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Intervention de Anny Poursinoff

Réunion du 6 octobre 2011 à 15h00
Conditionnements alimentaires contenant du bisphénol a — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnny Poursinoff :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, chères collègues, je me suis exprimée à plusieurs reprises dans cet hémicycle pour dénoncer les risques sanitaires liés à l'utilisation du bisphénol A et de l'ensemble des perturbateurs endocriniens, qui sont nocifs à notre santé, même à de très faibles doses. Je le réaffirme aujourd'hui, il est de notre responsabilité d'agir, et d'agir vite, pour que la santé publique soit sauvegardée.

Mes collègues Gérard Bapt et Jacqueline Fraysse le disaient en juin 2010 lors des débats sur la suspension de la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A : cette mesure, aussi louable soit-elle, ne suffit pas à protéger nos concitoyens et nos concitoyennes. Et ils n'étaient pas les seuls à vouloir étendre cette interdiction.

En effet, les expertises se sont multipliées.

M. Jean-François Narbonne, professeur de toxicologie à l'université de Bordeaux, a déclaré : « C'est avant tout par l'intermédiaire de la mère que l'enfant est exposé au bisphénol A in utero, durant la gestation, mais également lors de l'allaitement, et là, le biberon n'intervient pas. »

En 2010, le rapport de synthèse de l'INSERM indiquait que la principale source d'exposition de la population était alimentaire, car le bisphénol A migre dans les aliments et les boissons à partir des matériaux plastiques utilisés pour les emballer ou les contenir.

Le 27 septembre dernier, le nouveau rapport de l'ANSES reconnaissait les risques du bisphénol A pour les nourrissons, les jeunes enfants, les femmes enceintes et allaitantes.

Les études se multiplient. Les scientifiques officiels donnent raison aux lanceurs d'alerte. Les politiques ne doivent pas rester à la traîne et cette proposition de loi nous donne l'opportunité d'agir. Chers collègues, à nous d'assumer ce tournant historique. Nous sommes face à un changement de paradigme.

En effet, ce n'est plus uniquement la dose qui fait le poison, mais la période et la durée d'exposition. Voilà la réalité scientifique du XXIe siècle. À nous de la décliner sur le plan législatif.

Le Réseau environnement santé, que j'ai auditionné dans le cadre de mon rapport sur la prévention et la sécurité sanitaire, le répète : il faut interdire le bisphénol A, notamment dans les boîtes de conserve et les canettes.

Les répercussions économiques d'une telle décision ne sont pas négligeables mais des systèmes de substitution existent déjà. Il n'est plus possible de mettre dans la balance de nos choix, d'un côté, les bénéfices économiques, de l'autre côté, les risques sanitaires.

Je voudrais également attirer votre attention sur un point : du fait de leur coût plus faible et de leur facilité de manipulation par rapport aux produits frais, les boîtes de conserve sont particulièrement utilisées par les associations d'aide alimentaire qui apportent leur soutien aux plus démunies. Notre société, une fois de plus, va-t-elle doublement punir les plus pauvres en faisant peser sur leur santé, déjà très fragilisée, une menace sanitaire supplémentaire ?

Madame la rapporteure, je voudrais saluer votre travail sur ce texte. Je comprends toute la difficulté à trouver des compromis afin d'arriver à une solution législative. Pour ma part, je suis pour une interdiction rapide du bisphénol A. Attendre janvier 2014 me semble encore bien lointain et j'espère que nous ne cèderons pas à MM. Decool et Gérard pour retarder l'interdiction à 2017.

Je partage votre avis qu'il est nécessaire d'informer clairement les populations les plus à risques par un étiquetage adapté. Je pense qu'il serait nécessaire de prévoir également des messages de santé publique qui leur soient destinés. M. le ministre vient de nous annoncer qu'il comptait prendre une initiative en ce sens. Nous regarderons de près cette proposition mais elle nous semble très intéressante a priori.

Si cette proposition de loi est votée, elle adressera un message fort à l'industrie. L'industrie voudra-t-elle l'écouter ? Ou va-t-elle compter sur sa capacité de lobbyisme pour retarder encore son application ? Il est de notre devoir de faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande prudence à cet égard.

Pour conclure, l'écologiste que je suis se félicite de voir ces questions de santé environnementale portées devant notre assemblée. Il faudrait d'ailleurs aller plus loin et ancrer ces préoccupations dans une loi de santé publique qui mette le principe de précaution et la prévention au coeur de nos politiques.

Mais commençons par le bisphénol A. Dès aujourd'hui, gravons dans la loi l'interdiction de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A. Empêchons enfin nos concitoyennes et nos concitoyens d'être pollués à leur insu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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