Je vous remercie de votre invitation à présenter devant vous le premier rapport d'activité de la Hadopi.
Rarement une nouvelle institution aura été installée dans un climat aussi difficile. Les critiques, voire les attaques, dont nous avons fait l'objet n'ont toutefois pas entamé notre détermination. Avec les équipes engagées à mes côtés, nous avons mis en place la Hadopi en veillant, comme nous l'avions toujours voulu, à ce qu'elle soit une institution indépendante, mobilisée sur les missions que le législateur lui a confiées et largement ouverte au dialogue, dans la recherche permanente de solutions équilibrées.
Le défi est de taille. La Hadopi est la première et seule institution disposant de moyens juridiques, financiers et humains entièrement dédiés à cette recherche, indispensable, de l'équilibre que nous souhaitons tous parvenir à atteindre sur internet.
Qu'a-t-elle fait pendant ses dix-huit premiers mois d'existence ? Je ne reviendrai pas sur la mise en place de l'institution. Pas moins de treize décrets d'application ont été nécessaires, sans parler de l'élaboration des règles internes, du recrutement des personnels – nous en compterons 70 début 2012 –, de l'installation des équipes et des matériels.
Je n'évoquerai que le dispositif de réponse graduée d'une part, le développement de l'offre légale d'autre part.
La réponse graduée est devenue une réalité. Saisie en août 2010 par les ayants droit pour les premiers constats, et après avoir procédé à de minutieuses vérifications que la toute nouvelle mise en place du dispositif rendait indispensables, la Commission de protection des droits (CPD) a envoyé ses premières recommandations dès le 1er octobre. À ce jour, 650 000 ont ainsi été adressées à des abonnés dont l'accès à internet a été utilisé à des fins illégales. Et plus de 44 000 deuxièmes recommandations, consistant en un mail assorti d'une lettre recommandée, ont suivi, pour les internautes ayant réitéré ces négligences. La CPD aborde aujourd'hui la troisième phase de la procédure, prévue lorsque l'envoi de la deuxième recommandation n'a pas été suivi d'effet. Pouvoir lui a été confié par la loi d'apprécier la suite à donner dans chaque cas. Elle fait preuve d'une grande rigueur et d'une grande minutie pour décider cas par cas, au vu du contexte et des explications qui lui sont fournies, s'il convient de transmettre le dossier à la justice. Une soixantaine de dossiers sont déjà en cours d'instruction et les auditions des internautes concernés ont commencé.
Le mécanisme de la réponse graduée, qui est donc opérationnel, est bien accepté par les internautes. On compte en France un peu plus de 38 millions d'usagers d'internet, dans leur immense majorité des personnes qui en font un usage raisonné et raisonnable. Nos enquêtes récentes ont montré que même s'ils émettent des réserves quant à l'efficacité de notre institution et le bénéfice potentiel du dispositif pour la création culturelle, 40 % à 50 % d'entre eux considèrent que sa mise en place constitue « une bonne initiative ».
Pour réelle qu'elle soit, la réponse graduée ne saurait se suffire à elle-même. Elle n'est qu'une mesure d'accompagnement à la mission plus vaste confiée à la Hadopi d'encourager le développement de l'offre légale. Le rappel à la loi adressé par la CPD ne sera entendu que si les internautes peuvent avoir accès facilement, tant sur le plan technique que sur le plan financier, à une offre légale assez riche et diversifiée.
Or, le marché de l'offre légale en ligne est encore loin d'être à maturité. La situation est extrêmement disparate selon les domaines – musique, musique, cinéma, jeux vidéo, photographie ou édition numérique. Nous avons en 2011 posé trois jalons principaux : labellisation, création d'un portail de référencement, suivi des treize engagements pour la musique en ligne qui nous a été confié par le Gouvernement.
La labellisation n'est pas une mince affaire. Nous nous sommes fortement impliqués dans cette tâche, aidant les candidats à constituer leur dossier – je rappelle que la Hadopi, qui n'est pas une juridiction, n'a pas le pouvoir de dire qui est titulaire des droits. La labellisation se fonde sur la déclaration du candidat au label de ne proposer qu'une offre légale, les ayants droit pouvant formuler des observations quarante jours après la publication de la demande. Pour être intervenus à ce niveau dans des médiations informelles, nous nous sommes aperçus que des négociations qui avaient pu être abandonnées ont repris à cette occasion. Une trentaine d'offres ont aujourd'hui reçu un label.
Les labels ne peuvent toutefois être visibles que s'il existe un portail de référencement où ils sont répertoriés. En attendant, nous n'avons que le site PUR.fr. Nous étudions la forme que devrait prendre ce portail, qui ne saurait se réduire à un catalogue. En janvier 2011, nous avons lancé un vaste chantier d'assistance à maîtrise d'oeuvre pour le mettre au point. Le prestataire retenu a déposé ses recommandations sur le bureau du Collège de la Hadopi, qui doit les examiner dans les jours qui viennent.
S'agissant du suivi des treize engagements pour la musique en ligne, tous les acteurs de la filière musicale ont la volonté d'être constructifs et de trouver des solutions mieux adaptées et plus innovantes. Au travers d'une étude conduite par trois experts, nous avons pu approfondir la question centrale du partage de la valeur. C'est un filon à exploiter.
Ces premiers jalons ayant été posés en 2011, nous préparons maintenant 2012. Il est plus que jamais indispensable d'accompagner les titulaires de droits à mieux comprendre les attentes de leur public, celles-ci ayant profondément changé et étant en perpétuelle évolution.
Vu le caractère particulièrement complexe et protéiforme des questions soulevées, la méthodologie administrative classique est apparue inadaptée à la Hadopi. D'où le recours à cinq laboratoires, les fameux labs, pilotés par des experts indépendants couvrant chacun un domaine spécifique : réseaux et techniques, économique, juridique, sociologique et philosophique. Deux autres experts assurent la transversalité du travail et apportent leur vision particulière des principaux changements sociétaux. Ces laboratoires nous sont enviés à l'étranger. Parallèlement à leur travail, le Collège s'est attelé à plusieurs chantiers sur d'autres sujets stratégiques.
Les frontières bougent, les mentalités évoluent. Un internaute sur deux dans notre pays déclare avoir été incité par la Hadopi à se tourner vers des offres légales et 44 % qui avaient avoué un usage illicite d'internet reconnaissent qu'ils recourent moins ou plus du tout à des offres illégales. Une tendance positive se dessine donc, qui reste bien entendu à conforter mais que confirment d'ores et déjà les résultats obtenus par les ayants droit.
Forte de cette première année, la Hadopi aborde son deuxième exercice avec confiance. Nous pensons que des modifications législatives pourront être proposées à partir de nos études, qui vont se poursuivre. Au simplisme de solutions toutes faites, nous opposons la rigueur d'un travail de fond. Qu'elle soit exclusivement dédiée à internet permet à notre institution d'avoir l'approche globale qui est indispensable.
Nous restons bien entendu à votre écoute et à votre disposition pour vous fournir toutes explications que vous pourriez souhaiter. Nous serions de même très heureux de vous accueillir pour une visite de la Hadopi.