Si nous avions la maîtrise de l'agenda parlementaire, nous aurions présenté ce texte après le 15 octobre, une fois les procédures prévues achevées. Mais nous n'en disposons pas et nous sommes également contraints par l'imminence du débat budgétaire.
Les analystes financiers s'accordent à dire que le gaz de schiste fait l'objet d'une bulle spéculative comparable à celle des nouvelles technologies naguère : il est vendu à 4 dollars le gigajoule alors que son coût de production avoisine les 6 dollars. Je mets d'ailleurs en garde le Crédit agricole qui, par l'intermédiaire de sa filiale Corporate and Investment Bank , souhaite investir dans cette énergie.
De plus, les titulaires de permis exclusifs de recherches peuvent engager des travaux de forage sans demander l'autorisation du propriétaire des terrains. Il peut être bon de le rappeler aux agriculteurs.
Notre défiance à l'égard de la loi du 13 juillet 2011 vient tout simplement des déclarations des titulaires de permis. M. Christophe de Margerie, dans un récent entretien accordé au journal Les Échos, a ainsi annoncé qu'il présenterait une technique de fracturation pneumatique afin que Total conserve son permis.
Les gaz de schiste sont un trésor empoisonné du point de vue financier mais aussi, bien évidemment, environnemental. Aux États-Unis, où tout a commencé, le professeur Armendariz, de l'Agence de protection de l'environnement américaine (EPA), en a souligné tous les dangers dans une étude incontestable. Pourtant, Total vient de racheter 20 % de la société Chesapeake, qui extrait du gaz de schiste à Barnett (Texas), et d'investir 1 milliard d'euros dans les forages sur le sol américain. Les mêmes techniques seront employées en France, par exemple à Montélimar où le groupe détient d'un permis exclusif de recherches. De tels engagements spéculatifs ne sont pas non plus des réponses à nos besoins énergétiques, lesquels doivent effectivement faire l'objet d'un large débat.
Les titulaires de permis, tels que Total et Schuepbach, ont donc répondu par anticipation à Mme la ministre. Ils vont lui présenter des techniques alternatives à la fracturation hydraulique si bien que, nous le savons, leurs titres ne seront pas abrogés. S'ils l'étaient par notre texte, objecte-t-on, ces sociétés seraient en droit de réclamer des dommages et intérêts. Mais par rapport à quels investissements ? L'exemple fera sourire mais il est probant : lorsque l'État français a décidé de fermer les maisons closes, il a dû faire face à des recours car il avait délivré des autorisations devenues sans objet. Mais il n'a jamais été condamné à payer un centime de dommages et intérêts. La France est en droit d'accorder des agréments et de les retirer à tout moment. La jurisprudence est très claire sur ce point.