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Intervention de Alfred Marie-Jeanne

Réunion du 6 octobre 2011 à 15h00
Interdiction de la différence de taux de sucre entre les régions d'outre-mer et la métropole — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlfred Marie-Jeanne :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 1997, l'obésité est considérée comme une maladie par l'Organisation Mondiale de la Santé.

Elle peut provoquer l'hypertension, le diabète, certains cancers, à tel point que les obèses ont une espérance de vie bien plus faible que ceux qui n'ont pas de surcharge pondérale.

Les recherches ont montré qu'elle est en hausse dans le monde entier et a doublé depuis 1980. À cette date 5 % des hommes et 8 % des femmes étaient concernés. En 2008, 10 % des hommes et 14 % des femmes sont diagnostiqués obèses.

Selon les récentes statistiques internationales, les populations de quinze ans et plus les plus touchées en 2007 sont : les Etats-Unis avec 34 %, le Mexique avec 30 %, la Nouvelle Zélande avec 26,5 %, la Grande-Bretagne avec 24 %, l'Australie avec 21,7 %. Pour la même période, la France est atteinte à hauteur de 10,5 %.

Si l'on traduit ces pourcentages en chiffres de population, cela représente des millions et des millions de gens qui deviennent une perte sèche pour la consommation et une lourde charge pour la société tout entière. In fine, le bilan est triplement désastreux.

En Martinique, 22 % de la population sont considérés comme obèses, et 55,6 % en surpoids et obèses. Avec les outre-mer, nous faisons pratiquement partie du « top 10 ».

En conséquence, les maladies cardio-vasculaires représentent la première cause de mortalité et 65 % des Martiniquais de soixante-cinq ans et plus sont hypertendus. La prévalence du diabète traité est deux fois plus élevée qu'en France.

Selon l'observatoire de la santé de la Martinique : « L'obésité, l'hypertension artérielle et le diabète font désormais partie des problèmes de santé prioritaires des départements et territoires d'outre-mer ».

Notre mode de vie et de consommation a brutalement changé au point qu'un article du Bulletin épidémiologique hebdomadaire titrait déjà en 2002 : « Le diabète de type 2 dans les DOM-TOM, un effet pervers de la modernité ».

Vu l'ampleur des dégâts et le retard pris, à moins de vouloir se cacher derrière son petit doigt, la lutte contre l'obésité doit être menée avec beaucoup plus d'acuité et de célérité, et ce, d'autant plus qu'en Martinique, 25 % des enfants de cinq à quatorze ans, sont déjà en surpoids et obèses.

En ce sens la proposition de loi du député Victorin Lurel, visant ni plus ni moins à « prohiber la différence de taux de sucre entre la composition des produits manufacturés et vendus dans les régions d'outremer et celle des mêmes produits vendus dans l'Hexagone », met l'accent sur un problème de santé réel.

En effet, il est scientifiquement prouvé, que l'organisme humain peut devenir dépendant au sucre comme il devient dépendant à l'alcool ou à la drogue. Il ne s'agit nullement de supprimer le sucre dans notre alimentation, mais son usage excessif.

Rappelons qu'en France, par exemple, la consommation de sucre était de 2 kilos par an et par personne au début du XIXe siècle. Elle est aujourd'hui de plus de 35 kilos. Aux États-Unis elle est de plus de 50 kilos. Et ces chiffres peuvent doubler chez certains individus.

Comment une population « shootée » au sucre, tant elle en consomme, peut-elle s'en sortir si l'industrie agro-alimentaire ne se sent pas directement concernée ? Se pose alors la question de savoir de quelle manière concrète l'impliquer. Je m'en excuse auprès de notre rapporteur, c'est bien là le hic !

Pour être véritablement efficace, encore faudrait-il que la loi tienne compte de l'origine éparse des approvisionnements et de la taille des producteurs. Ce qui pour l'instant est matériellement impossible.

En effet, quelle attitude adopter envers les produits importés de l'étranger ? Quel sort réserver à la petite entreprise martiniquaise ? Lorsque j'étais président de région, j'ai personnellement favorisé la création de certaines petites entreprises dans le domaine de la fabrication des yaourts.

Et dans ce cas précis, il faudrait une concertation beaucoup plus approfondie avec les intéressés. Il faudrait une période de transition pour la modification des recettes de fabrication. Il faudrait une aide financière circonstanciée pour les petites entreprises.

Dans ces conditions, j'en conviens, cette proposition de loi est une amorce. Il faut savoir aussi que si l'excès de consommation des produits sucrés est une des causes de l'explosion de l'épidémie d'obésité et de surpoids, d'autres facteurs y contribuent également comme une alimentation riche en graisses, pauvre en vitamines et en minéraux. À cela s'ajoute un manque d'activité physique notoire.

À cet égard, des mesures ont déjà été édictées au travers de divers chartes, programmes et autres plans, émanant tant de l'Organisation Mondiale de la Santé que de l'Union Européenne et de la France.

Concernant la Martinique, une enquête datant de 1980-1981 portant sur l'état nutritionnel et les habitudes alimentaires des Martiniquais est restée sans lendemain.

Une deuxième enquête dite ESCAL est intervenue vingt-cinq ans après. Entre temps, et en l'absence de tout suivi, les habitudes alimentaires ont été forcément modifiées, ce qui explique en partie la dégradation de la situation actuelle.

Constatons aussi que le premier Programme national nutrition santé – 2001-2005 – élaboré pour la France est resté sans effet notable. Ce programme prévoyait parmi ses objectifs prioritaires l'augmentation de la consommation de fruits et de légumes, l'augmentation de la consommation de calcium, la réduction des apports lipidiques, la réduction de la consommation des sucres simples et l'augmentation de l'activité physique.

Le deuxième PNNS 2006-2010 s'est terminé, là encore, sans atteindre les objectifs fixés. Le manque de résultats probants a conduit le Président de la République à déclarer, dès 2009, l'équilibre nutritionnel et la lutte contre l'obésité et le surpoids grande cause nationale. D'où la mise sur pied d'un troisième Plan national nutrition santé 2011-2015 et la création d'un premier Plan obésité 2010-2013.

Cette fois-ci, est enfin officiellement prévue la prise en considération de ces problèmes en outre-mer.

En conclusion, si nous sommes tous d'accord sur l'urgence de traiter les problèmes de l'obésité et du surpoids, trop longtemps laissés en marge de nos préoccupations, cela implique l'engagement de tout un chacun et à tous les niveaux.

Il passe nécessairement par la qualité et les prix des produits alimentaires de base, et aussi par l'aide à nos petites entreprises pour leur permettre de se rénover et d'être au diapason.

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