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Intervention de Sandrine Mazetier

Réunion du 6 octobre 2011 à 15h00
Urbanité réussie de jour comme de nuit — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier, rapporteure :

Je voulais d'abord m'étonner de la nature de votre intervention, monsieur le ministre, et soulever l'incohérence des prises de position de ce Gouvernement, s'agissant de la régulation du commerce sur la voie publique.

Un dispositif analogue a celui présenté dans cette proposition de loi au titre I a été adopté au Sénat, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2010, avec un avis favorable du Gouvernement et du rapporteur. S'il a disparu du texte final, c'est simplement parce que la CMP a jugé qu'un PLFR n'était pas le véhicule approprié pour une telle disposition. Mais le Gouvernement était d'accord ! D'ailleurs, j'ai auditionné des associations d'élus, l'Association des maires de France a envoyé une contribution et notre collègue Marc Francina, engagé dans le soutien des communes à vocation touristique, s'est également exprimé : les maires souhaitent cette disposition !

Et pourquoi ? Nombre de mes collègues l'ont expliqué, M. Christophe Caresche bien sûr, mais aussi des députés de l'UMP, en commission, je pense en particulier à M. Christian Estrosi. Les maires réclament cette nouvelle compétence qui serait plus efficace qu'un dispositif très lourd et pas du tout dissuasif : une amende forfaitaire de 35 euros ne représente même pas une heure de consommation en terrasse dans certaines artères commerciales, et pas seulement à Paris.

Rappelons que cette proposition de loi n'est pas parisienne : elle a vocation à donner, sur tout le territoire national, de nouvelles compétences à l'ensemble des maires de France. M. le ministre mais aussi des membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire nous ont objecté que notre proposition allait à l'encontre d'une démarche de simplification du droit, qu'il fallait arrêter d'ajouter du droit au droit, que trop de lois tuait la loi, etc. Sans doute avez-vous oublié que vous avez vous-mêmes, dans la LOPPSI 2, inventé une peine de six mois de prison et une amende de 3 750 euros pour la vente à la sauvette. Cette mesure s'est-elle révélée efficace ? Demandez aux maires d'arrondissement de Paris, notamment celui qui a la Tour Eiffel, ce qu'ils en pensent ! Je regrette que M. Goasguen ne soit pas là car il était l'un des promoteurs de cette peine formidable censée tout régler. Vous n'arrêtez pas d'inventer des lois supplémentaires, de pénaliser toujours davantage mais vous refusez d'entendre le concret, le réel, la demande, sur le terrain, des riverains, des commerçants eux-mêmes, des maires. Vous êtes sourds au pays profond. Vous n'assumez pas la responsabilité qui est la nôtre, celle du législateur, de donner aux élus, à tous les élus, les moyens de répondre enfin aux problèmes qui se posent aux Français, de ne pas se défausser, de ne pas se jucher sur un Aventin constitutionnel qui est faux, de ne pas dire : « Je voudrais bien faire quelque chose mais je ne peux pas car la loi ne m'y autorise pas. » Ne sentez-vous pas combien ce type de réponse exaspère nos concitoyens ? Et quand enfin l'on donne aux maires, aux élus, les moyens de dissuader les auteurs de ces incivilités, de dissuader la minorité d'exploitants indélicats de mener une concurrence déloyale à l'encontre d'une majorité d'exploitants qui respectent les droits de terrasse, vous vous défaussez et vous vous interrogez sur le caractère constitutionnel d'une telle mesure !

Mais cela fait trente ans que le code de l'environnement prévoit des astreintes. Trente ans que cela ne pose de problème à personne !

Il y a un an environ, lorsque notre collègue Huyghe a présenté une proposition de loi pour doter les maires du pouvoir d'astreinte, elle a été adoptée par cette assemblée et par la commission des lois et, mon cher collègue Geoffroy, vous n'avez absolument pas soulevé ce problème de constitutionnalité. Et pour cause ! Cette mesure ne pose aucun problème de constitutionnalité, ou alors vous devez vraiment corriger les fiches que l'on vous donne sur le texte de la Constitution ou la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État.

Il y a vraiment deux poids deux mesures : selon que le dispositif est proposé par un député UMP ou le groupe SRC, vous soulevez ou non la question de la constitutionnalité.

Examinons au fond cette question : un maire peut-il prononcer une astreinte.

Aucune norme constitutionnelle n'empêche de conférer le pouvoir de prononcer des astreintes à une autorité administrative et non à une autorité juridictionnelle. Je l'ai dit, cela se pratique déjà.

Je renvoie ceux que cela intéresse à un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 11 avril 2011, qui traite de cette procédure dans le cadre du code de l'environnement.

Rappelons également que l'astreinte est une décision administrative défavorable et qu'elle bénéficie, à ce titre, de l'ensemble des garanties de droit commun afférentes à ce régime, à commencer par le droit de recours juridictionnel.

L'astreinte, prévue dans le code de l'environnement, est de nature administrative. Ce n'est pas une sanction, c'est une mesure et nous essayons désespérément de vous faire comprendre notre démarche : il est préférable de prévenir les incivilités plutôt que d'inventer sans cesse, comme vous le faites, de nouvelles lois pour pénaliser et sanctionner. Résultat : il ne se passe rien.

Une astreinte est une mesure administrative visant à dissuader.

S'agissant du prononcé de l'astreinte par le maire sur le fondement d'un barème établi préalablement par le conseil municipal, certains y voient un désordre constitutionnel alors qu'aucune norme constitutionnelle ne s'oppose à ce que le maire prononce l'astreinte sur ce fondement. En tout état de cause, l'article 1er prévoit que le maire est compétent pour prononcer cette astreinte. La délibération du conseil municipal présente toutes les garanties : elle est collégiale, puisque toutes les formations politiques membres de ce conseil y siègent, publique, et soumise au contrôle de légalité comme toute délibération de conseil municipal.

Ce qui vous dérange, c'est que l'on puisse associer tous les acteurs d'une ville, y compris l'opposition municipale, à l'élaboration des règles d'une commune. C'est que l'on informe, avant même que les infractions ne soient commises, tous ceux qui interviennent dans la commune, les commerçants, les exploitants, que dans telle artère, particulièrement fréquentée, le non-respect des droits de terrasse est puni plus sévèrement que dans un quartier moins fréquenté où les chiffres d'affaires liés à l'infraction sont moins importants.

Je ne vois pas ce qui vous dérange. Je n'y vois qu'une tentative pour échapper à vos responsabilités, en tout cas celles du législateur.

J'entends parler d'atteinte au principe d'égalité parce que les sanctions varieraient selon les villes, voire selon les quartiers. Dans quel pays vivez-vous ? Cela existe déjà, et ni la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ni celle du Conseil d'État ne s'opposent à ce que des traitements différents soient appliqués à des situations différentes. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est bien connue : « Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. » CQFD.

Le juge veille à ce que les critères pris en compte soient objectifs et rationnels. De toutes manières, lorsque l'on pose des critères d'autorisation de terrasse, ils sont objectifs et rationnels dans la majeure partie des cas.

Je ne vois pas en quoi il serait irrationnel et non objectif de caler un barème de sanctions pour ceux qui ne respectent pas ces droits de terrasse objectifs et rationnels.

Pour ce qui est par ailleurs des différences par zone, Christophe Caresche évoquait le stationnement. C'est précisément en matière de droit de stationnement que les tarifs peuvent varier selon les zones dans une même commune, ce qui ne pose pas de problème majeur au regard de l'égalité de traitement face à la loi.

Je ne reviendrai pas sur l'intérêt général mais il commande cette différenciation puisque le préjudice subi par les uns et par les autres n'est pas exactement le même d'un endroit à l'autre d'une agglomération ou même au sein d'une même commune.

Enfin, le dispositif proposé qui prévoit l'intervention du conseil municipal apporte des garanties sur lesquelles je ne reviendrai pas mais je ne m'étonne pas que certains, dans cet hémicycle, aient peur de la transparence, de la délibération collective et ne croient pas en la possibilité, pour un conseil municipal pluraliste, de travailler intelligemment et de veiller au respect du principe d'équité.

Pour ceux qui imaginent que des difficultés subsistent et que la loi ne fixe pas un cadre suffisant, j'ai tenu compte de la nécessité de fixer un plafond mais aussi un plancher, ce qui m'a amenée à amender cette proposition. Je suis bien certaine à présent que cet amendement recevra un avis favorable.

Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit des bonnes pratiques et des médiations mais je rappellerai simplement qu'un certain nombre des amendements que j'ai déposés prévoient justement de les valoriser et de les encourager.

Quant à la sécurité des établissements, je ne peux pas laisser dire ce qui a été dit, parce que l'objectif de cette proposition de loi n'est en aucun cas de baisser la garde en la matière mais au contraire de prendre en compte l'évolution des usages et la protection de nos concitoyens.

Il y a aujourd'hui des normes, je l'ai dit hier lors de l'examen du projet de loi sur la protection des consommateurs. Le Gouvernement a renvoyé à aujourd'hui son avis sur cette question. Il est possible de faire évoluer la réglementation et de prévoir une norme plus adaptée aux pratiques et aux usages actuels.

Quant aux différents amendements que j'ai présentés, je ne comprends pas que ceux qui m'opposaient un certain nombre d'arguments en commission des lois n'aient pas rendu un avis favorable à ces amendements puisqu'ils répondaient en partie à leurs objections.

Je suis navrée que M. le ministre n'ait pas pu entendre cette réponse, mais je suis certaine que M. Bertrand, qui vient d'arriver, assurera la continuité et la cohérence de la parole de l'État entre l'avis rendu par le Gouvernement au Sénat l'an dernier et celui qu'il rendra aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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