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Intervention de Simon Renucci

Réunion du 6 octobre 2011 à 15h00
Interdiction de la différence de taux de sucre entre les régions d'outre-mer et la métropole — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSimon Renucci :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l'épidémie d'obésité qui sévit dans nos pays n'épargne personne, et en tant que pédiatre, je ne peux que m'alarmer de ce phénomène qui touche les enfants comme les adultes.

Ce projet de loi peut étonner, mais nous devons tous garder à l'esprit qu'il ne doit pas exister d'inégalités territoriales aussi marquées ; notons que la tendance est au recul de l'obésité et de la surcharge pondérale dans l'Hexagone ces dernières années.

Le problème de l'obésité dans les collectivités ultramarines est, selon les enquêtes officielles, aggravé par certaines pratiques des industries. Plusieurs aliments distribués outre-mer, tout spécialement des yaourts ou spécialités laitières et des sodas, contiennent une dose excessive de glucides par rapport à ceux vendus dans l'Hexagone.

Le rapport remis au Président de la République en décembre 2009 par la Commission pour la prévention et la prise en charge de l'obésité soulignait déjà, par exemple, s'agissant de la prévalence du surpoids et de l'obésité chez les enfants que la situation dans les collectivités d'outremer était une « source de préoccupation majeure ».

La situation en outre-mer est d'autant plus préoccupante que l'obésité favorise la survenue de complications : diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires et respiratoires, atteintes articulaires, qui sont sources de handicaps et d'affections qui, comme le disait M. le rapporteur, grèvent lourdement les dépenses de santé.

L'étiquetage ne fait pas tout et l'exemple du bisphénol A l'a prouvé. Mais il s'agit là d'une question de santé publique avant tout, et la santé publique exige une information claire des consommateurs.

Cette information doit reposer sur un étiquetage des taux de sucre totaux mais doit aussi être compréhensible par tous. Les différences dans les procédés de fabrication invoquées par les groupes industriels ne sont pas des justifications légitimes ; les préférences gustatives locales ne doivent pas constituer un prétexte.

Nous devrions rendre obligatoire, en ce sens, l'étiquetage nutritionnel des denrées alimentaires, à ce jour facultatif en Europe et en France.

Il n'existe par ailleurs aucun argument scientifique pour étayer l'existence d'un goût particulier pour les aliments riches en sucres ; on risque, en revanche, de favoriser des addictions chez les enfants de moins de trois ans.

L'épidémie d'obésité qui touche nombre de personnes n'est pas imputable en totalité au sucre mais on ne peut nier que celui-ci est bien un facteur de l'obésité.

Si aucun lien de cause à effet n'a été clairement établi, il convient tout de même d'être prudent. Et n'oublions pas l'adage : prévenir, c'est guérir.

Le taux de prévalence élevé doit appeler notre attention sur les raisons des différences entre l'outre-mer et l'Hexagone. C'est pourquoi je souhaite la mise en place d'une politique de santé publique prenant en compte toutes ces réalités.

Il faut sensibiliser la population tout en tenant compte des pratiques alimentaires et de modes de vie des populations d'outre-mer ; en tant qu'insulaire, je sais à quel point la prise en compte des particularités locales est nécessaire à l'adhésion de chacun.

La pédagogie et l'information sont essentielles, surtout au regard des indicateurs de morbidité. C'est seulement de cette façon que le combat contre l'obésité peut être gagné.

Ce texte est pour nous la première pierre d'un édifice encore à construire ; il montre le rôle du Parlement dans la définition des principes fondamentaux de santé publique – parmi eux, comme on dit en médecine, primum non nocere.

Certains doutent de la pertinence de la voie législative et lui préféreraient la voie réglementaire. Pour ma part, j'estime qu'il n'y a pas de petites lois, mais qu'il y a de vrais défis qui nécessitent un engagement pratique immédiat, mais aussi durable.

Si le vote de ce texte peut permettre de faire prendre conscience de ce problème et s'il peut amener les institutions, les populations et les industriels à réfléchir et à réagir, ce sera donc déjà une belle avancée. Mme Taubira évoque, dans l'un de ses amendements, un dispositif d'accompagnement de ce processus pour les industries locales. Cela permettrait de limiter et de vérifier le taux de sucre, en tout cas de modifier ce taux.

Monsieur le ministre, nous avons été très heureux de votre position sur le médicament ; votre projet de loi, quelles que soient ses limites, que nous avons pointées, représente une grande avancée. Votre détermination, votre volontarisme doivent permettre de prendre en compte ce problème de l'obésité, qui n'est pas seulement ultramarin. Vous savez que les problèmes de santé publique ne sont pas une fatalité, et vous avez agi dans le bon sens ; si vous allez plus loin sur ce chemin – car quand il y a une volonté, il y a un chemin –, vous pourrez agir sur l'ensemble des facteurs, nombreux, de l'obésité.

L'adoption de cette loi constituerait un message fort adressé à ces populations. Cet engagement pourrait fonder une grande politique de santé publique qui tiendrait compte de tous ces éléments. Vous aurez à coeur de le faire, monsieur le ministre, je n'en doute pas ; nous attendons donc votre réponse positive. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

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