Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de François Brottes

Réunion du 6 octobre 2011 à 15h00
Urbanité réussie de jour comme de nuit — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes :

Autrement dit, on est moins seul dans son hameau de montagne parce que l'entraide nous oblige davantage dans la nature rustique que dans la ville, où l'encombrement nous sature et finalement nous isole.

Bien sûr, le Paris d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec le Paris du XVIIIe siècle. Mais il est frappant de constater que la promiscuité urbaine génère encore aujourd'hui des comportements non urbains, des dérives non policées, des conflits d'usage et de voisinage tendant à contrarier le bien commun. Mais comment ne pas être incivil lorsque l'on est incertain, lorsqu'on est incompris, que sa place sociale n'est pas acquise, que sa dignité n'est pas respectée, que sa singularité n'est pas reconnue ?

Réussir l'urbanité est un enjeu toujours actuel. Lieu d'échanges et de rencontres, la ville doit favoriser l'épanouissement de tous et permettre de mieux vivre ensemble. Et ce défi relève d'abord du politique, des élus bien sûr, mais également du législateur, garant de l'intérêt général, ou plutôt organisateur de la règle qui régit l'intérêt général.

Les usages de l'espace que l'on partage sont une question centrale.

Au premier chef, l'espace public, objet d'activités successives, imbriquées, longues ou temporaires, matérialise le vivre ensemble. Les maires, chargés de maintenir l'ordre public – bon ordre, sûreté, sécurité et salubrité publique – sont pourtant, ne vous en déplaise, monsieur le ministre, dépourvus dès qu'il s'agit de sanctionner une occupation non autorisée de l'espace public. Parfois d'ailleurs, le non autorisé n'est que le non toléré, ou le non supporté. Il est dès lors pertinent de leur donner la faculté d'agir, lorsque la situation le justifie, et de prononcer des astreintes.

Ce texte de notre groupe, porté par Sandrine Mazetier, s'inscrit dans cette démarche. Cette faculté nouvelle dévolue aux maires est de bon sens. D'une part, parce qu'elle crédibilisera l'action des élus, garants de l'intérêt général, et qu'elle aura un réel effet dissuasif. D'autre part, parce qu'elle permettra d'accélérer l'effectivité de la sanction publique, à l'heure où le retard pris dans les affaires juridictionnelles pèse considérablement sur le contrat social. Loin de moi l'idée de blâmer les juges et les instances juridictionnelles, qui font ce qu'ils peuvent avec les moyens qu'on leur donne, et nul n'ignore ici que, face à la charge, ces moyens sont insuffisants et en constante réduction. L'espace public doit être mieux policé, c'est une évidence.

Mais s'il faut garantir que les usages illégaux seront bel et bien sanctionnés, il faut également préserver les usages légaux, usages économiques, sociaux et culturels, qui font de la ville ce qu'elle est, un lieu de création, de vie et de mouvement. Essayons ensemble d'en faire un lieu pas totalement aseptisé et pas trop triste non plus.

C'est peut-être là que les défis à relever sont les plus importants. L'exposé des motifs de cette proposition de loi renvoie assez justement à la règle d'antériorité qui protège certaines activités du recours des riverains établis postérieurement à celles-ci. L'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation énumère ainsi les activités qui doivent être à l'origine des troubles pour pouvoir bénéficier de la règle d'antériorité, à savoir les activités agricoles – j'y reviendrai –, industrielles, artisanales et commerciales.

Mais ces dispositions ne règlent pas le cas où ces activités s'établissent dans un tissu urbain existant, ce qui est typiquement le cas des lieux de la nuit, des restaurants ou des lieux « hybrides » à multiples usages, comme il en existe de plus en plus, y compris dans les villes intermédiaires – le mot n'étant guère joli, je n'en citerai aucune. Bizarrement d'ailleurs, dans les villages, la tolérance est souvent beaucoup plus forte.

Comment protéger ces activités, qui créent de la richesse et un indispensable lien social, des recours abusifs, des plaintes successives, qui amènent souvent l'entrepreneur à fermer boutique ou à renoncer à une activité complémentaire qui déplaît aux riverains ? Cette proposition de loi suggère une mesure simple et efficace : sanctionner les abus de recours aux numéros d'urgence pour tapage nocturne. Là encore, cette mesure semble de bon sens ; mais – j'en conviens – où commence l'abus, où se situe l'urgence ?

À l'inverse, comment éviter aux habitants la désagréable surprise de constater que leur logement est exposé à une source de bruit, une fois le bail ou le contrat de vente signé ? Où commence l'arnaque, à quelle heure s'arrête le bruit ?

L'amendement qui sera proposé par Mme la rapporteure, Sandrine Mazetier, visant à assurer la bonne information des riverains, constitue une première réponse. Personne ne doit être pris en traître, ni les commerçants ni les riverains. L'information préalable doit être assurée.

Mais il faut sans nul doute pousser la réflexion plus loin. L'expérimentation ici proposée, ainsi que le rapport demandé au Gouvernement sur les évolutions à apporter à la réglementation relative à la sécurité des établissements à vocation nocturne entament ce nécessaire mouvement.

Il en va de la vie de nos villes la nuit ; de celle de Paris, bien sûr, dont la jeunesse nous dit souvent, peut-être à tort, qu'il ne s'y passe plus assez de choses, « que ça se passe à Berlin, à Londres ou à Barcelone, maintenant ». Il en va de la survie de nos centres villes, où les opticiens et les banques, commerces discrets s'il en est, ont peu à peu grignoté tous les commerces « vivants ».

Établir les pubs, les restaurants et les boîtes de nuit dans les zones de bureaux ou d'activités, comme cela se fait de plus en plus, ne saurait favoriser réellement la mixité urbaine et la gaieté dans nos villes. Ce mouvement accélère au contraire l'éclatement urbain, et génère des déplacements automobiles, synonymes d'émissions de gaz à effet de serre inutiles et d'insécurité routière.

Le chantier que l'on rouvre aujourd'hui sur le terrain de l'espace public et des activités nocturnes témoigne de nos difficultés à vivre ensemble en milieu urbain, de nos difficultés à concilier notre propre confort avec la vie de la cité, qui, faute d'être elle aussi préservée, est menacée d'appauvrissement. Nous pouvons d'ores et déjà voter les mesures de bon sens proposées, mais rien ne nous exempte de poursuivre la réflexion et le débat sur l'urbanité actuelle et celle de demain.

À cet appel à l'urbanité réussie, j'aimerais simplement ajouter un appel à la ruralité réussie, car bien vivre ensemble est autant un enjeu pour la campagne que pour la ville. À ce titre, sans doute l'ancien président de la commission des affaires économiques s'en souvient-il, j'avais pris l'initiative, dans cette même assemblée, lors d'une loi agricole et rurale, de traiter la question du chant de coq que les néoruraux ne supportent pas venant de la ferme toute proche.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion