce racket en soutenant l'adoption de mon amendement visant à instaurer un coefficient multiplicateur entre les prix d'achat et les prix de vente des produits alimentaires ? Vous montrerez alors votre détermination, non pas à faire de l'affichage politique, mais bien à agir efficacement à la fois pour améliorer les revenus de nos agriculteurs et pour garantir le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Contrairement au ministre de l'agriculture il y a déjà deux ans, je suis persuadé que vous ne m'inviterez pas à patienter et à m'en remettre aux brillantes négociations entamées par le Président de la République sur la modération des marges ! Vous ferez ainsi mentir cette devise que d'aucuns, esprits mal-pensants, attribuent à votre gouvernement : « La curée pour les puissants et la faim pour les plus pauvres ! »

Les débats en commission ont aussi abordé la question de l'action de groupe. Les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche sont favorables à cette disposition.

Permettez-moi de citer un exemple remontant à 2005 : cette année-là, plus de 400 000 consommateurs ont payé, de façon injustifiée, 3 euros par mois pendant six mois en matière de téléphonie mobile. Or, personne n'engagera un contentieux pour 18 euros, alors même que globalement le préjudice a été chiffré à plus de 7 millions d'euros ! L'opérateur a spolié les consommateurs de 7 millions d'euros, et il ne risque rien, car personne ne saisira la juridiction compétente.

Si nous ne faisons rien, les pratiques de ce genre seront appelées à se multiplier. Et c'est d'ailleurs déjà le cas ! Ne citons pas ici l'exemple de cet opérateur dans le secteur de l'énergie qui gonfle artificiellement les mensualités de ses clients pour dégager indûment de la trésorerie. Le nombre des recours adressés au médiateur de l'énergie sur ce problème précis a d'ailleurs explosé.

Pour remédier à ces entorses – et le mot est faible –, nous avons déposé un certain nombre d'amendements reprenant l'idée d'une action de groupe à la française, avec une saisine élargie et un champ d'application ambitieux.

Vous le voyez, des solutions sérieuses existent pour améliorer le pouvoir d'achat des salariés.

A contrario, ce projet de loi cache, sous son emballage et son étiquetage, les ingrédients du vrai programme de la droite en matière de consommation, notamment l'instauration de la TVA sociale. Vigoureusement défendue par Jean-François Copé, chef de l'UMP, et par Valérie Pécresse, porte-parole du Gouvernement,…

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