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Intervention de Jeanny Marc

Réunion du 6 octobre 2011 à 15h00
Interdiction de la différence de taux de sucre entre les régions d'outre-mer et la métropole — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanny Marc :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi vise à interdire, à travers ses trois articles, la différence de taux de sucre entre produits vendus dans les régions d'outre-mer et dans l'Hexagone. Le texte présenté par notre collègue Victorin Lurel a le mérite de mettre en évidence un important problème de santé publique supplémentaire pour les outre-mer, à savoir l'obésité, en particulier celle des enfants.

En outre-mer, où le poids des maladies chroniques est très lourd, les conséquences liées à l'obésité intensifient de manière inquiétante la prévalence du diabète, de l'hypertension artérielle, des maladies cardiovasculaires, des troubles de la vésicule biliaire et des problèmes de croissance chez l'enfant.

Pour ces raisons, je dis oui à la volonté de notre collègue de mettre en débat devant la représentation nationale sa vision des moyens de lutte à mettre en oeuvre pour prévenir et combattre la forte prévalence des cas d'obésité qui touchent notamment la Guadeloupe.

J'ajouterai que le débat que nous ouvrons est salutaire car il traduit une question d'intérêt public dont est déjà saisie une bonne partie de l'opinion publique dans les outre-mer. J'en profite pour associer à mon propos ma collègue de Guyane, Mme Chantal Berthelot, retenue dans sa circonscription.

Mais, mes chers collègues, je suis tentée de tempérer quelque peu mon enthousiasme. Premièrement, plusieurs études, toutes plus sérieuses les unes que les autres, ont montré que le sucre n'est pas le seul facteur à l'origine de l'obésité, mais fait partie du groupe des deux grands facteurs que sont la consommation et la dépense énergétique, impliqués dans le développement de cette maladie multifactorielle.

En outre-mer et plus particulièrement en Guadeloupe, les causes de l'obésité sont principalement liées aux habitudes alimentaires – aliments très salés ou sucrés, graisses saturées –, à l'inactivité, à la consommation d'alcool, aux carences en matière d'éducation, de prévention alimentaire, et surtout, à la précarité.

Deuxièmement, les objectifs visés par la proposition de loi ont sans doute été mal compris par une partie de l'opinion publique. En effet, l'éventuelle mise en oeuvre des dispositions prévues dans ce texte, s'il était adopté en l'état, a fait naître une grande anxiété sur l'avenir des emplois concernés par l'interdiction de différences de taux de sucre entre les produits de même marque vendus en outre-mer et dans l'Hexagone.

Troisièmement, en contrepied au dernier communiqué de presse du groupe UMP annonçant les motifs de son vote, et même si je ne peux que regretter que cette proposition n'aille pas assez loin dans sa portée et ses modalités de mise en oeuvre, je ne pourrais me résigner à laisser au Gouvernement le soin de définir seul les modalités d'application de ce texte.

D'ailleurs, on ne peut pas dire que ce gouvernement ait été, au cours de cette législature, particulièrement clairvoyant et efficace en outre-mer dans ses politiques économiques – nous en voyons aujourd'hui les résultats – ni très réactif face aux urgences en matière de santé.

Je souhaite illustrer mon propos en prenant l'exemple du contrôle des denrées alimentaires en matière de sécurité sanitaire prévu pour lutter contre les effets de la chlordécone. Les aliments produits localement sont systématiquement contrôlés alors même que les produits importés qui concurrencent directement et fortement nos productions locales ne subissent aucun contrôle.

En définitive, s'il manque encore des dispositions législatives qui complèteraient ce texte, en revanche, il n'y a aucun antagonisme à vouloir porter ce débat devant la représentation nationale, car il s'agit d'un enjeu pour l'ensemble de la nation ; ce débat renvoie à l'application du principe d'équité, car les lois de la République doivent prendre en compte toutes les situations sur l'ensemble du territoire, y compris l'outre-mer.

Si votre majorité veut à tout prix réglementer au lieu de légiférer, nous attendons encore, sur la question qui nous concerne aujourd'hui, le rapport du Gouvernement déterminant les grandes orientations du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, spécifiques en outre-mer, qui doit préciser la déclinaison en outre-mer des actions du Programme national pour l'alimentation.

Par ailleurs, en Guadeloupe, j'ai noté que le plan régional de santé publique pour la période 2006-2010 a fixé un cadre général et des objectifs précis pour promouvoir une alimentation équilibrée et une activité physique favorables à une bonne santé. À cet effet, il est prévu une action de sensibilisation de l'État en direction des industries alimentaires en vue de diminuer les taux de sucre des yaourts de 12 à 9 %.

Pour l'instant, les résultats ne sont pas tangibles. Compte tenu de l'opposition annoncée de la majorité présidentielle à cette proposition de loi et puisque le cadre réglementaire existe déjà, je vous propose – et vous pouvez compter sur mon appui en Guadeloupe pour dissiper les malentendus –d'organiser dans des délais très brefs une large concertation avec les industriels, l'administration, les élus, les associations de consommateurs et les parents d'élèves de manière à fixer dans le temps, les objectifs à atteindre en matière d'équilibre et de qualité nutritionnels. Il s'agit là d'une proposition de bon sens qui nous permettrait d'assurer aux populations démunies un accès à une alimentation adaptée, en qualité et en quantité. De même, elle permettrait aux industriels de préparer leurs marchés aux évolutions qu'ils devront apporter à leur processus de production afin de répondre à cet objectif commun : faire reculer l'une des causes à l'origine de l'obésité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

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