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Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 6 octobre 2011 à 15h00
Conditionnements alimentaires contenant du bisphénol a — Discussion d'une proposition de loi

Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé :

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi que nous allons examiner ensemble pose de vraies questions de santé publique liées à notre environnement quotidien. Ces questions, le Gouvernement y attache depuis longtemps la plus grande importance, notamment à travers la surveillance et la gestion des risques liés aux perturbateurs endocriniens, dont le bisphénol A, qui est au coeur de cette proposition de loi de Gérard Bapt.

Sur les risques liés aux perturbateurs endocriniens, la France a toujours été en pointe. Dès 2009, le Gouvernement a commandé une série d'expertises pionnière. C'est ainsi que la France a été l'un des premiers pays européens à interdire la fabrication, l'importation et la vente de biberons à base de BPA en juin 2010 – l'Union européenne nous a suivis.

Lors du vote de la proposition de loi Lachaud, visant à interdire totalement les phtalates, les alkylphénols et les parabènes en avril dernier, nous avons rappelé l'importance de disposer de données fiables pour cibler notre action de manière réaliste et efficace, dans l'intérêt de nos concitoyens. C'est la seule chose qui compte à mes yeux.

C'est pourquoi, dans la démarche d'expertises qu'il a lancée, le Gouvernement a toujours tenu à vous informer, dans la plus grande transparence, des résultats dont il disposait pour éclairer le débat public sur ces sujets complexes, évolutifs et controversés.

Je pense au rapport intermédiaire sur l'expertise collective de l'INSERM, envoyé en mars 2011 alors que la synthèse n'était pas encore disponible, pour ne pas retarder la communication au Parlement de l'ensemble des travaux engagés par le Gouvernement sur ce sujet important des perturbateurs endocriniens. Je pense à la synthèse de l'expertise collective mise en ligne sur le site de l'INSERM la veille du débat parlementaire sur la proposition de loi Lachaud. Je pense, enfin, au rapport sur les dangers et les usages du bisphénol A, que l'ANSES a rendu public il y a tout juste une semaine, et qui alimente nos débats de ce jour.

Ce dernier rapport fait état d'éléments nouveaux qui, disons le clairement, modifient la donne. Il met en évidence des effets sanitaires du bisphénol A, avérés chez l'animal, et suspectés chez l'homme, pour certains à de faibles niveaux d'exposition. Cela me suffit. Certes, les mécanismes sont encore mal élucidés, mais chez l'animal, ces effets pourraient être notamment en lien avec des expositions pendant des phases de développement de l'individu – des phases prénatale et postnatale. Ce constat fait chez l'animal conduit à supposer qu'il y a chez l'homme aussi des populations plus sensibles que d'autres, en particulier les enfants et les femmes enceintes.

Devant ces nouveaux éléments, je le dis et l'assume, la précaution est légitime et même nécessaire, et en tant que ministre de la santé, je ne mets aucun autre élément en balance avec cette donnée. Concrètement, cela signifie qu'il faut en priorité réduire les expositions des populations les plus sensibles au bisphénol A – les nourrissons, les jeunes enfants, les femmes enceintes et allaitantes –, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires, qui en constituent la source principale.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans cette démarche de précaution. Elle vise à interdire tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à recevoir des produits alimentaires à compter du 1er janvier 2014. Elle prévoit également la mise en place obligatoire, sur ces conditionnements, d'un avertissement déconseillant son usage aux femmes enceintes et aux enfants de moins de trois ans du fait de la présence de bisphénol A.

Cette proposition de loi, modifiée lors de l'examen en commission, me semble plus réaliste que la première, dans la mesure où elle tient compte des délais d'adaptation nécessaires, tout en maintenant une pression certaine. Dans l'intervalle, elle agit sur l'information du consommateur, via les avertissements sanitaires. Ce texte me semble donc aller dans le bon sens en termes de santé publique.

J'ai toujours dit, notamment à cette tribune, que si nous avions des éléments nouveaux, nous prendrions nos responsabilités. C'est pourquoi, non seulement le Gouvernement soutient cette proposition de loi, qui se situe dans le prolongement logique de l'interdiction des biberons contenant du BPA prise par anticipation dès 2010, mais je souhaite même que l'on aille plus vite et plus loin.

C'est pourquoi je veux interdire, dès 2013, les contenants alimentaires fabriqués avec du bisphénol A destinés aux enfants de moins de trois ans. Sur ce point, j'avoue qu'il est certains sous-amendements que je ne m'explique pas, et il faudra que nous en discutions. J'ai beau être ministre du travail, de l'emploi et de la santé, je situerai toujours la santé au-dessus des deux autres domaines, si importants soient-ils ! Je le répète, nous avons des éléments nouveaux, et devons en tirer les conclusions qui s'imposent.

Il faut que les fabricants, comme je le leur ai demandé par écrit dès le mois juillet, développent des méthodes de substitution. Ils n'ont pas été prévenus au dernier moment : compte tenu de la tonalité de nos précédents débats, qui laisser transparaître de légitimes inquiétudes, j'ai, dès cet été, écrit aux industriels pour les prévenir qu'en présence d'éventuels éléments nouveaux, je n'hésiterai pas à agir, et qu'ils pouvaient d'ores et déjà en tenir compte pour engager des recherches et des travaux.

Il faut donc que les fabricants développent des méthodes de substitution, lesquelles doivent être à la fois efficaces et sans risques. Il ne faut pas que le remède soit pire que le mal, comme l'a justement rappelé Gérard Bapt cet été à propos du bisphénol S utilisé parfois pour remplacer le bisphénol A. Nous devons donc poursuivre les études et les évaluations dans ce domaine. L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail travaille en ce sens avec les industriels concernés.

S'agissant des produits de substitution, je veux avoir, j'y insiste, les garanties de leur innocuité. C'est pourquoi je souhaite qu'un rapport élaboré par l'ANSES sur les substituts au BPA et leur innocuité soit remis au Parlement au plus tard le 31 octobre 2012 – si c'est plus tôt, c'est encore mieux.

En attendant les produits alternatifs, il faut informer, parce qu'il n'y a pas de bonne précaution sans bonne information. À cet égard, je souhaite que soit mise en oeuvre une information en direction des parents de jeunes enfants et des femmes enceintes et allaitantes. Nous allons diffuser très largement, à 800 000 exemplaires, notamment dans les maternités et les services de PMI, une plaquette pour promouvoir des gestes de précaution simples. Cette plaquette, dont j'ai ici la maquette, intègre les dernières données du rapport de l'ANSES en précisant les étapes qui se succéderont jusqu'en 2015 : avertissement sanitaire, interdiction dès 2013 du BPA dans les contenants alimentaires pour enfants de moins de trois ans, interdiction en 2014 du BPA dans tous les contenants alimentaires. Je suis preneur de toutes les remarques sur ce document avant sa diffusion, à laquelle nous souhaitons procéder dans le courant de ce mois d'octobre.

L'ANSES, qui poursuit son expertise sur les risques du BPA et des autres perturbateurs endocriniens, réalisera également, en 2012, un guide de recommandations pour diminuer l'exposition au BPA, voire à d'autres perturbateurs endocriniens le cas échéant.

Enfin, j'ai demandé à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques d'ouvrir d'ici à la fin 2011, une plate-forme d'informations et d'échanges pour les professionnels et parties prenantes concernées, comme les associations de consommateurs, afin de mieux partager les informations sur les substituts de façon à encourager leur développement.

Dernier point, il faut aussi que les actions que nous menons soient coordonnées avec les politiques européennes dans ce domaine. C'est pourquoi l'ANSES transmettra le résultat de ses travaux au niveau européen en vue d'examiner la pertinence d'une révision des doses de référence utilisées à des fins réglementaires. Pour sa part, le Gouvernement va notifier dès à présent à la Commission la disposition sur l'étiquetage.

Le Gouvernement émet un avis favorable à cette proposition de loi ainsi amendée, parce qu'il y va de la santé publique et de la protection de nos concitoyens.

Avec cette nouvelle loi, la France est le premier pays en Europe et parmi les premiers dans le monde à aller si loin dans la précaution, dans la protection contre le bisphénol A. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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