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Intervention de Jean-Jacques Gaultier

Réunion du 5 octobre 2011 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Gaultier, rapporteur :

Comme l'a indiqué Mme la présidente, le projet de COM a été transmis à notre Commission à la fin du mois d'août et communiqué à chacun des membres de la Commission au début du mois de septembre, ainsi qu'à la fin de la semaine dernière. Nous disposions, pour émettre un avis sur ce document, d'un délai de six semaines qui expire sous peu.

Ce projet de COM porte sur la période 2011-2015 qui couvre la durée du mandat du nouveau président de France Télévisions, M. Rémy Pfimlin, ce qui est cohérent, ainsi que la période pendant laquelle France Télévisions continuera à bénéficier de la ressource publicitaire en journée, en application de la loi de finances pour 2011 repoussant à 2016 l'arrêt total de la publicité sur ses antennes.

Ce projet de COM affiche plusieurs priorités. La première d'entre elles consiste à s'adresser à tous les publics, c'est-à-dire à élargir l'audience de France Télévisions. Je rappelle que le téléspectateur de France Télévisions est aujourd'hui plus âgé que la moyenne de la population française – il a 57 ans – et est, souvent, un inactif. L'élargissement de l'audience constitue un défi. Certes, France Télévisions ne doit pas être soumise à la « tyrannie » de l'audience, qui ne peut être une fin en soi. Des polémiques ont d'ailleurs pu survenir sur ce sujet au cours de l'été, qu'il convient de dépasser. La sagesse commande de rappeler que les mesures de l'audience ne peuvent bien sûr pas tenir lieu de seul indicateur de performance. Mais elles sont un outil utile pour mieux connaître le public de France Télévisions et évaluer l'adaptation des programmes à celui-ci.

La deuxième priorité consiste à conforter l'identité et la complémentarité des antennes du service public. France 2 doit apparaître comme une chaîne de référence généraliste. France 3 est définie comme la chaîne des « racines » et des terroirs, fondée sur la proximité et l'authenticité. La question est plus délicate s'agissant de France 4, dont l'identité a été plus difficile à dégager ; elle était parfois assimilée à une chaîne privilégiant les rediffusions, diffusant du sport, ou parfois destinée aux enfants. Le virage est aujourd'hui clairement pris : elle devrait désormais devenir la chaîne de la jeunesse, à destination des 15-35 ans, ce qui supposera d'adapter sa grille de programmes en y accroissant la place du sport, des animations, ou encore en les consacrant au premier emploi ou au premier exercice du droit de vote. Aujourd'hui, l'audience de cette chaîne croît, son identité étant mieux cernée. France 5 est la chaîne du savoir et de la découverte. Enfin, France Ô est la chaîne de l'ouverture sur le monde, au-delà de son socle originel consacré à l'outre-mer.

La troisième priorité est celle de la présence de France Télévisions sur le marché numérique. C'est un des grands enjeux du projet de COM. France Télévisions ambitionne d'être présente sur tous les supports, y compris les smartphones et les tablettes numériques, pour faire face à une consommation de plus en plus délinéarisée. À cet effet, France Télévisions prévoit la création de deux plates-formes numériques consacrées respectivement à l'information en novembre, et au sport au printemps 2012. Le projet prévoit également d'accroître la présence de France Télévisions sur les réseaux sociaux.

L'enveloppe initiale consacrée à l'offre numérique est de 55 millions d'euros en 2011 et devrait s'élever à 125 millions d'euros en fin de contrat. Cet effort est toutefois à relativiser au vu des quelque 300 millions d'euros consentis par la BBC dans le même domaine.

Au-delà de ces nouvelles plates-formes de diffusion, France Télévisions entend progresser en matière de télévision connectée et de rattrapage, y compris pour ce qui concerne les technologies employées, comme par exemple la norme européenne HbbTV qu'elle a déjà expérimentée pour retransmettre la compétition de Roland-Garros et qui permet d'associer différents services.

Des efforts seront également consentis pour le passage en haute définition, ce qui nécessite évidemment des moyens financiers – 14 millions d'euros par chaîne – mais également des ressources en fréquences. Ce dernier point soulève des incertitudes, soulignées par le rapport de M. Michel Boyon au Premier ministre, car la question de la norme de diffusion n'est pas encore tranchée. Ainsi, la norme DVB-T2 permettrait à davantage de chaînes de passer en haute définition, mais les délais nécessaires pour la mettre en oeuvre sont assez longs – l'échéance se situerait en juin 2013. Dans ce contexte, la diffusion de France 3 en haute définition ne sera possible, à compter de 2012, que par satellite, ADSL et câble. Le projet de COM donne la priorité à France 5 pour le passage en haute définition, vers l'année 2013.

J'en viens au quatrième grand axe du projet de COM : la création, qui en constitue un enjeu clef. France Télévisions est en effet le moteur de la création, dont l'entreprise est le premier diffuseur et le premier financeur : elle finance 60 % de la fiction et des documentaires, 55 % de l'animation et 78 % des spectacles. A contrario, certains de ses concurrents ont, pour leur part, fait le double choix de « l'étagère » et de la facilité en achetant des oeuvres étrangères déjà amorties.

Le rôle de France Télévisions est donc primordial, que ce soit en termes d'appui au cinéma ou à l'audiovisuel. Pour ce dernier, un socle de 420 millions d'euros est garanti en 2012 – contre 365 millions d'euros en 2007-2008 et 390 millions d'euros en 2011 – et pourrait même être dépassé en raison de l'accroissement de la seconde obligation de production fixée en pourcentage du chiffre d'affaires, qui passe de 19,5 % à 20 %. La contribution à la création cinématographique passe, quant à elle, de 50 à 60 millions d'euros.

Un autre axe d'intervention est celui de la diversification des programmes. On devrait compter davantage de programmes musicaux, ce qui a d'ailleurs suscité la satisfaction de l'association « Tous pour la musique ». Un effort sera également consenti en matière de diffusion de programmes sportifs. Le service public a pu faire preuve de timidité à l'égard de certaines disciplines sportives. Elles devraient bénéficier d'une meilleure exposition grâce à la plate-forme numérique qui sera mise en oeuvre ; on peut néanmoins regretter qu'il n'existe pas d'indicateur du nombre de disciplines retransmises ou traitées dans ce cadre. L'effort portera enfin sur les programmes régionaux. Le projet de contrat prévoit une augmentation de 50 % du volume d'heures de diffusion qui y seront consacrées, ainsi qu'une croissance de 20 % de la part de l'offre régionale dans l'offre globale de France 3. Je m'en félicite ; il reviendra à la direction de France Télévisions d'examiner si cette stratégie peut conduire, le cas échéant, à nouer des partenariats avec des chaînes locales.

Un objectif ambitieux a été fixé en termes d'accessibilité des programmes aux personnes souffrant d'un handicap visuel ou auditif, mais, comme l'a souligné Mme la présidente, des progrès restent à accomplir. Le sous-titrage ne concerne en effet pour l'instant que les programmes nationaux, les programmes régionaux en étant exclus. Cela étant, on peut espérer que le nouveau centre de diffusion des échanges qui devrait être opérationnel à la fin de l'année 2012 permettra d'améliorer les résultats dans ce domaine.

J'en viens maintenant aux moyens. L'enjeu principal est de donner à France Télévisions une trajectoire financière stable et visible pour achever la mise en place de l'entreprise unique. Le projet de COM permet de programmer l'évolution des ressources publiques qui lui sont affectées et qui représentent 85 % de ses ressources globales : il s'agit d'une fraction du produit de la contribution à l'audiovisuel public – anciennement redevance audiovisuelle – et d'une dotation spécifique inscrite au budget de l'État.

La dotation publique pour 2011 inscrite dans le plan d'affaires est fixée à 2,464 milliards d'euros. L'arbitrage dégagé au début de l'été prévoit une croissance de 2,2 % par an de la ressource publique ce qui, au vu du contexte budgétaire contraint, est favorable à France Télévisions. Cette trajectoire est d'ailleurs cohérente avec l'indexation de la contribution à l'audiovisuel public sur l'indice des prix à la consommation hors tabac, qui a progressé en moyenne de 2,2 % sur les douze derniers mois.

La mise en place de l'entreprise unique s'est traduite dans un premier temps par une augmentation des charges de personnel, ce qui n'est pas étonnant compte tenu de l'harmonisation des conditions salariales qu'elle a entraînée. Cette légère croissance est appelée à se stabiliser jusqu'à une limitation progressive de la part des charges de personnel dans les dépenses de fonctionnement, à hauteur de 35 % en 2015, soit un niveau inférieur à celui atteint en 2010.

S'agissant des ressources propres de France Télévisions, le plan d'affaires ne chiffre pas l'impact de la suppression en journée de la publicité en janvier 2016, ce qui aurait été en effet assez hasardeux. Une clause de rendez-vous entre France Télévisions et l'État est prévue avant la mi-2013 afin d'apprécier la diminution potentielle de ces recettes dès 2014.

Le plan d'affaires prévoit une stabilisation des recettes de publicité à 425 millions d'euros pour les années 2011 et 2012. Cette hypothèse semble raisonnable : le marché de la publicité s'est en effet stabilisé de 2005 à 2011 en euros constant et l'on sait que son évolution dépend grandement de la croissance économique.

Le projet de COM prévoit en outre qu'en cas de « surperformance » publicitaire, le complément de ressources en résultant pourra être conservé par France Télévisions. Je m'en félicite personnellement ; c'était un enjeu important des négociations menées avec l'État et j'avais milité en ce sens. Cela évitera de pénaliser la réussite économique et laissera à l'entreprise la maîtrise de sa gestion. J'estime néanmoins que ce surplus de recettes devra être affecté à l'investissement et ne devra pas être utilisé pour abonder le budget de fonctionnement. Il n'est cependant pas sûr que cette question se pose, compte tenu du caractère actuellement très peu dynamique du marché publicitaire.

Concernant l'achèvement de l'entreprise unique, chacun peut constater aujourd'hui que le calendrier initialement fixé était peu réaliste. Le projet de COM lui fixe pour échéance la fin de l'année 2014. Il s'agit de mutualiser toutes les fonctions de support, comme la gestion comptable et financière ou la gestion des ressources humaines, ou encore d'harmoniser les systèmes informatiques. L'achèvement de l'entreprise unique passe aussi par une négociation collective, rendue obligatoire, une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, une unification des statuts et une harmonisation en matière de salaires, d'horaires de travail et de qualifications.

À l'issue des négociations, un accord collectif couvrant l'ensemble des personnels de l'entreprise unique comportera une partie commune aux journalistes et aux personnels techniques et administratifs et des livres spécifiques à chacune de ces deux catégories de personnels.

Je conclurai en soulignant les défis qui s'imposent à France Télévisions : l'entreprise doit faire face à un paysage audiovisuel en perpétuelle mutation, voire même en révolution. Dans ce contexte, les engagements du projet de COM dans le domaine de la création et du numérique, l'assurance d'une dotation publique à un niveau satisfaisant alors que le budget est très contraint et la possibilité pour France Télévisions de disposer des recettes tirées de la « surperformance » publicitaire me conduisent à émettre un avis très favorable sur ce projet de contrat d'objectifs et de moyens.

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