L'école a pris, au cours de la dernière décennie, une place prioritaire dans le combat pour l'amélioration de la santé en France, depuis qu'il est apparu que notre pays est, au sein de l'Union européenne, celui où la mortalité due aux comportements – accidents, suicides, alcool, tabac – est la plus élevée. Ces comportements nocifs débutent pendant l'adolescence, mais sont conditionnés par la construction mentale qui se fait pendant la petite enfance.
À l'heure actuelle, la situation de la santé à l'école est préoccupante pour deux raisons principales. Premièrement, l'absence d'une doctrine cohérente : les concepts en ce domaine ont grandement évolué depuis 1975, mais on s'est contenté d'additionner les approches au lieu de redéfinir les buts et d'adapter les moyens. Deuxièmement, l'absence de suivi des actions entreprises : les directives et circulaires n'ont pas manqué, non plus que les études, mais on n'a tiré aucun enseignement des échecs comme des réussites.
La place de la santé pendant la prime enfance a beaucoup évolué. Autrefois, on s'attachait essentiellement, chez les petits, aux problèmes somatiques : malvoyance, malentendance, difficultés motrices. Aujourd'hui, les problèmes psychosociologiques passent sur le devant. Instituteurs et professeurs sont devenus ceux qui repèrent le plus vite les enfants en difficulté et les interventions sont d'autant plus efficaces qu'elles sont précoces : c'est pourquoi il faut réaffirmer que l'éducation à la santé fait partie des missions de l'école.
Or, dans son rapport, la Cour note que « la médecine scolaire n'occupe qu'une place limitée dans les orientations formulées par le ministère de l'éducation nationale », et elle relève « une difficulté à définir clairement des objectifs nationaux adaptés aux réalités et aux besoins du terrain ». Le directeur général de l'enseignement scolaire lui-même a reconnu, lors de son audition par la Cour, que la médecine scolaire constituait un domaine qui n'était pas dans le « coeur » de métier de l'éducation nationale.
S'agissant des politiques académiques, et surtout des moyens de la médecine scolaire, la question essentielle réside dans la gestion des ressources humaines, marquée par d'importantes difficultés de recrutement, mais également par des rigidités dans les procédures d'affectation. En outre, les conditions matérielles d'exercice sont inégales selon les établissements.
Pour ce qui est du budget et s'agissant des médecins, les données disponibles indiquent une diminution de 169 ETPT (équivalents-temps plein travaillé) entre 2006 et 2011. On ne peut que regretter que cette baisse tienne à une sous-consommation chronique des emplois concernés et à l'utilisation des supports vacants pour financer des postes de conseillers principaux d'éducation.
Le ministère de l'éducation nationale doit se donner les moyens d'un pilotage national de la médecine scolaire. Cette démarche volontariste pourrait justifier la création d'un service dédié à la médecine scolaire, dirigé par une personnalité reconnue du milieu médical, ainsi que le propose la Cour des comptes. Ce serait un signal fort pour identifier cette médecine scolaire comme une politique publique à part entière et pour assurer une plus grande cohérence stratégique entre objectifs et moyens.
Quant à l'organisation de la médecine, elle est fortement déconcentrée à l'échelon des académies, et plus encore à celui des inspections académiques. Mais cette structuration administrative, assez classique, masque un fonctionnement en réseaux : réseau interne des médecins et des infirmiers en relation avec leurs conseillers techniques situés aux échelons national, rectoraux et départementaux ; réseau externe de partenariats multiformes avec des acteurs extérieurs à l'éducation nationale, qu'ils relèvent des collectivités territoriales, des services et acteurs de santé ou du milieu associatif. Confrontés à cette complexité, les personnels formulent des interrogations sur le positionnement institutionnel de la médecine scolaire. Un collège du Rhône souligne même que le médecin, qui n'assure qu'une demi-journée par mois dans l'établissement, ne peut que gérer les urgences et les visites obligatoires. Il faut donc repenser le rôle de ces praticiens, dont la charge est telle qu'ils ont l'impression d'être soumis à un travail à la chaîne et qu'ils abandonnent l'éducation nationale dès qu'ils le peuvent – d'où aussi un problème de recrutement.
En conclusion, la Cour des comptes s'étonne des divergences entre le ministère de l'éducation nationale et celui de la santé, et souligne qu'elles doivent impérativement être surmontées en raison de leurs effets sur le suivi médical des élèves. Elle souligne aussi les importants efforts de coordination interministérielle qu'il reste à faire pour clarifier les objectifs de la médecine scolaire par delà les approches sensiblement différentes des deux ministères concernés. Ce qui pose à nouveau la question du positionnement de cette médecine : faut-il la considérer comme prérogative de l'État ou faut-il en faire une responsabilité des collectivités territoriales ?
Pour finir, je ne peux que regretter qu'il ne soit nulle part fait état du rôle de la médecine scolaire et du suivi médical de l'élève dans le dossier de rentrée 2011-2012, pourtant intitulé « Pour la réussite de chaque élève ».