…elle-même précédée par d'autres crises, et le Gouvernement à dû prendre en considération les enjeux réels de la sécurité sanitaire. Vous avez donc, monsieur le ministre, réuni les Assises du médicament et présenté ce projet de loi tendant à renforcer la sécurité sanitaire de nos concitoyens.
La confiance de ces derniers dans leur système de santé, et celle des professionnels de santé et des prescripteurs dans le système de sécurité sanitaire ont fortement été ébranlées. Ce texte a donc le mérite d'exister et présente quelques réelles avancées, notamment en matière de transparence. Toutefois, certains problèmes de fond ne sont pas traités et d'autres sont simplement contournés. Il en va ainsi de l'indépendance de l'information sur le médicament et de la formation continue des médecins, thèmes auxquels je consacrerai mon intervention.
Nous aurions espéré discerner dans ce texte, même en filigrane, une volonté de changer profondément le système d'information des professionnels de santé sur le médicament. Tel n'est malheureusement pas le cas.
S'agissant de l'amélioration de la formation médicale continue, ou FMC, qui représente l'un des objectifs que nous partageons, si l'on peut considérer que le texte de la loi sera probablement respecté, on peut se demander ce qu'il en sera de son esprit. En effet, cette formation reposera toujours sur la visite médicale. Or, quelles que soient les modalités de cette dernière – individuelle ou collective –, dès lors qu'une part de la rémunération des délégués des laboratoires pharmaceutiques professionnels est directement liée au chiffre d'affaires réalisé, vouloir leur imposer une parfaite objectivité est un voeu pieux.
Vous proposez qu'une taxe soit versée par l'industrie pharmaceutique afin de financer la formation médicale continue. Il s'agit là d'une avancée réelle, mais qui ne répond pas aux enjeux. La FMC est en déshérence et, dans les hôpitaux publics, où les sommes consacrées à la formation des praticiens hospitaliers sont très faibles, l'industrie pharmaceutique s'est substituée depuis de nombreuses années – vous n'en êtes pas le seul responsable – à l'enseignement public. Avec cette taxe, nous risquons de traiter le symptôme plutôt que la maladie. C'est une sorte de replâtrage d'un système à bout de souffle.
Or, en juillet dernier, les résultats de l'enquête lancée par votre prédécesseur, Mme Bachelot, sur l'exercice médical dans les établissements publics de santé révèlent notamment que, si 96,5 % des praticiens hospitaliers considèrent le thème de la formation médicale continue comme très important, leur niveau de satisfaction en la matière reste, quel que soit le type d'établissement, relativement moyen – seule la moitié à peu près s'estiment satisfaits. En d'autres termes, l'importance accordée à l'acquisition de nouvelles qualifications médicales et professionnelles est loin d'être satisfait, et cela, je le répète, quel que soit le type d'établissement.
Comment faire pour que la formation médicale continue soit parfaitement dégagée de toute considération mercantile, notamment au sein de l'hôpital public ?
Une des solutions consisterait à établir une séparation très nette entre la promotion commerciale des nouveaux médicaments que les visiteurs médicaux doivent continuer à assumer, et l'information sur les médicaments qui, elle, doit se faire dans le cadre d'une formation médicale continue réellement indépendante, avec les moyens correspondants. Sinon, comment espérer, à moyen terme, une rationalisation de l'utilisation des médicaments dont on sait que les associations pléthoriques sont parfois à l'origine de pathologies iatrogènes et de surcoûts inutiles ?
Quant au dispositif de développement professionnel continu adopté par le Parlement voilà maintenant deux ans, nous attendons toujours sa mise en oeuvre.
Je me référerai, pour conclure, au Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire que cinq éminents professeurs de médecine et experts en politique de santé viennent de publier, texte cosigné par 123 personnalités du monde médical et de la société civile. Leur diagnostic est sévère : le modèle français est malade ; faute d'un traitement de choc, il est condamné. Je crains, monsieur le ministre, que le projet de loi que vous nous présentez ne réponde pas à leurs attentes, ni à celles des Français en la matière.
Les choix politiques pour restaurer la confiance dans notre système de santé et de sécurité sanitaire restent trop timorés, même si ce texte comporte quelques avancées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)